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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La Malinche est une figure assez controversée de l'histoire du Mexique car elle a collaboré avec l'ennemi conquistador contre son peuple. Voici une oeuvre qui nous livre une autre version un peu plus poussée sur les raisons qui l'ont motivé à faire ces choix parfois lourd de conséquences. A noter qu'elle assuma parfaitement son rôle.

En effet, Doña Marina, est une Indienne qui a aidé le conquistador espagnol Hernán Cortès à défaire l'Empire aztèque en conquérant le Mexique et sa capitale Tenochtitlan. Elle lui a servi de traductrice, mais également de conseillère en diplomatie locale. D'autres disent qu'elle a également servi de maîtresse à Cortès qui fut séduit par son charme et par son caractère. Elle lui a fait un fils.

On se rend compte que les indiens étaient très divisés et souvent assez sanguinaires avec d'énormes sacrifices pour satisfaire leurs dieux. On est loin de l'image pieuse qu'on peut se faire des indiens. La civilisation aztèque n'a pas fait dans la dentelle. Cependant, cela n'excuse en rien la colonisation espagnole. le rôle de la Malinche aurait donc été primordial dans le succès de la conquête du Mexique. On y croise une mosaïque de peuples en conflit et un conquistador qui a mis à profit ces différents pour conquérir cet empire au nom de la couronne espagnole.

J'ai bien aimé cette démarche de l'auteure qui nous offre un autre éclairage tout à fait pertinent par rapport à ce personnage controversé qui fut accusé de traîtrise. J'avoue que je l'ai bien aimé cette belle et intelligente Malinche qui a su dire non et s'imposer dans un monde très dur. Il faut savoir qu'elle était qu'une esclave qui fut offerte aux espagnols par le peuple Maya à leur arrivée. En dépit d'être une esclave, elle a été traitée mieux que les autres filles esclaves en raison de sa beauté et de son intellect supérieur à la moyenne.

La Malinche s'est vite révélée très utile à Cortés, car elle a pu l'aider à interpréter le nahuatl, la langue du puissant Empire aztèque. Cette oeuvre est justement basée sur les mécanismes du langage. Il y a manifestement un fort accent que l'auteure a mis sur cet aspect assez intéressant. Cela m'a fait penser au film « Premier contact » de Denis Villeneuve où il s'agit de contacter une linguiste recrutée par l'armée pour établir le contact et connaître leurs objectifs.

J'avais lu par le passé son histoire un peu romancée dans la série de Jean-Yves Mitton à savoir « Quetzalcóatl ». A travers le destin exceptionnel de cette jeune Aztèque, c'est toute la période de la colonisation du Mexique qui est dépeinte. Elle a également été source de respect et d'admiration, et des mouvements féministes des années 1960 au Mexique se sont inspirés de cette figure historique.

Un mot sur le dessin pour dire qu'il est excellent ! C'est un dessin avec de magnifiques couleurs, de belles planches chaudes et pleines de vie et personnalité, où le soin est apporté tant à l'expressivité des personnages qu'au soucis du détail et des décors. Rien que pour son aspect visuel, cette BD est un coup de coeur et donne véritablement envie de se plonger dedans.

J'ai aimé la densité de ce récit où il se passe beaucoup de choses. L'histoire est d'ailleurs racontée avec une grande maîtrise. J'ai grandement apprécié également l'originalité de la démarche de l'auteure. Cette BD est une manière motivante de découvrir le parcours d'une femme exceptionnelle. C'est réellement un très bel ouvrage biographique qui rend un superbe hommage à cette figure de l'histoire du Nouveau Monde.

