Pour trouver le réconfort, et pallier à la tristesse que lui causait l’idée que la vie ne lui tendrait plus ce doux sourire des premières chances, qu’il avait échoué (quand nous vient cette impression, si amère, que le monde nous dédaigne, en perpétuant sa course vaine, car jamais achevée, ce qui est antagonique à son mouvement peut nous saisir à bras le corps ; se révèle alors un autre monde, celui des inhibitions, enfin remarqué ; il semble même nous lancer des œillades depuis son ombre, vers laquelle une seule cloche, assourdissante, nous attire : celle du refuge, gîte où les égarés, blottis comme ils sont contre le mur de la vie, viennent rêver de se perdre pour de bon, pour ne plus avoir à subir les effets de cette conscience qui les porte, et par laquelle passent toutes leurs blessures…), il se replongea dans les bassesses de l’âme humaine, s’arrêtant aux fangeuses images pornographiques qui l’avaient marqué durant sa puberté…
Il savait que, tant qu’il serait conscient, il devrait composer avec le changement, qu’il voyait comme tout à la fois très vague et très précis… Désormais, il l’aimait d’un côté et le détestait de l’autre, le haïssant quelque part car il l’avait tant aimé par ailleurs. Il en personnifiait l’expression, à tort, par manque d’assise, d’expérience… Son réel prenait alors les traits d’une tragédie grecque, et l’illusion faisait le pain de ses jours. Le changement l’avait bafoué, fouetté, blessé, heurté… Pourquoi ? Il ne s’en souvenait guère… Il avait beau chercher dans les tréfonds de son âme, c’était toujours en vain qu’il méditait ainsi sur son sort.
Il oscillait de la sorte, de la littérature au cinéma, du cinéma à la littérature, du livre au souvenir, du souvenir au livre, du mot à l'image, de l'image au mot, Sade lui évoquant Pasolini, Bram Stoker ou Conan Doyle lui évoquant des films de la Hammer, Steinbeck lui évoquant Ford, Patricia Highsmith ou Daphné du Maurier lui évoquant Hitchcock, Stendhal lui évoquant un film d'Argento, Washington Irving lui évoquant Tim Burton, et vice-versa...
À sa manière, Bergson avait vu juste, pensait-il. Pour que notre intérêt puisse se satisfaire, il y avait une sorte de mécanisme cinématographique de la pensée, quelque intermédiaire par lequel des instantanés se détachaient du mouvant, de ce flux ininterrompu du vivant dans lequel nous sommes engagés…
D'aucuns savent que toutes les bonnes choses ont une fin. Et, plus une chose est bonne, enivrante, plus rapide, plus brutale, est sa fin...
Axel Janvier lit sa nouvelle Le dernier lecteur