Une nouvelle fois, mon frère m'a permis de découvrir un écrivain totalement improbable, et dont je m'étonne même qu'on trouve des traductions en France : un disciple finlandais de Tolstoï. Peu de gens le savent en France, mais la Finlande resta un siècle entier sous domination russe. Pour autant, le géant slave ne laissa qu'une trace assez limitée dans la culture locale, et en trouver une est intéressant. Mais en soi, tomber sur un écrivain finlandais est déjà de base rare.
Ce petit recueil comporte deux types de nouvelles. Les trois premières adoptent le point de vue des animaux. Des souris se racontent de merveilleuses histoires sur de mystérieux ‘'enfants de la lumière et du bonheur'', aux capacités fantastiques et qui doivent mener des vies si heureuses : les hommes... Un chien et un poulain eux en subissent les agissements, ne comprenant pas, ne pouvant comprendre.
Puis elles adoptent le point de vue des humains. de la paysannerie, plus précisément. Nous sommes au tournant du XIXème siècle. La Finlande est alors découpée en gigantesques domaines que se partagent un petit nombre de grands propriétaires terriens. Pour l'essentiel, la terre reste exploitée comme au Moyen-Âge : morcelée en minuscules tenures avec chacune une famille de métayers. Mais la révolution industrielle fait son chemin ; une machine abat deux fois plus de travail que six hommes, réunir les petites parcelles en grandes exploitations permettrait de gagner bien plus d'argent… Et beaucoup de bras deviennent inutiles. La première de ces nouvelles adopte le point de vue d'un propriétaire, qui à cause d'un amour secret abandonne tous ses projets de modernisation. Puis trois autres suivent un même personnage, un petit paysan du nom de Kinturi, qui va subir de plein fouet le choc de la modernisation.
C'est beau, un peu lent, amer. On imagine le pays des lacs et des forêts immenses, la détresse de ceux qui sentent leur monde changer, doivent abandonner la terre où ils ont toujours vécu, parce qu'une machine est là, qui en fait plus qu'eux et mieux, qu'un papier a une valeur et une parole donnée n'en a pas, qu'ils vieillissent et qu'on n'a plus besoin d'eux.
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