Enfin, je voudrais remercier les éditions Bamboo et sa collection « grand angle » ainsi que « Babélio » de m'avoir adressé cet ouvrage dans le cadre d'une opération masse critique. C'est un beau cadeau qu'ils m'ont faient là.
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Cette histoire plutôt rocambolesque, est inspirée d'un personnage réel, celui de « La Malinche » cette jeune indigène mexicaine devenue interprète et amante du conquistador Cortez. D'elle, on ne sait pas grand-chose, même pas son nom d'origine. Longtemps, les mexicains l'ont considérée comme traitre car elle aurait trahi les siens. Mais sans doute, si elle a aidé les espagnols à se battre contre les mexicas, c'est probablement que ces derniers avaient conquis son village et son peuple, les guerres fratricides étant monnaie courante à l'époque.
Alicia Jaraba s'est emparée avec finesse de ce personnage controversé pour en faire une femme pleine de sagesse et d'humanité, mais aussi en proie aux doutes. Elle prend le parti des femmes en faisant de son héroïne une féministe avant l'heure, à une époque où elles étaient soumises aux hommes, subissaient les contraintes de la maternité et n'avaient aucune voix au chapitre.
Grâce à sa connaissance des langues – elle parle nahuatl, popoluca, maya et espagnol - la Malinche qu'on surnomme « celle qui parle » va jouer un rôle important le jour où les navires de guerriers blancs accostent sur les rives du Mexique. le barrage de la langue freine les pourparlers et c'est là que la jeune fille prendra toute son importance par le truchement de la langue. Elle sera non seulement la traductrice, mais aussi la conseillère et l'amante du conquistador Cortez.
Au-delà de la conquête du Mexique par les conquistadors espagnols, au-delà des rivalités de tribus, on découvre le quotidien de ces femmes vendues comme esclaves, l'entraide, et le savoir qu'elles se transmettent. le rôle de la grand-mère de la Malinche illustre bien la transmission de la connaissance avec l'enseignement des plantes médicinales et les rites religieux. Bien sûr, on ignore comment les femmes indiennes de cette époque vivaient, elles comptaient moins que les hommes et leur témoignage n'est pas arrivé jusqu'à nous. Alicia Jaraba a su recréer cet univers avec un certain réalisme teinté d'humanisme et d'humour aussi dans la confrontation des cultures.
Les dessins, très colorés avec des nuances de bruns et de sépia, accompagnent magnifiquement l'histoire et j'ai lu avec un réel plaisir ces 200 pages d'un récit qui mêle avec brio faits historiques et fiction.
Je remercie les éditions Grand Angle et Babelio pour la découverte de ce passionnant roman graphique.
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Fille du chef déchu d'une tribu indienne d'Amérique centrale, Malinalli est devenue une esclave. Un jour des vaisseaux espagnols envahissent la baie près du village où elle vit.
Douée pour les langues, aidées par de rares ami(e)s, la jeune femme devient l'interprète du chef conquistador, Hernan Cortez.

Cette bande dessinée est inspirée par l'histoire controversées de la Malinche : une jeune indienne qui aida les conquistadors espagnols et devint, selon la légende, la mère du peuple mexicain actuel. le hasard a voulu que je lise cette BD en même temps que Les grandes oubliées : pourquoi l'histoire a effacé les femmes de Titio Lecoq. Je trouve qu'il y a là une belle illustration de ce que sont capables de faire les femmes.
Le dessin est beau, avec du caractère. Les couleurs peuvent paraître sombres, mais sont à l'unisson de l'époque et de ce que vécurent les tribus indiennes.
Le scénario ne cherche pas à édulcorer ce que fut la vie des jeunes esclaves (au féminin), sans tomber dans le voyeurisme.
Les textes sont courts et plus suggestifs que narratifs. Tout juste regretterais-je la taille des caractères, pas toujours compatible avec ma presbytie...
J'attends avec impatience la suite !

