Je ne vais pas vous raconter l'intrigue de
Juste une fois. L'essentiel est dit en quatrième de couverture. Disons simplement que c'est du thème inépuisable de l'amour fou -le plus beau- dont il est question ; celui qui ne vaut que s'il est vécu.
Juste une fois, c'est l'histoire d'un homme déchiré entre deux femmes, d'une femme déchirée entre deux hommes. Comment naît l'amour ? Comment apparaît cet éblouissement ? Nul ne le sait et là n'est pas l'essentiel. La question primordiale posée par
Alexandre Jardin est plutôt de savoir ce que l'on fait de ce cadeau vivifiant qui se présente, lorsqu'on aime déjà. Toute réponse stéréotypée serait beaucoup trop facile. L'auteur nous entraîne dans les tourments à rebondissements de ses personnages, quand les chapes de plomb de nos cultures, des conventions, de la bienséance et des "bonnes raisons" familiales viennent contredire les ambitions des coeurs...
Pourtant, si le thème est éternel,
Alexandre Jardin entreprend de nous raconter cette histoire d'une façon totalement renouvelée. Les phrases, l'intrigue, les coups de théâtre à répétition : tout va très très vite ! Là où certains écrivains s'échineraient à nous expliquer pendant de longues descriptions la psychologie de leurs héros, il magnifie l'art du raccourci tout en nous plongeant, malgré tout, intensément dans l'univers de ses personnages. Pour ce faire, il associe des noms communs à des adjectifs inattendus, à des adverbes extraordinaires. Il les met en scène dans des phrases concises et percutantes. L'écrivain, metteur en scène de la langue
française, a l'art de faire se rencontrer des mots qui n'avaient encore jamais joué ensemble et qui n'envisageaient même pas de se croiser un jour. Et pourtant, ils se rencontrent, se trouvent et s'enlacent merveilleusement :
Alexandre Jardin est une véritable agence mOtrimoniale ! Cerise sur le gâteau au sirop d'érable, l'agence Jardin a ouvert une succursale au Québec. Avec la complicité de ses amis (bien réels) de la Belle Province, Alexandre fait parler la "langue de chez nous" à ses amis (de papier). Ces dialogues vrais et rafraichissants sous le soleil d'août des Laurentides contribuent à notre immersion au coeur de cet été québécois qui (dixit l'auteur) n'est pas une saison mais une fête !
Il existe vraiment une filiation entre les précédents livres d'
Alexandre Jardin et
Juste une fois. Celui-ci existe parce que les autres ont existé avant lui. On y retrouve les frasques du Zèbre, la désormais mythique valse de
Fanfan, les secrets de famille de
Joyeux Noël... Mais ce roman existe aussi et surtout parce que la vie a bien eu lieu chez les Jardin.
Juste une fois en est même un concentré ! César, le personnage masculin principal (comme dans César et Rosalie, ce n'est pas un hasard) est écrivain. Il aurait pu s'appeler Pascal tant il y a du Zubial en lui ! Certains lecteurs ont même cru y reconnaître Alexandre lui-même... Mais dans ce roman où la mise en abyme devient un jeu,
Alexandre Jardin est bien
Alexandre Jardin. Il se met en scène lui-même dans son livre et désamorce par l'autodérision les critiques faites à ses best-sellers romanesques. Il se regarde aussi avec objectivité, repensant au temps où il voulait quitter le monde de l'amour imprimé et filmé car trop préoccupé par la nécessité de faire renaître sa famille (envoyant balader son héros au passage !). S'il y a des traces d'Alexandre dans César, ce sont plutôt celles laissées par les souffrances de la vie. L'amour a beau atteindre des sommets, personne n'est à l'abris du mal de l'altitude.
Juste une fois est un roman dont on ressort affamé, avec l'envie de dévorer la vie, de ne pas en perdre une miette car qui sait si demain le restaurant ne sera pas fermé ?
Alors oui, vivre c'est sortir du cadre et vivre vraiment c'est parfois faire "ce qui ne se fait pas". Ne pas le faire, se dérober, c'est mourir un peu. Alors vivons ! Même si c'est...
juste une fois !