Les Filles de Roz-Kelenn, ce sont bien sûr les trois filles de Fanch, toutes différentes les unes des autres : Soizig, l'aînée qui ne pardonne rien à son père ; Nicole la timide qui sait profiter des bonheurs simples de la vie et Gwenaëlle, celle qui est tombée de la lune. Mais
les filles de Roz-Kelenn, ce sont toutes les autres figures féminines qui sont passées sur cette terre, qui l'ont arrosée de la sueur de leur travail pour en faire une des propriétés les plus prospères de la région. Nous sommes en Bretagne, sur les bords de l'Odet, et ce livre nous fait traverser tout le XXème siècle, d'abord avec Isabelle qui deviendra Jabel gozh, la petite mendiante qui s'élève par son travail acharné et sa détermination qui abat des montagnes ; puis Jeannette qui restera comme un ange gardien planant au-dessus de la ferme et arrondissant toujours les angles ; et Adelice, l'effacée femme de Fanch qui met tout son amour et son dévouement dans son travail insaissant. Que des femmes autour de ce Fanch l'irascible patron qui mène ce petit monde à la baguette, quand il ne se fait pas mener lui-même à la baguette.
Cette histoire de famille est le prétexte pour retracer l'histoire de l'agriculture en Bretagne pendant une bonne partie du XXème siècle, en particulier les vicissitudes de l'Occupation puis les grandes mutations des années 60 et des décennies suivantes. Dommage que le propos historique soit un peu trop noyé par la description des relations familiales, dans les aigreurs, les non-dits mais aussi les façons compliquées de s'aimer dans une famille de bretons à la tête dure du siècle dernier. le remembrement, les quotas laitiers, l'élevage intensif… tout cela est dit en passant, il faut déjà savoir ce dont il est question pour comprendre ce qui se joue dans l'arrière-plan de ce roman.
Ce livre est le premier d'une série qui s'intéresse à diverses branches de la famille. Je ne savais pas cela lorsque j'ai découvert
Hervé Jaouen, j'en ai donc lu d'autres avant. Et heureusement, car je trouve que celui-là n'est pas le meilleur (et c'est mon quatrième sur les six que compte la saga des Scouarnec-Gwenan – sachant qu'ici on est chez les Goasdoué…). C'est même le moins bon que j'ai lu. Trop de gros mots, pas assez de contexte historique, pas assez d'évolution dans les personnages… Je suppose qu'il vaut mieux commencer par ce tome si l'on aborde cette saga, mais s'il n'est pas à la hauteur il faut donner la chance aux suivants. Une petite déception avec ce livre, donc, même si je l'ai lu en quelques heures entre hier et aujourd'hui, mais je sais que je lirai les deux tomes qu'il me reste encore, car j'aime habituellement la plume d'
Hervé Jaouen et sa façon de croquer ses paysans, ses petits ouvriers et tous ces anonymes qui ont fait la Bretagne d'hier et celle d'aujourd'hui.