Étonnante biographie des Jardin, exclusivement, consacrée à la mère Jardin! C'est le portrait d'une femme étonnamment libre! Véritable contraste entre le titre du livre ''Ma mère avait raison'' et la maman elle-même, celle qui conseille à son fils de ne pas avoir peur d'aimer, d'aimer passionnément, cependant, elle vit courageusement avec trois amants sous le même toit, on se demande quel sens donne-t-elle à l'amour! Le livre relate l'amour d'un fils pour sa mère qui a, en effet, l'art de tout enflammer sur son passage. Obstinée, altière, tenace, elle obtient ce qu'elle veut. Même s'il lui faudrait fuguer du toit parental avec sa valise rose, elle osera le faire cinq fois s'il le faut. Des amants, elle ne s'en prive pas...marcher dans le feu pour prouver sa ténacité, elle ne s'en prive pas non plus...les hommes, elle les façonne...les enfants, elle les veut héroïques. Face à cette femme énergique, une femme qui ose des choses impensables à son époque, mais, je n'ai pas pu accrocher à ce personnage que je trouve un peu trop dominatrice, et quelque peu ambivalente dans ses manières, malgré que le fils veuille convaincre le lecteur de ses valeurs, des valeurs de celle-là qui risque tout! N'empêche que ça a été un petit moment agréable!
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Alexandre Jardin signe un roman jubilatoire, criant l’urgence de vivre et d’être vrai, dans lequel il rend hommage à une maman extraordinairement libre, hors normes, Ma mère avait raison.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
De manière positive ou négative, Alexandre Jardin dérange. Depuis la publication en France de Ma mère avait raison, il provoque pour ainsi dire une petite révolution sexuelle.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
(p.21 à 26) Les accords tacites de Verdelot
Peu de femmes osent être des livres ouverts.
La plupart ont le cœur chargé d'interrogations secrètes. En douce, elles barbotent des liaisons réelles ou imaginaires, esquissent ou s'interdisent des espoirs sentimentaux. Leur roman intime reste au fond de leur âme, dissimulé par peur de blesser et de saboter leur couple officiel. Toi, tu vécus ta complexité sentimentale avec une extraordinaire impudeur qui fut une élégance. Et un défi lancé à tous les peureux de la terre.
Disons-le sans fard, le tumulte des sens et les élans provisoires ne t'abusaient pas. Tu n'as jamais confondu connaissance de soi-même et abandon à soi-même. En vérité, tu es étrangère à la sottise qui consiste à mésuser de son cœur ou à le gaspiller.
Désossons ton système de vie en le peignant un peu. Il y a du fabuleux dans les arabesques de son architecture. Verdelot, district de ta haute liberté, en fut bien l'épicentre. Verdelot fut pendant vingt ans, plus qu'un lieu, la capitale de la liberté féminine. C'est cette maison qui, en te libérant, te grandit.
J'ai neuf ans, je reviens de La Ferté-Gaucher où nous avons fait des courses généreuses (cinq poulets fermiers pour le déjeuner, huit kilos de cerises) avec ton amant Pierre. Magnifique de prestance et de cœur, il gare sa vieille traction avant Berliet jaune qui vient de tourner dans un film d'époque (qu'il a produit) dans la cour de notre maison de campagne à Verdelot. Pierre était le conquérant de Bardot ; tu le lui as emprunté puis volé.
Je bondis de la voiture avec un copain de classe – Hector - pour embrasser mon père qui, dans la cour, peste pour que ton deuxième amant, Claude, qui pioche au fond d'un grand trou, creuse avec plus de vigueur:
– Allez hop ! crie papa. On va le trouver, ce trésor ! Dans la fosse, Claude sue sang et eau. Il traîne déjà derrière lui quarante ans de mauvaise humeur.
Mais papa en est certain : là où nous vivons, il ne peut y avoir que des trésors. N'y voyez pas une pitrerie. Dans sa sagesse, le Zubial ne croyait qu'au merveilleux.
