Despotique et grassouillet, grotesque et cynique, cruel et hâbleur, mesquin et vil, le père Ubu collectionne les petitesses comme d'autres les sous bocks.
L'un est pataphysicien sans le savoir, l'autre est cervalobélophile (sans le savoir non plus. On hésiterait à se qualifier ainsi. Quoique le qualificatif ne soit pas plus ridicule que la marotte).
En tous les cas, il est bien plus aisé de glisser l'adjectif ubuesque au milieu d'un raout que cervalobélophile. L'un vous désigne comme intellectuel, l'autre laisse à penser que vous avez subi une lobotomie et que vous avez apprécié.
C'est donc au milieu d'un raout très guindé qu'il convient de lâcher la référence au père Ubu. Et de marcher sur ses traces.
Le temps de recueillir quelques mimiques approbatrices à propos de votre culture littéraire (et par respect pour
Rabelais,
Molière, et toute la pataphysique réunie) vous vous lancez, tel un goret, dans l'entreprise folle d'expulser manu militari votre hôte fortuné, de détrousser l'ensemble des convives, de défenestrer les quelques réticents, tandis que votre épouse écume les autres appartements de cet hôtel particulier du XVI° arrondissement parisien à la recherche d'un or qu'elle ne compte en aucun cas partager avec vous.
Vous ne barguignez pas! Vous dérobez les titres de propriété, les faîtes vôtres, menacez le ministre du budget qui sirotait sa fine champagne afin d'empocher l'ensemble des impôts sur le revenu sans oublier la taxe sur la valeur ajoutée, bien plus rémunératrice.
Bref, vous fichez un grand coup de pied dans la fourmilière comme Jarry le fit en son temps avec cette grosse et grasse blague potache qui n'hésite devant aucun jeu de mots foireux tel le combat entre voraces et coriaces.
Cela se passe en Pologne, c'est à dire nulle part, nulle part étant partout d'autant qu'à l'époque la Pologne n'était pas un Etat.
La trame est aussi sommaire que dans une pièce de boulevard mais sans placard, avec plus d'envolées argotiques, et sans cette désespérante convenance faussement délurée.
Comme Iznogoud, longtemps après Ubu, tentera d'être calife à la place du calife, Ubu veut assassiner son roi pour avoir de la phynance, une capeline, un cabas jusqu'au pied, un joli parapluie et se goinfrer. Comme le font depuis toujours les hommes à coup de putsch, d'élections trafiquées, de rafales d'armes automatiques.
Ça cavalcade, injurie, trahit, occis. Ça grasseye, se vautre dans le grotesque, et entre deux "merdre" pastiche Racine (rare, trop rare moment ).
Avec
Ubu roi, Jarry a pataugé gaiment dans l'absurde et l'indélicatesse. Mais un brin de subtilité ne lui aurait pas fait de mal.
N'est pas
Rabelais qui veut.
Moi, ça m'emmerdre un peu. Voire beaucoup. La répartie est inégale. La drôlerie relève davantage de la blague Carambar. Mais comme la pièce est aussi courte que les idées qu'elle véhicule, ça aide, cornouille, à aller jusqu'au bout.