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EAN : 9782375610275
224 pages
Mirobole (07/10/2016)
3.38/5   13 notes
Résumé :
Vandam, le narrateur, est peintre en bâtiment. Il a connu la dépendance aux drogues et un séjour en prison. Il est fasciné par l’histoire militaire, voue un culte aux grands chefs de guerre et fait ses deux cents pompes par jour. Il se retrouve souvent à la taverne pour boire des bières ou se battre. Il vit une aventure avec la serveuse Lucka. Et il est fier d’avoir donné le premier coup lors de la manifestation praguoise de novembre 1989 qui a amorcé la Révolution ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Son père lui avait dit : « Petiot…
Fais jamais confiance à personne. Fais jamais confiance à personne. Fais confiance qu'à toi-même.
Surtout, t'as jamais le droit de te laisser traiter comme de la merde,
tu piges ? Faut que tu sois fort. Promets-le moi. »
Donc, il lui avait promis.

Ce fils, c'est Vandam. Il est peintre en bâtiment. « L'Histoire du monde, c'est rien d'autre que de la superposition, du ponçage, de la dilution et de la peinture. (…) Couche sur couche. Bataille sur bataille. Récit sur récit. »
Il vit dans une cité du nord de Prague, où les immeubles sont construits en panneaux de béton préfabriqués selon l'architecture communiste des années 1960 à 1980. C'est lui le narrateur de ce roman. Il est fier d'habiter dans cette cité, car son père et son grand-père ont participé à sa construction, et il a du respect pour ses anciens.

Vandam, c'est son surnom, ridicule… Depuis qu'il a visionné, du temps des communistes, des films de Jean-Claude van Damme sur son vieux magnéto à cassettes VHS, il est devenu fan et grand admirateur de cette star belge du cinéma d'action des années 1990. Tout comme lui, il fait des pompes et il boxe.
Il a la même façon de s'exprimer aussi, avec ce langage populaire rudimentaire et sans finesse d'un garçon de banlieue -un langage au vocabulaire limité, brut, direct, cru, grossier et vulgaire.

Pour lui, il est nécessaire de garder la forme, d'entretenir son corps, ses muscles, et son moral, pour pouvoir affronter une nouvelle éventuelle guerre, ou un nouveau conflit. « La paix n'est qu'une pause entre deux guerres », lui disait sa grand-mère !
« Mais moi je sais comment c'est. Je sens que ça fond comme les glaciers. Que de nouvelles batailles se préparent. », ce sont les mots de Vandam. Il est convaincu de ce qu'il dit, mais en fait, il est de mauvaise foi ! Il s'illusionne sur lui-même !
On est dans la décennie de 2003 à 2013... La Révolution de velours a eu lieu en novembre 1989.
Voilà déjà une quinzaine d'années que les communistes ne sont plus aux commandes du pays.
La démocratie s'est installée. Mais il ne fait toujours pas confiance aux dirigeants politiques...
« Ils te mettent dans le crâne que capitalisme égale liberté et démocratie. Ils te mettent dans le crâne qu'il n'existe rien de meilleur que ça. Et si tu dis qu'il existe peut-être quelque chose de meilleur, t'es tout de suite un communiste ou un nazi. »
Après toutes ces années vécues sous un régime totalitaire, Vandam est en manque de repères.
En fait, il n'a pas évolué. Il glorifie encore les soldats germains et romains qui combattaient en l'An 9 !
Pendant les matchs, il fait aussi le salut romain. Vandam est un frustré.
Sa radicalité fait peur.
Dans la vie de tous les jours on n'aimerait pas le rencontrer !

