Quand on aime un pays, rien de plus normal que de s’intéresser à son passé.
L’attente est le plus subtil des supplices que les autorités infligent aux émigrants. Au dénuement, à la faim, au malheur, il faut ajouter le découragement. Le simple découragement. L’épice qui relève le plat qu’on ne leur sert pas, la pincée de sel qui avive les plaies. Qui devrait aviver les plaies. Or, le paradoxe de cette attente, c’est qu’au lieu de susciter de l’impatience elle engendre l’indifférence.
Là où elle était née, dans les basses terres du Mask, tout n'était que dureté, aspérités, terre parcheminée, vent incessant qui déroule à une vitesse folle des chevaux de frise blancs sur de eaux bleu de Prusse. Ici, tout n'était que clarté, beauté et sérénité. Voilà ce qui sépare les riches des pauvres, songea-t-elle : les premiers choisissent leur paysage, les seconds subissent la leur.
Certes, il ne faut pas fourrer tous les Anglais dans le même sac, dans la même panse bien remplie. En d’autres temps, lors d’autres famines, avant celle-ci nommée la Grande, l’église anglicane et des dames patronnesses ont organisé des soupes populaires, mais au lieu d’exiger un quelconque travail c’était la religion qu’on priait aimablement d’abjurer, malgré la loi d’émancipation et le droit de pratiquer le culte.
Voilà ce qui sépare les riches des pauvres, songea-t-elle : les premiers choisissent leur paysage, les seconds subissent le leur.
L’âme humaine est faible, fût-elle celle d’une mère supérieure.
Un certain Hougo, ou Hugo, Victor si je ne me trompe pas. Il paraît qu’il choisit pour héros des gens du peuple et des malandrins. Comme si la vie des voleurs et des pauvres était un sujet de romans !
Quand la loi traînasse et que la persuasion ne suffit pas, on use de la force.
Ceux qui ne meurent pas s’enfuient, comme les rats d’Hamelin suivaient le joueur de flûte ils emboîtent le pas aux fifres des Anglais, répondent à l’appel des tambours et se réunissent autour des intendants des landlords pour écouter bouche bée leurs promesses de payer la traversée vers les États-Unis ou le Canada.
Depuis deux jours j'errais dans le comté Clare. J'étais parvenu dans le décor fantastique du Burren, ce grand désert de pierrailles où s'achèvent au bord de l'Atlantique ces terres desquelles les îles d'Aran se sont détachées. Les trois - du sud au nord : Inisheer, Inishmann et Inishmore - étaient ancrées au large, en face de moi. Elles me semblaient à portée de voix, j'ai appelé leurs habitants. Mes cris n'ont pas porté plus loin que le ressac. Je crois bien que j'étais près de la folie. Las de la vision de tous ces cadavres jonchant les bords des routes, j'avais désiré me retirer dans ce désert où je savais que vivaient très peu de gens.