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Critique de colimasson


Je suis vraiment triste que Chlouska ait disparu de beubeulio. On aimait bien s'envoyer des mots doux, parler de structuralisme, de déconstruction positive, de crème et de babeurre, ainsi que de Teilhard de Chardin -confession qu'il alla jusqu'à me révéler une facette de l'enfance de la pauvre petite méduse. En hommage à son âme aujourd'hui réincarnée sous une forme encore méconnue, j'aimerais lui adresser un extrait ciblé à travers lequel elle pourra peut-être reconnaître nombre des travers de ses compagnes méduses :


« Pour l'auteur jésuite [Teilhard de Chardin donc, bande de glands] -et là, le filtre de l'oubli me pousse à simplifier-, la création entière se dirige vers une convergence totalisatrice : le point Oméga. Il n'indique pas quand pourrait se produire le phénomène, ce qui lui vaut d'être accusé de panthéisme pour certaines de ses explications. Selon les Teilhardinistes eux-mêmes, il s'agit d'une version spiritualiste de toute la création, opposée, en quasi-symétrie, au matérialisme historique de Marx, très en vogue à l'époque.

Ni Diva ni Regina n'accrochèrent à la mode marxiste. En revanche, celle de Teilhard leur convint parfaitement. Elle satisfaisait leur besoin de se sentir à la page, terme équivalent sur le plan intellectuel au ceci est vraiment indispensable de nos jours sur le plan matériel. Une théorie complexe qui se prêtait à la pédanterie et qui ne les questionnait pas sur leur accumulation de capitaux.

[…]

Après deux années de Teilhard de Chardin,Diva se tourna vers le structuralisme, fut parallèlement la maîtresse de son premier analyste, puis consulta un second psychanalyste recommandé par son fiancé et finit par perdre tout son intérêt pour le philosophe qui, une fois passé de mode, tomba dans un oubli total.

Sous l'aiguillon de son petit diable, Regina abandonna elle aussi progressivement Teilhard de Chardin, le laissant littéralement à son point Oméga. »


En vrai, l'histoire parle moins de Teilhard de Chardin que de la vie conjugale du narrateur qui, grand mal l'en prit, mit sa passion pour la mécanique au service d'une boîte dirigée par la dynastie familiale des Garcia. C'est ici qu'il rencontra la secrétaire Regina et que celle-ci, de dix ans son aînée, réussit à l'attirer dans les filets du mariage alors qu'il n'avait que 24 piges. « J'ignorais alors qu'à vingt-quatre ans, un homme désire à peu près n'importe quelle femme. » Oh ben ça c'est vilain, moi qui croyais qu'à l'époque j'avais réussi à pécho mon mec par le moyen de mes charmes exceptionnels, de mon intelligence exquise et de mon humour démesuré, me voilà coïte.


Bref, Tomas nous dit que le problème, ce n'est pas qu'il n'ait jamais aimé sa femme, ça on peut le supporter et même s'en accommoder tranquillement –tellement de couples sont dans cette situation ! non, le vrai problème c'est plutôt d'avoir été toute sa vie façonné et soumis au désir de contrôle d'une femme rendue elle-même totalement malléable par l'esprit de son temps, par son amie, la vipère Diva, et par un nombre incroyable d'idées mal assimilées. Et de tout ça, Tomas ne s'en est rendu compte que bien trop tard, obnubilé sa vie entière à réparer des montres, à travailler sur ses machines et à réfléchir à la nature du temps. « Puisque la montre à ressort saute et s'arrête et puisque le temps coule, quand la montre donne-t-elle l'heure exacte ? Seulement quand elle saute ou seulement après avoir sauté ? »


Mieux vaut tard que jamais, pas vrai. le reste de l'histoire, on va pas le révéler, décrit la façon dont Tomas manigança très mécaniquement la mort de sa femme. Sur un ton habilement cynique, pour ne pas dire autiste, Tomas entrecoupe son récit conjugal de digressions sur le bonheur et la nécessité de ne rien connaître de soi (ce dont l'avait pourtant préservé sa meuf), sur l'invasion contemporaine de la musique dans toutes les sphères de notre existence, sur la culture en tant qu'objet de consommation, sur les régimes alimentaires, sur les montres, et j'en passe des vertes et des pas mûres. C'est un peu méchant, tout en retenue, comme si on écoutait le récit d'un de ces vieillards qui a connu l'époque où l'eau courante n'existait pas, des gars à qui on ne la leur fait pas, qui n'ont même plus envie d'être mordants ni corrosifs, qui cultivent leur petit jardin et qui s'en contentent avec un sourire tranquille -et peu importe que cette terre abrite une dizaine de cadavres ou les quelques semis nécessaires à la survie.
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