La Zone, la nuit.
Les chats tigrés rasent la coque du boat-people échoué sur la colline.
C'est un vaisseau en panne qui bat pavillon de la planète des exclus, amarré par des barbelés électrifiés au quai des nantis.
Je me dis, je me suis dit cent mille fois que le silence n'est pas l'expression de la haine. La haine se crie. Le mépris se tait. Le doute se murmure.
Ma Chère Catherine,
Le directeur vient de me l'annoncer : je serai libéré dans quinze jours. Il faut croire que par le jeu des remises de peine légales nous sommes arrivés à l'échéance. Condamné à dix-huit années de prison, je vais être libre au bout de douze ans et cinq mois.
J'ignore s'il s'agit d'un pur hasard, ou d'une espèce de grâce, ou bien d'un arrangement négocié entre l'administration pénitentiaire et le garde des Sceaux en faveur du détenu modèle que j'aurai été. Toujours est-il que ma libération va coïncider avec ton vingt-cinquième anniversaire et ton mariage. (p.7)
Combien de fois j'ai failli crier la vérité ? (...) Je sais que tu le sais. Parce qu' au tribunal tes yeux m'intimaient de me taire. Je ne t'ai pas désobéi, cette fois. Je suis restée intacte aux yeux de tous. Intacte à tes yeux, aussi et surtout.
Une énorme femme barrait -occupait, remplissait ?- le couloir. Ridicule coquette aux cheveux crêpés roses, aux yeux bovins sous des faux cils argentés, aux chevilles en baguettes de tambour mais assez solides, cependant, pour supporter un quintal de chair, de graisse et d'eau. Ses seins étaient si imposants que sa robe sans manches se soulevait sur le devant, jusqu'à mi-cuisse. (p.52).
Je brode, Catherine. Je suis un secondaire. Mes dialogues qui auraient dû être sont toujours plus beaux que ceux qui ont été. (p.91)