Je remercie Babelio et les éditions Grand Angle de m'avoir fait découvrir cette bande dessinée et sa scénariste-illustratrice.
Lien : http://michelgiraud.fr/2022/..
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Merci aux éditions Grand Angle et à Babelio pour ce magnifique roman graphique.
« Celle qui parle » est une fiction historique . Alicia Jaraba Abellan ayant été séduite par le récit controversé de la Malinche.
L'Amérique Centrale au XVIème siècle connait une histoire très complexe : esclavage, guerre de clans, sacrifices humains, conquistadors, conversion. Une période riche en bouleversements .
Malinalli, fille de chef, verra son avenir suivre une autre voie quand elle deviendra esclave.
Sa plus grande chance est d'avoir reçu une éducation qui lui a permis d'apprendre le Nahuatl qui lui a offert une ouverture d'esprit ainsi qu'une capacité à comprendre et demander
Si elle est dépassée par sa condition, son intelligence l'aidera à a devenir une esclave privilégiée, plus de travaux des champs. Elle va participer à la conquête de l'Amérique aux côtés de Cortez.
Si par sa crainte de certains clans et la peur qu'ils lui inspirent, elle va aider les Conquistadors, elle n'a jamais imaginé leur manque de parole et leur cruauté.
Était-elle une traîtresse ou voulait-elle survivre ?
Ce que j'ai énormément apprécié est ce rapport particulier entre les différentes langues : celle de l'enfance, celle des chefs mais aussi celle de l'esclavage et celle de la conquête. A chaque fois, un nouveau champ lexical. Pour en venir au silence quand les mots ne servent à rien ou quand le coeur parle.
Pour mon premier roman graphique je suis très enthousiasmée autant par la vision que nous offre l'auteure de cette jeune fille que par les graphismes.
J'émets juste une réserve vis-à-vis de l'esclavage sexuel que les femmes subissaient, j'ai du mal à imaginer une attitude aussi complaisante mais ce n'est que mon avis.
La Malinche est une légende à découvrir .
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Depuis quelque temps, j'ai envie de lire des BD.
Pour une simple raison, cela me permet d'entrecouper des lectures où les pavés sont énormes, voire astronomiques…
Il y a un autre avantage, les dessins. J'adore observer les images, les paysages, les expressions des personnages, et prendre le temps d'admirer chaque croquis.

Et puis l'histoire était passionnante. le récit de cette jeune fille qui apprend chaque langue des peuples qu'elle côtoie « par obligation ». Un récit touchant et plein d'espoir…

J'ai repéré d'autres trésors, qu'il va falloir que j'achète…
Tiens, j'avais oublié, il y a une autre qualité, ma fille aime les BD, elle me les prend ensuite pour décorer sa chambre et les lire bien entendu…
Voilà, je me disperse sur un autre genre de lecture… J'avais besoin d'un autre monde, mais toujours dans l'Univers littéraire.

Bonne lecture !
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« Celle qui parle » : Malintzil en langue locale, La Malinche dans notre langue. Malinallli, fille du cacique d'Oluta sacrifié au dieux des Atzèques ou Mexicas, est vendue enfant, par sa mère et son beau-père à un clan Maya. Devenue esclave, elle va s'endurcir, apprendre le Maya. Elle a don certain pour les langues étrangères. Entre le Popoluca sa langue natale, elle va déjà apprendre avec son père le Nâhuatl, sorte de langue commune au clans, puis viendra le Maya et l'espagnol. Ce qui fera d'elle la traductrice attitrée de Hernan Cortès quand celui-ci débarquera en Amérique centrale.
Cette bande-dessinée est surtout un hommage à cette femme, que la plupart des Mexicains considèrent comme une traître à son peuple.
Il y a très peu de traces de son histoire, ce que l'on en sait viennent des écrits des espagnols. Elle fut la concubine de Cortés, lui donna un garçon et lui permit de se faire comprendre des nombreuses tribus amérindiennes qui combattaient les Aztèques. Ces derniers ayant envahi une grande partie du territoire, les autres clans subissaient leur joug. C'est de cette rancoeur que Cortès sut tirer partie pour faire tomber Moctezuma, l'empereur Aztèque à Tenochtitlàn.
C'est l'histoire d'une petite fille que rient ne prédestinait à un tel destin qu'Alicia Jaraba nous raconte. Son incompréhension vis à vis de ces hommes venus de l'autre côté de la mer et qui veulent éradiquer ses dieux, sa découverte de la vie, la domination des hommes sur tout ce qui est féminin, sa prise de conscience de ce qu'elle veut maîtriser son destin.
Une bien belle histoire, qui émeut. Car ses choix en font à la fois une paria et une héroïne en son pays.
Les dessins sont très stylisés, des couleurs très chaudes qui nous font bien sentir la chaleur et le soleil qui brûlent cette terre où l'eau est source de vie.
J'ai beaucoup aimé cette reconstitution de la vie d'une femme que je ne connaissais pas du tout. Un pan d'histoire qui nous rappelle l'éradication des peuples amérindiens au nom du profit des royaumes d'antan.

Merci à Babelio et les Éditions Bamboo pour cette belle masse critique privilégiée.
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Celle qui parle, c'est Malinalli, celle qui est restée connue dans l'histoire sous le nom de la Malinche, elle fut l'interprète de Cortès dans son expédition pour la conquête de l'empire Aztèque (1521). Sa vie est racontée assez fidèlement, c'est un récit historique très instructif, et pourtant totalement romanesque, est c'est justement ce qui m'a plu. On connaît les évènements de l'époque, mais la personnalité de ce personnage est ici imaginée avec beaucoup de force et de finesse à la fois.

