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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
L'homme heureux, c'est Tomás. La petite cinquantaine, jeune retraité, cet ingénieur de formation vivant dans la Bogotá de la fin des années 90 coule des jours paisibles et sereins. Plus encore, on peut carrément dire qu'il nage en plein bonheur... depuis qu'il a tué sa femme, Regina, avec qui il était marié depuis 25 ans. C'est lui-même qui nous avoue, sans le moindre remords, son crime parfait. Rédigeant ses mémoires, il nous y raconte sa vie, son travail, son mariage, le paradis que constituait son travail et l'enfer qu'était sa vie vie pendant ses années de mariage. Quoique, pour être exact, il faut préciser que Tomás, pendant ces 25 ans, n'a pas souffert, ou plutôt, ne se rendait pas compte qu'il souffrait, mais qu'il a brutalement pris conscience de son triste sort, de son oppression, de son aliénation à la volonté de Regina, lors du mariage de sa fille. Réalisant tout à coup qu'après le départ de leurs enfants, il allait se trouver pour le restant de ses jours seul à seule avec sa femme, il comprit que cela lui serait insurmontable, et décida de l'éliminer.
Quoi, pareille extrémité après 25 ans ? Reprenons : en 1964, tout juste diplômé, Tomás ne comprend dans la vie que le fonctionnement des machines qui, contrairement aux humains, sont transparentes, prévisibles, claires, objectives, précises et surtout, sincères. Embauché dans l'entreprise dirigée par la famille de Regina, il ne tarde pas à tomber dans les filets de cette dernière. Passionné par son travail, prenant son désir pour elle pour de l'amour, il se laisse épouser par cette chasseuse de mâle reproducteur docile. Passif et sans personnalité, Tomás passe, sans s'en apercevoir, sous la coupe de Regina, reine-mère de fer habillée de velours : « Sans exercer un autoritarisme explicite, Regina contrôlait son entourage de façon absolue. Rien ne lui échappait. Elle menait par le bout du nez les gens qui l'entouraient et elle imposait sa volonté avec une force si irrésistible qu'elle pouvait s'octroyer le luxe d'avoir de bonnes manières et de faire preuve de courtoisie ». Jusqu'au jour de LA révélation, lorsqu'il comprend qu'il est le jouet, l'objet, la chose façonnée de toutes pièces par Regina, et que ce Tomás-là ne correspond pas le moins du monde à celui qu'il croit ou voudrait être, et en tout cas pas à sa conception de l'homme heureux. Cette révolution tout intérieure enclenche l'engrenage, parfaitement construit, de sa froide vengeance.
Et Tomás de nous démontrer, à nous, ses lecteurs et partant, complices, le raisonnement rigoureusement scientifique qui l'a conduit à la conclusion que, mieux que le divorce ou le suicide, l'assassinat de sa femme, en réalité un acte de légitime défense, serait la clé de son bonheur.

Emaillés de réflexions philosophiques enrichissantes sur la nature humaine, le bonheur, le langage et le temps (parfois dispensables pour ces dernières), ces mémoires d'un personnage totalement amoral, perfectionniste et guidé sa vie durant par l'efficacité pure, sont aussi ironiques que jubilatoires. Satire vitriolée de la haute bourgeoisie colombienne qui voue un culte à l'argent, aux apparences et à ce qui est à la mode (cela m'a d'ailleurs fait penser aux romans de Claudia Piñeiro), ce roman est servi par une prose chirurgicale à hauteur teneur en humour caustique... et en manipulation. A ton avis, ami lecteur, dans le match Tomás vs Regina, qui est la victime et qui est le bourreau ?

En partenariat avec les éditions Yovana, via le réseau NetGalley.

Et merci à Bookycooky de m'avoir conseillé cette lecture! :-)
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Tomas, jeune ingénieur colombien est embauché dès l'obtention de son diplôme d'une université des Etats Unis par l'Entreprise de la famille Garcià qui veut installer une nouvelle usine à Bogotá.