Rassemblant les courses surabondantes pour les porter jusqu'à la cuisine, j'aperçois par une fenêtre qui s'ouvre ton troisième amant, Jacques, qui m'envoie un baiser. L'un des plus beaux hommes du monde qui sort d'une liaison polynésienne. Il vient de chaparder l'amante tahitienne de Marlon Brando, celle qui le séduit à l'écran dans Les Révoltés du Bounty. Jacques est encore l'acteur starifié d'une série télévisée de l'époque qui faisait frémir les foules en un temps où le nombre réduit de chaînes propulsait vite les notoriétés.
Dans la vaste cuisine, je tombe avec Pierre sur Nicolas, ton quatrième et jeune amant, un prince géorgien, ami des pinceaux, qui achève le dessin intitulé «Les accords tacites de Verdelot». Il montre ouvertement tes hommes du moment, ceux qui t'appellent Fanou, en vous représentant tous sur une scène de théâtre filmée. Attestant leur participation active à cette comédie brillante, ils ont signé dans les marges.
Normal que quarante ans plus tard je me sois marié sur une scène de comédie de boulevard, dans un décor de Feydeau, au théâtre Saint-Georges.
Mais revenons à ces « accords tacites ». Quels sont-ils ?
Ces « accords » que je mis des années à faire comprendre à Hector, issu d'une famille janséniste qui mange du poulet rôti avec belle-maman tous les dimanches.
Que tous tes hommes ont le droit d'avoir leur chambre dans ta maison. C'est comme ça. Ta licence a pignon sur rue, n'en déplaise aux peine-à-jouir et aux peu joyeux. Pour toi, l'amour a pour fonction de rendre réel, non de masquer notre être profond. C'est le tremplin délicieux qui donne accès à son authenticité, au pays merveilleux de sa complexité. Il n'est pas question pour toi de se vautrer dans l'érotisme facile, sans envergure, où les sales rêveurs se dissolvent. La lutte pour la liberté des femmes qu’ont entreprise tes semblables à Paris, c'est toi qui l'incarneras en Seine-et-Marne en y apportant de l'esprit, de la fantaisie, de la littérature et beaucoup de cinéma. À Verdelot, tu n'es plus la « voleuse de mari » qui effraie ; tu es une bénédictine de la liberté, l'inspiratrice d'artistes qui fascine les femmes. Tu aimes embellir les hommes et les combler au-delà de toute raison ? Eh bien, ta vérité sera logée dans ta maison. Il t'a toujours appartenu d'unir tes hommes. Les chambres d'hôtel et les amours furtives, pas ton style. Toi, tu aimes en grand et de manière oblative, en te plaçant au centre de la scène comme l'indique le dessin, entre papa debout et l'un de tes hommes.
Tous ont donc leur chambre à Verdelot, sauf Claude qui, le soir, rejoint en douce son épouse, une femme formidable et trop sage. Merveilleux contrepoids.
Tous ont, je le disais, signé à côté de ton nom – Stéphane Jardin - cet incroyable dessin (y compris le chien Marcel).
Il est également entendu, tacitement, que chez toi, Fanou, on a le droit de tout. À Verdelot, il est bien juste qu'aucune limite n’existe, que la vie puisse sans cesse être réagencée, étendue. On peut fabriquer des montgolfières en papier de soie léger, s'amuser à écrire un film bondissant pour de Funès ou commettre du cinéma d'auteur ennuyeux, empailler un crocodile du Nil, usiner avec les enfants des machines à applaudir (pour les soirs de générales, au théâtre), marier les maîtresses de papa afin de les établir convenablement, tenir en haute estime les prostituées qui ne laissent en repos aucune âme, bricoler une chaudière faite main avec un artisan du coin à demi fou ou faire livrer un bison en peluche. On y raisonne et déraisonne mais on ne politique pas ; on y crée.
De cette entente tacite, qui confine au sublime, naîtra un grand classique du cinéma français qui émut les cervelles des années soixante-dix : Le Vieux Fusil. Tes hommes ont enfanté ce long métrage qui rafla tous les Césars de la première session. Papa en a écrit le scénario, Claude Sautet fut consultant sur le script (c'est lui qui eut la très belle idée des flash-backs avec Romy Schneider), Jacques fut le premier assistant à la mise en scène et Pierre en fut le producteur !