Le dessin est coloré et vivant, le trait est simple, sans emphase, laissant aux couleurs le soin de révéler les ambiances de jungle, de chaleur. le récit est superbement rythmé, on reste dans la chronologie, pas de surcharge de flashbacks, le récit est centré sur les personnalités des personnages, et ça, c'est vraiment très réussi, même si là, on est totalement dans la subjectivité.

Culturellement, le rôle de ce personnage est aujourd'hui très controversé, traître aux indiens selon certains, sauveuse selon d'autres, alors cette bande dessinée n'a pas la prétention de détenir une réalité absolue, elle propose une hypothèse plausible, pleine de panache, un récit épique et romanesque et un moment de lecture formidable.
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L'autrice, Alicia JARABA est partie de l'histoire de la « Malinche », personnage controversée de part son rôle d'interprète, qui a été transmise à travers les écrits des Espagnols et les images des codex aztèques sur l'histoire de la Conquista, pour raconter son histoire à travers une BD.

Comme d'habitude l'avidité des hommes n'a pas de frontières. Les tribus d'Amérique centrale n'hésitaient pas à « vendre » comme esclaves, les hommes, femmes et enfants des autres clans qui leur faisait de l'ombre afin d'asseoir leur pouvoir.

Mais ce fut à leur détriment.

Malinalli, dit « la malinche » vendue comme esclave, deviendra l'interprète de Cortez. Car elle a un don Malinalli. En effet, chaque clan à son dialecte et « celle qui parle » en connaît un certain nombre.

Il y a beaucoup de vide autour de la Malinche, qu'à réussi à combler Alicia JARABA par cette BD qui m'a beaucoup plût. C'est une vraie découverte pour moi.

Je vous recommande cette BD, qui ouvre une petite fenêtre sur la conquête du Mexique par les Espagnols et l'image forte de cette femme qui a bravé les hommes, au destin extraordinaire.

Je remercie vivement Babelio et les éditions Bamboo - Collection Grand Angle, pour m'avoir permis de découvrir cette histoire à travers une masse critique privilégiée.

Au fait, Feu Chatterton a écrit une chanson sur la Malinche. Extrait :

Native des contrées où Cortés est venu
Trouver haine et fortune
Tu sais de mémoire ancienne
Te méfier des braves, de leur soif inopportune
Combien de lâches sont venus ici
Courir chimères à coup de fusils?
Ivres de gloire, ont-ils pensé que ton coeur
Serait conquis, percé de flèches et de rancoeur
Comme tes côtes mexicaines,

De Malinche
De Malinche
Il n'y en aura qu'une

Oh oui
Oh oui
Oh oui
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Ces temps-ci m'emmènent vers de nombreux romans graphiques que je découvre avec beaucoup de gourmandise. le dernier en date, que je dois à ce même collègue qui m'a déjà fait découvrir l'excellente saga "Le Serpent et la Lance" est (encore) un coup de coeur.

"Celle qui parle" somptueusement orchestrée par Alicia Jaraba n'est pas sans rappeler le diptyque de Hub puisqu'elle se déroule en Amérique précolombienne, une période méconnu mais fascinante à bien des égards.
"Celle qui parle" constitue une biographie romancée (forcement) de la Malinche, cette figure si controversée de l'histoire mexicaine. En effet, cette dernière qui naquit vers 1500, probablement au coeur d'un clan Nahua, s'est rendue célèbre pour avoir été l'interprète puis la maîtresse de Hernan Cortes. Figure de traîtresse à son peuple, pour l'avoir livré à la cruauté des conquistadors, la Malinche est pour certains une figue martyre et on peut raisonnablement s'interroger sur son libre arbitre et la liberté dont elle disposait... Celle qui fut aussi érigée en icône féministe par les mexicaines dans les années 1960 demeure donc une figue fascinante et qui interroge. Il y a par ailleurs tant d'incertitudes et de silences quant à sa biographie que cela laisse de la place pour la broderie, le romanesque, le dramatique et à cet égard, "Celle qui parle" présente un équilibre parfait entre historicité et romanesque, histoire et fiction.

