Avec son roman “
Des gens très bien”
Alexandre Jardin nous fait une sacrée confession en nous parlant de son grand-père, Jean Jardin. Directeur de cabinet de
Pierre Laval sous le régime de Vichy, le nain jaune (de son surnom) est ce qu'on appelle couramment aujourd'hui un collabo, le collabo suprême, celui qui a tiré les ficelles de beaucoup d'événements dramatiques.
Il fallait oser et il l'a fait. Rien que pour ça c'est assez honorable et c'est quelque chose qu'on ne pourra pas lui enlever. Oui, on peut parler de trahison mais a priori et si j'ai tout bien compris les gens très bien sont souvent ceux qui trahissent. Pour la bonne ou la mauvaise cause, ça c'est à chacun de faire un choix. Toujours est-il que Mister Jardin a posé ses “coucougnettes” (c'est plus mignon vous en conviendrez… bien qu'un peu cul cul… j'assume) sur la table. Merci.
Il porte ce fardeau depuis l'adolescence et n'a jamais réussi à accepter ce lourd secret de famille. Il faut dire aussi que… bon, c'est quand même pas rien, on ne parle pas d'une maîtresse ou d'un enfant caché. Comment son grand-père, pour qui il a eu une véritable adoration étant enfant, a pu être aux manettes de la rafle du Vel d'Hiv ? Comment sa famille entière a réussi à nier cette partie de sa vie et à idéaliser le bras droit d'un type comme Laval ? Comment Jean Jardin, indéniablement quelqu'un de très bien, a t-il pu mettre en oeuvre une telle politique, y adhérer ?
Alexandre Jardin mène ici un lourd travail d'exhumation et d'expiation, il donne l'impression d'être investi d'une mission, comme si la vérité devait triompher à tout prix, même celui de jeter un voile noir sur sa propre famille. Il nous fait part de ses interrogations, de ses longues heures de recherche, de ses reflexions, de sa manie à essayer de comprendre les actes de son grand-père et la cécité maladive qui frappe sa propre famille depuis ce temps là. Peut-on pardonner l'impardonnable ? Son grand-père peut-il avoir des circonstances atténuantes ? Est ce que le Nain Jaune avait conscience de ce qu'il se passait à l'Est ? A t-il fermé les yeux ? Et comment son propre Père a t-il pu être complice de tout ça en ne disant rien ? Pourquoi c'est à lui, Alexandre, de s'y coller ?!
On peut accuser Jean Jardin de mauvaise foi en avouant tant d'années après sa honte de porter le nom d'un collabo alors que sa propre famille a été la matière première de ses succès et de ses sujets de romans. On peut lui reprocher d'accuser sans preuves et de laver son linge sale en public, c'est vrai aussi mais on ne peut lui reprocher son style et la qualité de son écriture malgré qualques excès sentimentaux qui ont des fois tendances à m'agacer… N'en fait-il pas trop des fois ? Franchement ?!.
J'ai lu ce livre avec un réel intérêt même si les sources historiques semblent foireuses aux dire de certains historiens ou autres biographes. Perso, je n'en sais rien et pour être tout à fait franche je m'en tamponne un peu, je suis bien consciente de ne pas lire un livre d'histoire. Je sais juste que j'ai apprécié cette lecture, j'aime les romans qui touchent à cette période noire. La France a clairement sa part de responsabilité dans l'holocauste et c'est bien de se le rappeler de temps à autre.
Zakhor, al Tichkah. Souviens-toi, n'oublie jamais.
Quoiqu'on puisse en penser c'est un livre qui ne laisse pas indifférent, de par la gravité des faits qui y sont relatés au moins. J'ai trouvé la démarche de Jean Jardin sincère et touchante, j'ai aimé son éciture et j'ai adoré le dernier chapitre, un peu surréaliste. Belle et audacieuse fin ! A lire. Si ce n'est pas dans l'immédiat, au moins un jour !
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