Passionné de mécanique il apprécie vivement cette opportunité. 

C'est ainsi qu'il rencontrera Regina, responsable administrative de l'Entreprise familiale qui lui met rapidement le grappin dessus, l'épouse, lui fait deux enfants et régente totalement sa vie.

Ses seuls moments de répit : son travail et sa passion pour son travail où il passe 6 jours sur 7 suivant ainsi l'exemple divin (Dieu ne s'est reposé que le septième jour !)  

Le roman commence quand Tomas, à l'aube de sa retraite, nous explique qu'il est désormais un homme heureux.

Son secret : avoir éliminé sa femme ! 

Après le récit linéaire de sa vie, ponctué de rares retours en arrière, Tomas nous expliquera comment il aura exploité la seule faiblesse de son épouse pour conclure son plan machiavélique.

Un roman étonnant, extrêmement factuel, presque dans affect mais terriblement efficace. 

Un très bon moment de lecture pour lequel je remercie Babelio et l'opération Masse critique de janvier 2018.
Lien : http://les.lectures.de.bill...
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Mécanique d'un homme heureux est une oeuvre ô combien originale, qui réconcilie le cynisme ("Peu importe le comportement, il ne peut pas y avoir de confrontation éthique puisque je peux qualifier les choses à mon avantage, avec des mots qui m'affranchissent de toute responsabilité"), l'ingénuité pince-sans-rire ("il est assez difficile de conclure que Regina irait mieux si elle n'était pas morte") et une ataraxie proche du bouddhisme ("j'ai supprimé la convoitise, je ne désire rien. Je suis heureux.") !!!
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Tout d'abord, je remercie Babelio et les éditions Yovana pour cette chouette découverte.
L'intrigue est dévoilée par l'écrivain dès le début du roman. En effet, l'écrivain nous dévoile dès les premières pages comment le héros Tomas en est venu au meurtre conjugal pour enfin devenir « un homme heureux ».
Ainsi, à travers ses confidences, Tomas nous raconte ses débuts au sein de l « entreprise » après un diplôme d'ingénieur en mécanique obtenu USA, sa rencontre Regina qui deviendra son épouse, ... plus de 20 ans de vie commune jusqu'à cet incident qui va être une révélation, un déclencheur et le point de départ d'un plan froidement élaboré par notre héros afin d'être enfin « un homme heureux ».
Après avoir refermé cette oeuvre, je n'arrive pas à en tirer une morale. Néanmoins, ce fut une chouette lecture que je recommande à tous les amateurs de littérature latino-américaine pour le côté jubilatoire et loufoque, tout en étant une critique de la bourgeoisie de Bogota.
Je profite de cette critique pour demander aux éditions Yovana de traduire d'autres auteurs latino-américains (Colombie, Venezuela, Equateur...) car il y'a tellement d'oeuvres qui méritent d'être traduites et aussi des jeunes auteurs qui méritent d'être reconnus.
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Tomás, ingénieur à la retraite, écrit ses mémoires ; nous sommes à la fin des années 1990. le narrateur apparemment conventionnel, notable de Bogotá, marié avec deux enfants, est un homme heureux.

Comment est-il devenu si heureux ? En empoisonnant sa femme, Regina, qu'il rencontre vingt-cinq ans auparavant.

Sa femme, toute-puissante, cette dominatrice qu'il n'a jamais aimée et qu'il a épousée malgré lui, pour faire plaisir à ses parents — c'est un honneur pour le jeune ingénieur de 24 ans qu'il est, de se marier avec une femme de bonne famille et riche — doit disparaitre. Quand il rencontre sa future épouse, Tomás ne comprend que le fonctionnement des machines qui, contrairement aux humains, sont pour lui prévisibles, claires, objectives, précises et sans malice. Embauché dans l'entreprise dirigée par la famille de Regina, il ne tarde pas à tomber dans ses filets.