Quant à Romy, à l'écran elle te ressemble, en face d'un faux papa à la voix barytonnante : Philippe Noiret.
L'actrice irradie, porte sur elle l'estampille de Paris, comme dans les films de Claude où elle incarne invariablement la même femme : toi, en vingt-quatre images-seconde. Au point que dans César et Rosalie, Claude fait même lire à Romy l'une de tes lettres en voix off.
Tes hommes produiront aussi quelque chose de tangible : la table gigantesque de notre cuisine où, durant des années, ils ont tous pris ensemble leurs repas du week-end. Superbe meuble fabriqué par les mains qui te caressaient et te célébraient. Une table pour tes hommes, une table à la taille démesurée de tes amours.
— Tu comprends, Hector ? - Heu... nnnn... nnon. - Qu'est-ce que tu ne comprends pas ?
- Ils ont-ont-ont vrrrraiment con-on-onstruit cette table tous ensemble sans se bbattre avec les-les-les outils ?
- Oui. - Ah... - Maman aime l'homme. Je me reprends et précise : - Elle a le sens de l'homme. - Mmmmais, ils fffont comment pour accepter ?
Comment expliquer à Hector l'alchimie euphorisante que tu sus créer entre eux ? Jamais tu ne lésas l'un de ce que tu offrais à l'autre. Avec joie, tu les mettais bien avec eux-mêmes quand tant d'autres femmes incommodent leur moitié. Comment lui faire saisir que ta seule apparition dans la cuisine pour rejoindre tes hommes attablés donnait à vos relations l'apparence d'être fluidifiées ?
Sans doute l'étaient-elles, en effet, dès lors qu'elles en avaient l'air.
Leur liberté intérieure fut ton œuvre.
Chez nous, les routines et l'ennui n'existaient pas. Tu n'établissais que des changements, déconstruisant sans cesse les bases de l'inertie, les convictions qui enterrent. Avec toi, j'ai appris à me défier de toute fixité.
Oh, que tu vas me manquer, ma libre maman.
Ne t’absente pas dans la mort ; la vie en serait décharmée.
Tu as vécu au milieu de gens parfois célèbres, mais tu n’as jamais été des leurs. Avec ton étrange regard, tourné vers le dedans et secrètement irrité par les petites libertés, celles qui n’engagent pas, tu as traversé les sixties et les seventies sans leur appartenir. Toute livrée à cette atmosphère confuse, à cette musique dont les rythmes divisent l’être et dissolvent le caractère, aux alcools qui tuent la conscience, tu t’es gardée intacte avec une sorte d’impatience moins faite du dégoût de la frivolité que de ce qui s’y cache d’imposture.
Dans le mouvement de la vie, chacun évite le mur de ses peurs. Toi, tu l’as toujours défoncé avec joie, indiscipline et délicatesse.
Ton goût immodéré de la liberté, ton acharnement à aimer, à ne jamais tricher sur tes désirs, recouvrent une sorte d’austérité morale.
Les arrangements de l’existence, jouir avec parcimonie ou s’attarder dans des liaisons sinistrées, tu ne connais pas. En amour, tu déménages avant que l’usure ait eu sa part. Tu ne sais pas laisser battre ton cœur au ralenti. Avec toi, et dans tous les domaines, l’improbable rafle tout.
Comme s’il était évident qu’un être humain n’a pas le droit moral de commettre un acte auquel il ne croit pas, de signer des mots qui ne le révèlent pas. Aucun contrat au monde ne devrait être supérieur à cet axiome.
Les gens pensent parfois ces choses-là, en songe ou dans les livres, tu les vis.
De toi, j’ai appris que s’élancer dans les gouffres permet à nos ailes de pousser. Sans cette absolue confiance dans la vie, tout nous retient. Et l’existence n’est plus qu’un rendez-vous raté avec soi.
Dans son nouveau livre, "Frères", Alexandre Jardin bouleverse pour toujours sa relation à l'écriture. Il s'y confronte à la vérité la plus nue, de celles qui peuvent tuer, comme elle a tué son frère Emmanuel.
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