C'est avec une minutie d'orfèvre que
Xavier de Jarcy nous dresse le tableau complexe et changeant de l'Histoire des banlieues françaises. Levant le voile sur de nombreuses idées reçues, l'auteur nous plonge dès le début de son livre dans une époque compliquée pendant laquelle la question de l'habitation collective commence sérieusement à être abordée. En 1932, la toute première « cité » est érigée de terre, révolutionnant le monde de l'architecture pratico-pratique : la Cité de la Muette.
Hélas, l'auteur nous apprend aussi que le chemin vers l'habitat digne et sécuritaire est loin d'être tranquille, loin de toutes manipulations politiques et économiques et de corruptions historiques...
Grâce à une grande précision historique, j'ai pu me replonger dans les époques pourtant étudiées en cours d'Histoire mais dont les noirs secrets m'étaient encore inconnus. Vichy... l'Après-Guerre... Les 30 Glorieuses... l'auteur nous livre un panorama haute-définition de l'évolution de la question des HBM (Habitations Bon Marché, devenu par la suite HLM : Habitations à Loyer Modéré), presque au jour le jour.
En personnages principaux, des grands noms de l'architecture française tel que le très controversé
Le Corbusier, architecte et dessinateur d'origine Suisse.
Petit à petit, l'idéalisme laisse place à la réalité : la France, malgré de nombreux projets et des années de débat, est un pays dans lequel il est encore difficile de se loger convenablement.
Loin d'être une question purement économique, le sujet de l'habitat a été traversé par de nombreux questionnements d'ordre éthique et social. Par exemple, la pensée de l'hygiénisme m'a particulièrement interrogé. Dans l'optique d'optimiser la conditions de vie des gens, l'architecture française a véhiculé l'idée que la construction d'un foyer doit être intimement liée aux règles d'hygiène, dans le cadre de la Santé Publique. Ainsi, le bien-être des habitants est enfin abordé, laissant penser que l'épanouissement de chacun ne dépend que du taux d'ensoleillement de son appartement...
De plus, ce courant de pensée a suscité de nombreuses dérives idéologiques, me laissant une saveur particulière après lecture, comme un goût d'aseptisé.
Plus les pages défilent, plus l'image des cités se précise : des espaces périphériques éloignés du reste de la ville, des populations jeunes sans aucun autre moyen de rejoindre le divertissement et la culture que de faire 20 minutes (et encore, mon compteur affiche pas moins de 40 minutes) de trajet en bus, ce qui découle sur de nombreux problèmes sociaux tels que l'isolement et la précarité de l'emploi.
Derrière l'allure très technique de cet ouvrage,
Xavier de Jarcy redonne la voix aux « abandonnés » des choix politiques et économiques et nous laisse tout le loisir de méditer sur un drame qui ne date donc pas d'hier : le mal-logement et l'exclusion des habitants de banlieues.