Il y a tellement de points forts à noter dans cet ouvrage!

La beauté des dessins et de leurs mises en couleurs, la densité du récit dans lequel il se passe mille choses sans que cela ne perde en clarté ou en force, l'intensité des sentiments qui naissent à la lecture: la colère, la révolte, la gorge noué et la complexité bienvenue des personnages...
L'importance donné au langage bien sûr et le message féministe.
L'originalité du point de vue aussi. Habituellement, les récits qui mettent en scène les civilisations précolombiennes se contentent du trio aztèque, maya et inca. La réalité était cependant bien plus complexe. de même qu'on nous livre souvent une image très édulcorée des aztèques (des mexicas devrait-on dire) alors que c'était un peuple dominateur et d'une violence extrême. C'est intéressant et pertinent de nous laisser entrevoir cette complexité historique. de plus, cela ouvre aussi des perspectives sur le personnage (très, très beau) de Malinalli qui pourrait s'être rangée du côté des espagnols afin de protéger les autres peuples de la soif de sang des aztèques... Bien sûr, rien n'est certain mais c'est une piste qui valait la peine d'être explorée et qui donne beaucoup de profondeur, d'épaisseur au récit et qui le rend poignant, ce qui ajouté à sa construction virtuose en fait vraiment un chef d'oeuvre.
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Je remercie Babelio et les éditions Bamboo de m'avoir envoyé Celle qui parle d'Alicia Jaraba en échange de mon avis.

À la réception de cette BD, j'ai été étonnée par sa taille ! Mais il faut bien 220 pages pour narrer de destin exceptionnel d'une figure féminine historique que je ne connaissais pas et qui a pourtant marqué l'histoire du Mexique : Malinalli alias la Malinche.

De fille de chef de clan à esclave…

Bien qu'il y ait encore beaucoup de flou autour de cette femme, Alicia Jaraba a fait le pari ambitieux de combler les failles de l'Histoire en nous proposant un récit mêlant réalité et fiction. Et le résultat est à la hauteur de ce que l'on peut espérer de ce genre de démarche : passionnant et assez intrigant pour donner envie d'effectuer ses propres recherches. J'ai ainsi pris beaucoup de plaisir à découvrir Malinalli, une jeune femme qui jamais n'acceptera sa condition dans une société précolombienne où les femmes n'ont pas le droit à la parole.

Bénéficiant d'un peu plus de liberté que les autres femmes, grâce à son statut de fille de l'ancien chef de son clan, Malinalli sera néanmoins vendue comme esclave, avant d'être offerte, quelques années plus tard, par Hernán Cortès à l'un de ses hommes. D'esclave à objet sexuel, le destin de la jeune femme n'est pas enviable bien, qu'apparemment, commun dans ce Mexique du XVIe siècle. Cette vie de soumission imposée n'entachera néanmoins jamais sa détermination, Malinalli faisant preuve d'un courage et d'une force de caractère impressionnants. Au fil des pages, j'ai été éblouie par sa personnalité hors norme, sa capacité à ne pas se laisser dominer par les hommes qui peuvent posséder son corps, mais pas briser son esprit.

Un talent pour les langues au service des conquistadors…

Fine stratège, observatrice et douée pour les langues, Malinalli va, petit à petit, s'imposer auprès des conquistadors, ces derniers rêvant de s'emparer des richesses et de l'or du Mexique et de soumettre les Mexicas. Un peuple à l'influence tentaculaire qui exige des autres toujours plus de « dons », d'esclaves et de personnes à offrir en sacrifice. Un peuple responsable de la mort du père et de la soeur de Malinalli enlevés puis sacrifiés comme beaucoup d'autres. On peut alors comprendre qu'elle décide de collaborer avec les conquistadors contre les Mexicas, leur violence et leurs exigences démesurées qui vident les clans de leurs habitants et de leurs possessions.

Si la jeune femme devient traîtresse aux yeux de certains, on découvre l'importance de son rôle d'interprète dans la paix. Ainsi, grâce à sa capacité à comprendre et parler plusieurs langues, elle va permettre d'éviter que certaines situations ne dégénèrent, mettant des mots là où les opposants n'entendent que des sons étranges. Malinalli fera également preuve d'un sens redoutable de la diplomatie, choisissant quoi traduire et surtout comment reformuler les propos des uns et des autres. Un talent qui se conjugue à merveille avec son don pour les langues, deux choses qui feront d'elle un atout pour Hernán Cortés.

