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Critique de Dionysos89


Il y a des livres dont on entend beaucoup grâce aux médias, soit c'est parce que son auteur a d'importants relais médiatiques (quand Michel Drucker sort une biographie, on se doute que ce n'est pas forcément son style littéraire qui est vanté), soit c'est parce l'auteur dévoile quelque chose qui fera le buzz au moins un temps. Ici nous sommes davantage sur le deuxième aspect : avec Les Intouchables d'État, Vincent Jauvert, déjà auteur de la Face cachée du Quai d'Orsay, récidive sur les dessous pas très nets des arcanes de la République Française.

Journaliste à L'Obs depuis 1995, Vincent Jauvert n'en est pas à son coup d'essai concernant les arcanes politiques. Il a déjà révélé (au véritable sens d' « enquêté puis dévoilé des éléments inconnus du public ») plusieurs affaires d'espionnage concernant notamment les services américains, russes et français. Il fait aussi partie de ces journalistes politiques qui ont leurs entrées auprès de certains administrateurs de l'État, auprès d'hommes et femmes politiques très bien placés. Bref, il est de ces journalistes qui peuvent sortir de temps à autre des rapports ou des dossiers brûlants voire « top secret » afin de vraiment informer le citoyen lambda. Entre été 2016 et automne 2017, Vincent Jauvert semble avoir épluché quantité de rapports et s'être entretenu avec de nombreux hauts fonctionnaires ou personnalités politiques haut placées, afin d'étudier un groupe social particulier : les énarques. Oui, ces femmes et ces hommes qui sortent de la prestigieuse et diablement efficace ENA (École Nationale d'Administration), créée en 1945 pour fournir en nombre des administrateurs au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. Il faut dire que le objectif premier est rempli : des hauts fonctionnaires venant de l'ENA, il y en a en masse, et surtout ils sont tellement polyvalents qu'ils semblent spécialistes de tous les sujets politiques.
Le procédé suivi par Vincent Jauvert est assez méthodique afin de démontrer chaque travers, chaque type d'abus avéré. Cela passe notamment par un fort aspect prosopographique. En effet, l'auteur passe en revue de nombreux énarques qui peuplent les grandes administrations de l'État mais qui pullulent aussi désormais dans les grandes entreprises privées cherchant à profiter de leur expérience acquise et financée par l'État. Dans cette perspective, le « petit » problème posé par les énarques est le cumul d'avantages indus, le fonctionnement d'entre-soi et les origines sociales très restreintes de ce groupe bien particulier. Ainsi, l'auteur liste nombre de conflits d'intérêts entre les activités privées de ces énarques et certaines missions qu'ils remplissent pour le service public. de même, il démontre à nouveau (car il y a besoin de le redire clairement) la construction de certaines carrières politiciennes adossées au service public et sans aucun risque pris par les concernés (et on ne parle pas là des indemnités liées à un mandat, comme c'est bien normal). On parle également de l'enrichissement privé de certains d'entre eux grâce à des sociétés de conseil ne faisant que doubler les missions de service public qui sont en fait le travail qui leur est demandé. On parcourt « La République des avocats d'affaires » où certains se permettent de rentabiliser leur réseau de relations obtenu au sein du service public pour en faire un carnet d'adresses les rémunérant à très haut niveau. Toutes ces accointances justifient largement les logiques de démantèlement de l'État et de privatisation actuelles.
Certes, le livre en lui-même est perfectible. La multiplication des citations prises sous le coup de l'anonymat sont sans doute vraies mais, plus que leur teneur lourde, montrent surtout qu'il y a des pressions certaines dans ce milieu si particulier. Il manquerait aussi par exemple une petite conclusion ou une ouverture sur l'actualité, car le lecteur ne peut qu'avoir envie d'en savoir davantage sur ce système d'entre-soi qui perdure en ce moment même. Toutefois, cet essai est franchement utile dans l'atmosphère politique de 2018 afin de ne pas dénoncer les abus dans le vide ou par pur démagogie : il y a du fond à soulever et il y a des améliorations à proposer !

Histoire de donner le ton de la mise en place de toutes nos politiques, il conviendrait de lire et relire certains passages de cet ouvrage pour bien comprendre la rapidité ou la lenteur de certaines « réformes ». Voilà une enquête très intéressante en tout cas.
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