Tout au long du roman, on a l'impression qu'il soliloque, mais, en réalité, les mots qu'il débite comme une mitraillette, s'adressent à son fils.
Il lui dicte la conduite qu'il doit tenir dans la vie, tout comme son père lui avait demandé, à lui précédemment : « Tu devrais écouter que toi-même. Que tes instincts. Pas le cerveau. Les instincts. » Avec un discours violent et obsédant, il l'incite à se bouger, à s'endurcir, à savoir se battre, dans le but de se sentir fort, de ne pas être celui qui subit, de ne pas être « un mi-homme » !
Vandam veut être un exemple aux yeux de son fils, alors que lui-même n'est qu'un minable, xénophobe et hypernationaliste. Il est pathétique !

Trois lieux s'avèrent importants pour lui, dans sa vie :
la forêt (où l'orme est « La porte d'un ailleurs »), la cité elle-même, et une taverne.
La forêt, c'est un lieu de mémoire familial tragique pour lui (sa mère s'y serait perdue, étant devenue folle après que son mari, alcoolique, y ait été retrouvé pendu) ; - la cité, parce qu'il y a ses habitudes et qu'il y a ses souvenirs de famille ; - et la taverne, un lieu qui lui permet de se lâcher, d'évacuer ses tensions, en compagnie de son ami Mrazak, et de Lucka, la tenancière pour laquelle il a le béguin.
Dans une partie du roman qui s'intitule « Cicatrices », Lucka et Vandam se retrouvent tous les deux, au lit. Chacun exprime son mal-être et sa solitude… A tour de rôle, chacun parle de sa vie cabossée et chaotique, de son enfant, de la difficulté de l'éduquer… Lucka va lui apprendre qu'elle a vécu au sein d'une communauté : « A l'époque, tous les Tchèques voulaient être des Celtes. »

Ce roman est écrit avec des phases courtes, qui s'enchainent. C'est très rythmé. Des mots et des phrases se répètent… C'est entêtant. Ca bouscule. Ca convient bien au personnage de notre narrateur, qui est en marge, ne tient pas en place, trépigne et parle comme un enragé.
A la lecture, on se sent comme essoufflé ! Ca se lit facilement, rapidement, et c'est captivant.

Des passages sont drôles, notamment avec l'évocation d'un Noël en famille, où son père a des soucis avec un « porc-chou-boulettes » (plat national tchèque) -l'épisode aussi, de sa castagne dans la taverne avec un gros gars venu de la province, vaut le coup ! D'autres passages sont émouvants, et nostalgiques. Outre son côté bagarreur, et sa façon de s'exprimer très directe et brutale, ce gars en marge de la société, semble néanmoins avoir quelques valeurs morales. Il sait faire preuve de respect, et de courage. Il est courageux, mais il lutte contre ses propres limites. Il a un charisme certain, mais en définitive, il ne charme pas, il sidère !
Quand il se bagarre avec quelqu'un, pour lui ce n'est pas de façon gratuite, non, il considère qu'il agit en justicier, pour le bien ! Il sait esquiver les coups, est bon tacticien et il se compare aisément à Jan Zizka (ce héros national tchèque, chef de guerre hussite, et grand stratège) !
Il règle leurs comptes, aux personnes arrogantes et irrespectueuses des règles, quand lui-même transgresse les normes par son comportement déviant ! Il n'y a plus que hargne et rage en lui, qui est abimé par la vie.

Ce roman est aussi rempli de références à l'Histoire tchèque, à sa littérature, à ses émissions télé, à sa cuisine et ses boissons, à la chasse, etc.
Et on découvre un peu ce qu'est « l'humour tchèque » …

A la taverne, un moment, on a l'impression de se retrouver en compagnie des piliers de brasserie palabreurs, des personnages des romans de Bohumil Hrabal ou encore de Vladimir Tresnak, avec de franches rigolades collectives, mais ici les propos dérivent et deviennent -rageurs, envers ceux et celles qui ne les ont pas compris (les femmes, les hommes politiques), -machistes, et -xénophobes.
Les exagérations, les grossièretés, fusent, l'alcool aidant, comme pour se libérer des tensions accumulées et des désagréments de la vie : « Quand y a rien qui va, on peut s'en remettre en picolant. Faut que t'apprenne à te remettre de tout en picolant. »
Vandam n'aime pas ceux « qui se la jouent », ni « les forts en gueule ». Il les remet à leurs places avec des coups de poings bien décochés, qui « font mouche ». Mais un jour, à force de jouer aux justiciers, les choses ne vont pas tourner à son avantage… Et la dernière partie du livre est inattendue !
Lors de la Révolution de velours, il était dans l'« Avenue nationale », en droite ligne ; c'est lui qui a donné le 1er coup ! Il est fier de cela, et se vante d'avoir entraîné la chute du communisme tchèque !