Une femme d'exception qui fera de son mieux avec les circonstances…

Ce dernier semble d'ailleurs réaliser l'importance stratégique de Malinalli, de « celle qui parle » dans un pays et à une époque où les femmes sont cantonnées au silence et à la soumission. Intelligente et débrouillarde, il y a quelque chose d'avant-gardiste et de visionnaire dans cette jeune femme qui ne fait pas unanimité parmi les siens, mais qui réussira à nouer des amitiés sincères que ce soit avec une Maya ou une Espagnole. Nouvelle preuve de sa capacité à faire le lien entre différents peuples… le contexte historique est difficile, mais au fil des pages, on découvre également quelques instants de bonheur simple, une belle transmission intergénérationnelle et une certaine solidarité féminine.

Tout autant d'éléments qui aideront Malinalli à affronter les épreuves et l'opprobre des siens devant sa collaboration avec l'envahisseur espagnol. Un envahisseur qui va faire montre d'une attitude abjecte, se jouant de l'ignorance des Mexicains des armes à feu, les spoliant de leurs richesses, les manipulant sans vergogne, et obligeant les peuples avec lesquels il s'allie contre les Mexicas à renoncer à leurs propres cultes et dieux. Des actes immondes qui vont pousser Malinalli à imposer, autant que faire se peut, ses propres règles et à tenter de limiter les changements imposés par les conquistadors. Difficile donc de simplement et purement condamner une jeune femme qui fera de son mieux pour limiter le règne de la terreur des Mexicas avec les moyens dont elle dispose, sa connaissance des langues, et les alliés que les circonstances lui imposent, les Espagnols.

Une ambiance graphique immersive, colorée et expressive…

Malinalli, devenue la Malinche, est une figure féminine extraordinaire que j'ai adoré découvrir à travers cette BD, même si c'est de manière romancée. Mais au-delà de sa personnalité qui suscite l'admiration ou la désapprobation selon son point de vue, l'autrice nous offre une immersion convaincante dans la société précolombienne et un Mexique pluriel et varié dans lequel cohabitent plus ou moins pacifiquement différents peuples. le voyage fut d'autant plus agréable que les éditions Bamboo nous offrent ici une édition de qualité avec un ouvrage robuste et épais, mais agréable à prendre en main. En plus de la qualité du papier et d'une mise en page claire, les marges se révèlent suffisantes pour permettre aux lecteurs de lire la BD sans avoir peur de l'abîmer.

Dans une histoire où la parole est essentielle et le dialogue une nécessité, j'ai trouvé, en outre, particulièrement intelligent d'introduire chaque partie par des mots de vocabulaire empruntés aux différentes langues autochtones et à l'espagnol. Mais je reconnais avoir surtout apprécié que chaque partie soit introduite par une carte avec un repère visuel permettant de situer le lieu de l'action… Quant aux illustrations, j'ai été saisie par leur puissance dans la mesure où l'autrice arrive à retranscrire les émotions des personnages, du sentiment de révolte pur à la tendresse en passant par la colère et l'espoir. La gestion des couleurs se révèle également intéressante et dénuée de toute monotonie, précaution indispensable pour une BD de cette taille ! Teintes violacées ou bleutées, verts de différentes nuances… En fonction des événements, des lieux et des saisons, la palette de couleurs évolue, nous offrant différentes ambiances graphiques toutes très immersives.

En conclusion, mêlant fiction et réalité, Alicia Jaraba nous propose avec Celle qui parle une BD ambitieuse autant sur le fond que la forme. D'un trait assuré qui s'adapte à toutes les situations, elle nous plonge avec force dans la vie d'une figure féminine contestée de l'histoire mexicaine, mais une figure historique fascinante qui a su s'imposer dans un monde difficile où les femmes étaient réduites au plus primaire des silences. Traîtresse pour les uns ou héroïne qui a oeuvré à sa manière à la paix pour les autres, peu importe finalement, la seule chose à retenir étant la force de caractère d'une femme d'exception qui a su faire le pont et le lien entre différents peuples. Une femme qui avec courage et détermination a inscrit son nom dans l'Histoire !
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