Lentement, se déroule le récit d'un homme sans histoire qui commet un meurtre prémédité, avec patience et stratégie. Tomás qui ne parle jamais, complètement effacé, sans charisme, bourreau de travail et collectionneur de montres dont les mécanismes le fascinent, semble un individu sans personnalité. Pourtant, c'est avec une logique implacable qu'il se convainc — et persuade également le lecteur — de la légitimité de son crime. Soudain acteur de sa vie, manipulateur ambigu et calculateur, il nous rend complice d'un raisonnement irrecevable : il fallait tuer sa femme pour continuer d'être heureux.

Ici, je change de ton. Je baisse la voix et j'écris en un murmure de confidences. Je m'adresse à mon lecteur, car, à ce stade du récit, il s'agit bel et bien du mien ; de mes yeux invisibles depuis cette page, je regarde les yeux qui me lisent, solitaires, silencieux, déjà solidaires de mon histoire.

"Vous, lecteur, vous êtes mon complice. Vous non plus ne supporteriez pas l'invasion de votre intimité, l'annexion de votre territoire, l'omniprésence pesante de ce torticolis humain que fut Regina García.

Vous comprenez ma situation. Ma décision, vous en êtes témoin, est basée sur la légitime défense : j'aurais cessé d'exister avec une Regina exclusivement occupée à m'entortiller dans les barbelés de ses affectueuses attentions. C'était elle ou moi.

De plus, vous et moi, nous sommes assez peu habitués à regarder tout cela du point de vue de la victime. Il est impossible de réprimer un sourire face au paradoxe qui consiste à considérer que la victime est en fait le bourreau."

Passif-agressif, insipide, antipathique, car semblant dépourvu d'affects, Tomás, est un drôle de type qui devient meurtrier malgré lui, tel l'instrument d'une volonté divine qui le transcende. C'est en cela que le narrateur est extrêmement déroutant, à l'instar de Mersault dans "L'Étranger" de Camus, Tomás tue à l'évidence sans regret, sans conscience, sans sentiment, sans déranger sa routine quotidienne, froidement, et comme toujours, scientifiquement.

Toute la question est de savoir qui, dans le couple que forme Tomás et Regina, est le véritable sadique. Qui manipule qui ? Tomás indique que sa femme l'a forgé tel qu'elle voulait qu'il soit et qu'elle l'a, en quelque sorte, vampirisé. Il ne se rendait pas compte qu'il était malheureux, jusqu'au mariage de sa fille où il prend conscience qu'il devra rester en tête à tête avec elle pour le reste de ses jours. Si l'on suit sa logique, Regina aurait fait de lui un assassin. Elle l'aurait forgé ainsi ou l'aurait poussé à bout.

Serions-nous en train de devenir les avocats du diable ?

Non dénué d'une ironie mordante, ce texte, parsemé de réflexions philosophiques et sociologiques est une satire féroce de la société bourgeoise colombienne, où règnent faux-semblants, paraitre et luxure. Toute l'élite colombienne (surtout féminine), qu'incarne à merveille la femme de Tomás, se compose de femmes futiles, vénales et snobs. Celles-ci, fanatiques de régimes et collectionneuses d'art auquel elles ne comprennent rien, semblent presqu'à plaindre.

L'auteur met en scène une galerie de personnages fantasques et souvent pathétiques, voire grotesques, tel ce médecin incompétent, ces psychanalyste cupides, ces philosophes pédants et lubriques et qui tous profitent de ces femmes qui souffrent d'un ennui mortel, donc vulnérables. On assiste à la décadence d'une génération perdue, d'une jeunesse dorée qui s'étiole à ne rien faire et se fait spectateur de la vie des autres à défaut d'en avoir une !

Fable cruelle et petit traité de psychologie, ce texte est politiquement incorrect et de ce fait, jubilatoire.

Darío Jaramillo Agudelo est un poète, écrivain et essayiste colombien né en 1947, Mécanique d'un homme heureux, traduit par Laurence Holvoet pour les Éditions Yovana est paru initialement sous le titre original : Memorias de un hombre feliz (2000, Pre-Textos, 2010).
Lien : https://essordesidees.com/20..
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