Je sors un peu étourdi de ce livre ! « Avenue nationale » est un drôle d'objet littéraire, inclassable, violent car sans concessions, et tellement fascinant en même temps !
Je suis admiratif du style particulièrement atypique de Jaroslav Rudis.
J'avais précédemment beaucoup aimé son roman graphique « Alois Nebel », mais ici c'est encore autre chose et c'est davantage puissant.
Cet anti-héros, qui nous inspire de la répulsion, est en fait un laisser pour compte du monde moderne, qui fait partie d'un prolétariat déchu.
Ce livre, paru en français en 2016, donne à réfléchir sur la montée du populisme dans les pays de l'Est. Il est tout à fait d'actualité !
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Avenue Nationale n'est pas un livre ordinaire. Vandam, le personnage principal, n'a rien d'un héros littéraire. Au contraire, c'est un extrémiste, bagarreur, ancien taulard et fan de Jean-Claude van Damme. Bref, au premier abord, il semble difficile de s'attacher a lui. Pourtant au fil des pages, on voit clairement que la vie n'a pas épargné notre héros, et on arrive a lui trouvé quelques excuses :
"Et Mrazák dit : Vandam, mon père disait toujours que ton père, il savait toujours mettre de l'ordre ici.
Et moi, je dis rien et je bois.
Et Mrazák me dit : D'ailleurs, c'est bizarre, pas vrai ? Quand t'es jeune, tu détestes ton père. Et plus tu vieillis, plus tu lui ressembles. Et pour finir t'es la même brute que lui. La vie, c'est rien que des mystères cosmiques, pas vrai ?
Mais moi, je veux rien dire et je vais pisser."

Pourtant, Jaroslav Rudis signe ici un très bon roman. A travers son héros, on découvre la République Tchèque populaire, son histoire (le livre est extrêmement bien documenté). C'est cru, l'écriture est un langage parlé mais le livre se lit très vite. "Ils te mettent dans le crâne qu'en ce moment la guerre est de l'autre côté de la planète et que c'est vachement loin, que c'est sûrement une planète tout à fait différente de celle sur laquelle tu vis.
Ils te mettent dans le crâne que t'as du bol de pas devoir partir à la guerre, parce que tu vis dans un bassin de la Bohême où règnent la calme et la paix.
Et où les guerres se déroulent aujourd'hui uniquement dans ton ventre.
Si tu prends du porc-chou-boulettes et de la bière, c'est un vrai Stalingrad que tu vivras dans tes boyaux."

C'était ma première rencontre avec l'écrivain tchèque et je suis bien tentée d'en découvrir plus.
Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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Il est tchèque, peintre, costaud, bagarreur, militariste, extrémiste – avec un penchant pour le salut romain. Il a tâté de la taule, de la drogue. Quel est son nom d'emprunt ? Un indice : monsieur fait désormais ses deux cent pompes par jour. Vandam ! C'est à la taverne qu'il s'envoie des bières avec ses potes et c'est aussi là qu'il joue des poings. Vandam affirme avoir déclenché les événements qui ont engendré la Révolution de 89. Cette forte tête, ce paumé a des trucs à nous dire, écoutons-le...



