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EAN : 9782070410910
608 pages
Gallimard (03/11/2000)
3.66/5   38 notes
Résumé :
Je m'appelle Clémence Picot. Je viens d'avoir trente ans. Je suis infirmière de nuit. À la clinique, je croise parfois dans le hall ma collègue qui assure la garde du rez-de-chaussée. Nous nous saluons d'un hochement de tête. Je m'occupe du premier étage. En début de soirée, je distribue des hypnotiques aux insomniaques. Ma tournée terminée, je m'assois dans l'infirmerie et j'attends. Certaines nuits les lumières du tableau d'appel ne cessent de clignoter. Mais souv... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
« Mes parents ne s'aimaient pas, l'amour était un sentiment bizarre pour eux, il leur paraissait exotique. C'était un luxe, une perversion capable de ronger les plus beaux fruits. »

Clémence est infirmière de nuit, et dîne tous les dimanches soirs chez sa voisine et meilleure amie Christine, veuve, et mère d'un garçon de dix ans prénommé Étienne. Christine est une femme très sensible, qui a beaucoup souffert.

Avant de rencontrer Christine, Clémence a vécu sept années absolument seule. Elle trouvait ses vacances trop longues, avait hâte de reprendre le travail.

Ses parents lui ont appris que la méchanceté causait autant de tort que le dévouement, et qu'elle perdrait son temps à s'occuper des autres. Ils croyaient à la vertu de l'ennui, vouaient un culte à l'épargne, prédisaient pour leur fille une vie de célibat sans enfant. Clémence a reçu une éducation rigide et vigilante, jusqu'à ses vingt ans. Et puis ses parents sont morts dans un accident d'avion.

« L'inflexible rail de l'autorité paternelle m'a conduite sans soubresauts jusqu'à l'âge adulte. Aujourd'hui j'ai atteint l'extrême limite de la solitude. Je ne suis que l'écho de mes parents, mon appareil génital se doit de l'amplifier. En basculant dans la trentaine, j'ai réalisé que je ne disposais plus que de très peu d'années pour me reproduire dans de bonnes conditions biologiques. »
Clémence ne conçoit pas de laisser son utérus vide. de part son éducation, et son ennui, elle connaît chacune de ses cellules, fait l'inventaire à chaque instant, répertorie, classe, trie, sélectionne celles qui composeront ses enfants. Car elle les connaît déjà, de la couleur de leurs yeux à leurs manies les plus secrètes.

Chez Christine, elle peut s'exercer, mettre en pratique ses théories, aussi subversives soient-elles. Et le premier à en faire les frais, c'est Etienne, bien sûr. Christine n'est pas dupe, elle rassure, par derrière, mais n'est pas toujours là.

Du bout des doigts, avec une précision chirurgicale, Clémence malaxe le cerveau du gamin pour mieux manipuler celui de sa mère, atteindre son coeur et le poignarder gentiment. Car elle jalouse Christine, elle ne supporte pas ce lien de chair et de sang, ce lien organique et donc dégradable, dégradant, qui unit Christine à son fils. Elle ne supporte pas ce cordon qu'elle n'a jamais eu, ce cordon qu'elle voudrait resserrer de ses propres mains autour de leurs cous où palpite l'amour filial. Elle prendrait la place de Christine, elle deviendrait la mère d'Etienne, comme elle l'a toujours été en fait.

Le « si » s'invite, s'installe, puis laisse place au présent, la mise en « conditionnel » ouvre la porte à la démence.
Clémence fractionne le plus petit instant, démultiplie la course du temps en un nombre de destins infini. Car Clémence souffre d'inexistence, et s'invente, constamment, une autre vie. Elle s'invente, sans arrêt.

On tourne parfois en rond dans les méandres psychanalysés de Clémence. Et, au moment où l'on se déclarerait coupable de non assistance à personne en danger, à la laisser malmener ses voisins, c'est Christine qui prend la parole, le temps de quelques chapitres.

D'hypothèses psychotiques en fatalité schizophrénique (la mort de l'un, le suicide de l'autre, ou inversement, tout dépend de l'humeur), pas une minute ne passe sans que Clémence se pique au jeu de la vie, joue avec celle des autres.

Note : 8/10
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Après « Histoire d'amour » en 1998, Régis Jauffret, dans « Clémence Picot », bouleverse une nouvelle fois les codes narratifs en proposant une oeuvre inclassable, à la limite du projet expérimental tout en restant lisible.

Lire « Clémence Picot », c'est en effet se lancer dans une expérience de lecture singulière, sinon extrême, non par l'atrocité du propos (quoi que : on y meurt à l'évidence plus que de raison), mais plutôt par la nature même de la narration, qui mènera rapidement le lecteur au bord de la folie.

