«
Gestes et Opinions du Docteur Faustroll, Pataphysicien » (1980, Gallimard, Idées, 247 p.)
«
Siloques, superloques soliloques et interloques de pataphysiques » (2003, le Castor Astral, 96 p.)
Collège de Pataphysique « Anthologie pataphysique : de l'Antiquité à nos jours » (2015, Editions du Sandre, 397 p.)
en voila un trio qui vaut largement le duo du Père et de la Mère Ubu
Souvent, j'ai évoqué la pataphysique. Encore faut-il la définir, comme le fait le Docteur Faustroll « La pataphysique est la science des solutions imaginaires, qui accorde symboliquement aux linéaments les propriétés des objets décrits par leur virtualité ». Pour plus de précisions, on ajoutera à cette définition, celle de Jean Arp dans « un Mouton à quatre tiges » de fin 1964. « J'aime les calculs faux / Car ils donnent des résultats plus justes ». Ceci dit, en adoptant une position moins élitiste « il faut donc bien nécessairement admettre que la foule (en comptant les petits enfants et les femmes) est trop grossière pour comprendre les figures elliptiques, et que ses membres s'accordent dans le consentement dit universel parce qu'ils ne perçoivent que les courbes à un seul foyer, étant plus facile de coïncider en un pont qu'en deux ». Afin d'illustrer cette position, il faut évidemment donner des exemples que les membres de la foule puissent comprendre. « Ils communiquent et s'équilibrent par le bord de leurs ventres, tangentiellement. Or même la foule a appris que l'univers vrai était fait d'ellipses, et les bourgeois mêmes conservent leur vin dans des tonneaux et non des cylindres ». Pendant que le Docteur Faustroll délivre la bonne parole « Au dessous de tout, la chlorophylle, comme un banc de poissons verts, suivait ses courants connus dans les canaux souterrains du chou ». Si ce n'est pas l'illustration de la théorie par des cas concrets, il faut alors se poser la question de la prégnance du Docteur Faustroll.
le Docteur Faustroll est un savant, pour preuve sa bibliothèque qui ne comporte pas moins de « vingt-sept volumes dépareillés, tant brochés que reliés », plus « trois gravures pendues à la muraille ». Il est expulsé de son domicile au 100 bis de la rue Richer, le 8 février 1898 par la mairie du Qe arrondissement qui lui envoie Maître Panmulphe, huissier, le tout pour 11 francs et 30 centimes en sus de la somme de 372000 francs qu'on lui réclame pour onze termes de loyer échus. Faustroll se déplace sur un bateau, qui est en fait « un crible allongé » avec « des mailles assez ouvertes pour laisser passer une grosse épingle », laissant des « trous vides, au nombre approximatif de quinze millions quatre cent mille ». Il est aidé sur son esquif par « Bosse-de-Nage, singe papion, moins cyno- qu'hydrocéphale ». Ce dernier ne sait dire que « Ha ha », et « il n'ajoutait rien d'avantage ». Cette navigation est un clin d'oeil à
Rabelais.
Après avoir disserté sur Dieu « Dieu transcendant est trigone et l'âme transcendante théogone, par conséquent pareillement trigone. / Dieu immanent est trièdre et l'âme immanente pareillement trièdre », Jarry termine par un savant calcul de la surface de Dieu, défini comme « ± Dieu est le plus court chemin de 0 à ∞ dans un sens ou dans l'autre ». On remarquera dans cette définition, deux points importants. Dieu possède un prénom qui est « ± ». Cela peut avoir de l'importance lors des diners en ville, suivant les personnes rencontrées. Il convient aussi de signaler que
Boris Vian a fait reprendre ces calculs et en déduit la valeur mathématique de Dieu, qu'il publiera dans les « Mémoire concernant le calcul numérique de Dieu par des méthodes simples » (1977, Cymbalum pataphysicum, 14 p.). Ensuite, on adoptera la définition de Dieu par Faustroll « Dieu est le point tangent de zéro et de l'infini ». Cette définition publiée en 1900, a-t-elle hantée les nuits du tout jeune
Arthur Koestler, voilà un point de l'histoire littéraire à élucider.