C'est quoi cette avalanche de propos haineux délivrés par un facho à la petite semaine qui déblatère des saloperies à longueur de récit ? Psitt ! On se pose et on développe ? Ce n'est pas le genre de type que nous inviterions pour fêter l'anniversaire de la Révolution d'Octobre parce que Vandam il fait plutôt dans le Velours question révolution. Et pour lui, le rouge n'est pas un symbole, c'est la couleur de la peinture qui tâche ses mains, « ce n'est pas du sang » répète-t-il à l'envi – l'emploi fréquent de l'anaphore dans le texte fait penser à un acte de propagande mais il a plutôt un caractère incantatoire. En écho de ce long et terrible monologue, l'auteur nous propose de porter notre regard sur la destinée de la République Tchèque et a fortiori celle de l'Europe vacillante. Mais si cet homme hisse le pavillon noir avec des yeux exorbités ce qu'il tente de nous révéler s'inscrit dans le crépuscule du deuil, de l'intime.



« Moi, je suis un patriote. [...]

Le dernier guerrier.

Le dernier Romain. »



Vandam est le héros négatif par excellence. Violent, malsain, néo-nazi, il crache ses urgences, comme on vomit un mauvais vin. Ses éructations ne sont pas passagères, il les scande puisqu'il en va de l'avenir de l'Homme. Il s'est forgé cette idéologie en se tournant vers l'histoire des grands hommes de guerre, ses livres de chevet dégagent des odeurs de poudre à canon, de sang, de conquêtes. « Y'en a qu'un seul qui peut gagner. » Mais une question nous turlupine au fil des pages : à qui s'adresse-t-il ? Cependant, à la frange de ses délires paranoïaques l'image du père s'insinue, son père dans la forêt, sous l'orme mythique et son père mourant qui va basculer dans le vide. La forêt et le marécage. La forêt, mère protectrice. le marécage qui engloutit, absorbe. Vandam ne sera jamais une proie. Il scande :



« Ils te mettent dans le crâne que t'as pas à avoir peur.

Ils te mettent dans le crâne que ça, c'est pas du tout la crise.

Ils te mettent dans le crâne que le monde s'est sorti d'emmerdements plus graves.

Ils te mettent dans le crâne que ça va tenir.

Ils te mettent dans le crâne que ça durera toute l'éternité, que rien va s'écrouler.

Ils te mettent dans le crâne que tout baigne.

Ils te mettent dans le crâne qu'ils gardent le contrôle. »


La suite sur : http://bobpolarexpress.over-blog.com/2016/10/konzentration-junge-avenue-nationale-jaroslav-rudis.html
Lien : http://bobpolarexpress.over-..
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C'est l'histoire d'un sale type.

Un sale type dont on ne connaîtra pas le nom, uniquement ce surnom ridicule -Vandam- dont il a été affublé parce qu'il s'astreint à faire 300 pompes par jour, et que ses capacités intellectuelles sont a priori inversement proportionnelles à l'ampleur de sa masse musculaire.

Un type qui vit depuis toujours dans une cité de la banlieue de Prague, le célèbre quartier Severní Mesto, immense lotissement de préfabriqués construit dans les années 70 et 80, dont les habitants végètent à la limite de la misère, entre ennui et hébétement face aux mutations d'un monde dont ils se sentent exclus.

A quelques pas de ce marasme urbain, survivent les vestiges d'une forêt ancestrale, qui a conservé à ses yeux sa dimension fantasmagorique et ténébreuse, et dont la présence le hante (il a même aperçu un loup à ses abords)... Une forêt dans laquelle, il en est persuadé, sa mère, devenue folle après le suicide de son mari alcoolique et violent, s'est définitivement perdue.

Il a connu la prison, la drogue, mais ce n'est pas ce qui nous le rend si antipathique. La répulsion qu'il nous inspire naît de la doctrine qu'il professe, des conceptions qu'il expose en une longue logorrhée scandée à l'attention d'un interlocuteur que l'on devine être son jeune fils, qu'il voit en cachette suite à un jugement lui interdisant de l'approcher.