Pourtant, d'emblée le style adopté est clinique et froid ; tout semble maîtrisé, tout semble rationnel... Mais assez vite Régis Jauffret brouille les pistes en contorsionnant non pas la langue (ce qui eût été d'une simplicité inefficace), mais plutôt le récit.

En effet il est extrêmement troublant que, tout au long de l'oeuvre (presque 600 pages quand même), écrite à la première personne, les phrases soient parfaitement construites, les temps et modes verbaux employés à bon escient (et en particulier le conditionnel, véritable marque de fabrique de l'auteur), alors que de sournoises inflexions sont infligées à la chronologie et au point de vue, que la diégèse se ramifie à l'infini, bégaye sans cesse, que la logique même du propos tombe en lambeaux. Ainsi le lecteur perd tout repère mais, cela accepté, il devient l'otage consentant et ravi d'une machine machiavélique et infernale.

Une lecture délicieuse, souvent presque incantatoire, parfois drôle dans ses ramifications les plus folles, mais ardue donc, qui demande concentration et assiduité afin de jouir au mieux des basculements successifs, et finalement une expérience à tenter pour le lecteur en mal de narrations fortes...
Lien : http://www.facebook.com/Pere..
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Je ne sais pas pourquoi je n'ai pas mis cinq étoiles à "Clémence Picot", sans doute parce que ce roman est long, très long, parfois un peu répétitif. Sa lecture est une expérience qui plonge le lecteur dans l'intimité d'une conscience paranoïaque très élaborée, d'une perversité inouïe. La vie de Clémence l'infirmière dans cet immeuble du boulevard Saint-Michel, dont on ne sort pratiquement pas, se résume en une longue, méticuleuse et insistante destruction de sa voisine Christine et du fils de cette dernière, Etienne. Non contente de mener la vie dure à son chien Ric, qu'elle s'est procuré pour pouvoir mieux supporter sa solitude, et qu'elle finit par mettre à mort avant d'emballer son cadavre dans le matelas de Christine, Clémence passe son temps à détruire l'appartement de celle qu'elle considère comme sa seule amie, et à faire de son mauvais élève de fils son souffre-douleur. Ceci n'est que le schéma de base d'une variation qui explore en détail toutes les modalités du saccage d'appartement et des délires d'autojustification dont Clémence est capable. Ce qui est étonnant, c'est la rigueur avec laquelle cette cinglée procède, une rigueur que lui prête la langue très précise de Jauffret, qui semble pousser avec méthode la fiction narrative dans ses ultimes retranchements, comme il le fera aussi dans "Univers, univers". Chapeau ! (Et bon courage au lecteur de ce texte formidable).
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Un peu comme le narrateur d'Histoire d'amour, Clémence Picot est clairement dérangée. Plus ça va, pire c'est. Clémence rime si bien avec démence. Malgré sa longueur, le roman est intense et rapide par moment. Il y a des scènes plutôt cocasses comme l'anecdote du suicide de l'oncle, d'autres assez horribles comme quand Clémence s'imagine le chien meurtrier dévorant les gens dans la nuit. Il y a un peu de tout. Un cocktail étrange dans la coupe de la folie.
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Si vous voulez etre supris, parfois mal à l'aise, lisez ce livre inclassable mais néanmoins interessant pour son traitement de la folie ordinaire...
C'est parfois trés long, certains dirons trop mais bien ecrit et derangeant...
Lire Regis Jauffret est pour moi toujours un plaisir...
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
mes parents ne se faisaient jamais photographier. Ils trouvaient que l'armoire à glace du vestibule leur donnait un reflet aussi fidèle et gratuit
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il fallait que je me souvienne de tout ce qui sortait de la bouche de la maîtresse. Mon cerveau devait même enregistrer ses soupirs
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(à propos de sa mère) ses paroles étaient sèches, elles tombaient sur moi comme une pelletée de cailloux
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Je savais que mon pessimisme était discutable.
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Vidéo de Régis Jauffret
Augustin Trapenard accueille Tatiana de Rosnay pour "Poussière blonde", roman qui raconte la rencontre entre une femme de chambre et Marilyn Monroe, paru chez Albin Michel. A ses côtés, Sonia Kronlund présente "L'Homme aux mille visages", l'histoire d'une extraordinaire imposture éditée chez Grasset, François Garde évoque "Mon oncle d'Australie", paru chez Grasset. Régis Jauffret publie, lui, "Dans le ventre de Klara", aux éditions Récamier, et Julia Malye, âgée d'à peine 18 ans, présente son premier roman, "La Louisiane", paru chez Stock.
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