Il lui assène ainsi, en une succession de phrases brèves, coupantes, ses leçons de vie très personnelles, alimentées par une morale guerrière. Convaincu que l'existence est un combat permanent et que la violence est par conséquent un mal nécessaire, abreuvé de fantasmes d'héroïsme romanesque qu'il entretient par la lecture exclusive de récits de batailles et de stratégie militaire, il martèle l'importance de jouir d'une condition physique et d'une force mentale optimales, car indispensables à la survie.

La conviction qu'a le héros de sa grandiloquence, de la justesse de son raisonnement, est à la fois effrayante et pathétique. Au fil de son discours rétrograde et délétère, sous la virilité ostentatoire et obtuse dont il l'enveloppe, transparaissent son racisme ordinaire, sa mesquinerie, sa mauvaise foi. Plus qu'un menteur, toutefois, Vandam est un être qui s'illusionne sur lui-même, passant certains des événements qu'il a vécus au crible d'une interprétation qui lui donne le beau rôle, à ses propres yeux comme -du moins le croit-il- à ceux des autres...

Et il ne faut pas creuser beaucoup plus pour deviner, sous ses airs belliqueux et pontifiants, la détresse et l'égarement... sa quête d'identité, d'une place dans une société dont l'évolution, les nouveaux codes lui échappent, est sans doute le reflet du désarroi et du sentiment de solitude d'une nation écartelée entre la nécessité de s'ouvrir au monde, et l'angoisse d'y laisser une part de son intégrité.

"Avenue Nationale", en rapportant une parole que l'on préfère habituellement ignorer, brosse le tableau d'un désespoir sordide et amer, terreau propice à la prolifération de la haine et du repli sur soi.

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Ce qui marque avant toute chose, c'est le style de l'auteur. Résolument moderne et oral. Brutal parfois, direct et poétique. J'ai peu de références en la matière, mais je le rapprocherais d'un écrivain étasunien dont j'ai lu quelques livres, Larry Fondation (ici, ici, et là). C'est âpre, rugueux et ça dérange. Heureusement que le livre est court et aéré, 500 pages du même calibre et j'aurais sans doute abandonné, mais je dois dire que le rythme, le style, et l'énergie qui se dégage m'ont largement tenu jusqu'au bout.

Ce sont les propos et la vie d'un homme qui a sans doute eu de l'espoir en 1989 et qui n'en a plus. Il a toujours vécu dans le lotissement préfabriqué, n'en est que peu sorti et n'espère plus grand chose de la vie. Les espoirs sont derrière lui, oubliés avec la came et la taule. Lorsqu'il parle avec ses copains de boisson, on se rapproche des brèves de comptoir, qui parfois sont plus profondes qu'il n'y paraît : "Quand t'es jeune, tu détestes ton père. Et plus tu vieillis, plus tu lui ressembles. Et pour finir t'es la même brute que lui. La vie, c'est rien que des mystères cosmiques, pas vrai ?" (p.85)

Voici donc la vie d'un néoextrémiste, mal dans sa peau, violent et irritable. Un type ordinaire totalement perdu dans le monde contemporain qui va trop vite pour lui. Il sait d'où il vient, mais tout a tellement changé vite qu'il ne sait plus où il est, où il va et ce qu'il va transmettre à son fils. Alors, il transmet ce qu'il connaît bien : la peur de l'autre, la violence : frapper avant de se faire frapper. Pour lui la paix n'est qu'une période entre deux guerres. Il s'inscrit totalement dans la montée des fanatismes et des extrémisme à laquelle on assiste depuis plusieurs années un peu partout en Europe, en France itou, puisque nous avons l'un des -sinon le- partis d'extrême droite le plus fort.

Jaroslav Rudis met tout cela en mots très brillamment. Vandam n'est pas tout noir, ce serait trop facile. Il n'est pas vraiment fréquentable, certes, il est perdu, largué. La lecture est dure mais belle et rapide, et si certains passages sont un peu longs, eh bien on les passe vite pour se retrouver quelques pages plus loin.

Mirobole m'a habitué à des textes forts, barrés, décalés, ce roman ne déroge pas à cette règle. Dérangeant et pas confortable. Bonne pioche pour la maison d'édition.
Lien : http://www.lyvres.fr
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Mon père, sinon, il était pas très bavard.
Le mot qu’il prononçait le plus souvent, c’était : Boulettes.
Au déjeuner, il était assis et il disait : Boulettes.
Et ma mère se levait et elle apportait des boulettes.
Ou bien il disait : Bière.
Et ma mère se levait et elle apportait de la bière.
Ou bien il disait : Chou.
Et ma mère se levait et elle apportait du chou.
Mais le plus souvent, il disait : Boulettes.
Ensuite, des fois il ajoutait : Le fameux trio tchèque.
Porc-chou-boulettes.
Lui-même, ça le faisait rire.
Humour tchèque.
Et ma mère aussi, ça la faisait rire.
Et nous aussi, ça nous faisait rire.
Et ensuite, mon père s’allongeait sur le canapé et il commençait à avoir des gargouillis dans le ventre. Cette guerre tchéco-tchèque, petite mais cruelle, se déclenchait dans ses boyaux, la guerre entre le chou, le porc, les boulettes et la bière, qu’est impossible à gagner.
Tous, on entendait ça gronder en lui, on entendait que ça voulait sortir.
Et mon père se tenait le ventre et il disait à chaque fois : Stalingrad.
Lui-même ça le faisait rire.
Et ma mère aussi, ça la faisait rire.
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Et Mrazák dit : Vandam, mon père disait toujours que ton père, il savait toujours mettre de l'ordre ici.
Et moi, je dis rien et je bois.
Et Mrazák me dit : D'ailleurs, c'est bizarre, pas vrai ? Quand t'es jeune, tu détestes ton père. Et plus tu vieillis, plus tu lui ressembles. Et pour finir t'es la même brute que lui. La vie, c'est rien que des mystères cosmiques, pas vrai ?
Mais moi, je veux rien dire et je vais pisser.
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Ils te mettent dans le crâne qu'en ce moment la guerre est de l'autre côté de la planète et que c'est vachement loin, que c'est sûrement une planète tout à fait différente de celle sur laquelle tu vis.
Ils te mettent dans le crâne que t'as du bol de pas devoir partir à la guerre, parce que tu vis dans un bassin de la Bohême où règnent la calme et la paix.
Et où les guerres se déroulent aujourd'hui uniquement dans ton ventre.
Si tu prends du porc-chou-boulettes et de la bière, c'est un vrai Stalingrad que tu vivras dans tes boyaux.
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Ils te mettent dans le crâne qu’il faut que tu sois heureux.
Ils te mettent dans le crâne qu’il faut que t’apprécies ça.
Ils te mettent dans le crâne qu’il faut que tu leur donnes ta voix aux élections.
Ils te mettent dans le crâne qu’ils sont pleins de bonnes intentions envers toi.
Ils te mettent dans le crâne que t’as tes droits.
Ils te mettent dans le crâne qu’il faut que tu contractes un prêt, une hypothèque et un crédit.
Ils te mettent dans le crâne qu’il faut que t’achètes et que tu te laisses acheter.
Ils te mettent dans le crâne qu’il faut que tu sois heureux et rigolard et insouciant et attentionné et gentil.
Ils te mettent dans le crâne que tu peux bien râler contre les politiciens, mais que c’est la seule chose que tu peux faire.
Ils te mettent dans le crâne que tout le monde peut se tromper un jour.
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Ils te mettent dans le crâne que t'as pas à avoir peur.
Ils te mettent dans le crâne que ça, c'est pas du tout la crise.
Ils te mettent dans le crâne que le monde s'est sorti d'emmerdements plus graves.
Ils te mettent dans le crâne que ça va tenir.
Ils te mettent dans le crâne que ça durera toute l'éternité, que rien va s'écrouler.
Ils te mettent dans le crâne que tout baigne.
Ils te mettent dans le crâne qu'ils gardent le contrôle.
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