Livre d'épuration destiné à soutenir l'usage du
Yi Jing.
Quelques repères historiques avant de commencer. Rédigé et enrichi par cinq générations successives d'empereurs, puis par
Confucius, le
Yi Jing aurait poursuivi sa croissance comme poussé par ses propres forces, c'est-à-dire par l'esprit anonyme des temps, doublé des inflexions idéologiques du moment.
Tombant tantôt dans l'oubli passager, ou tombant parfois encore plus profondément dans la gloire, le
Yi Jing réussit à se faufiler à travers les siècles, se glissant entre les jambes du bouddhisme et surgissant derrière son dos tel un spectre triomphant. le
Yi Jing n'eut pas une vie facile.
Ainsi nous incombe-t-il de l'utiliser prudemment, doctement, docilement.
C.JAVARY s'emploie à nous l'apprendre.
« On n'interroge pas le
Yi Jing pour savoir le temps qu'il fera demain ou le cheval qui gagnera dimanche. Non pas parce que cela serait lui manquer de respect (comment peut-on manquer de respect à un volume de papier ?) mais parce que ce serait manquer de logique. Ce genre de question, comme toute demande d'information sur le futur, relève de la voyance ou de la prophétie.
Le
Yi Jing, lui, s'occupe du présent. Mais ce présent n'est ni figé ni extérieur, c'est l'état momentané d'une situation qui existe dans la mesure où nous y sommes impliqués. Car, en dernier ressort, ce que le
Yi Jing analyse, c'est nous-mêmes. »
L'interprétation de chaque tirage se constitue comme une expérience de pensée permettant la transformation de l'impensable en éléments de pensées pensables, comme dirait ce cher
W. R. Bion. le
Yi Jing : matrice catalysant l'impensable entassé dans l'impasse de nos coeurs. Mythe du destin qui personnifie l'étau inexplicable de nos propres contraintes. Capture fugitive d'un état de notre masse cérébrale prise au hasard dans la longue succession des instantanés du temps. Vrai un instant, déjà faux celui d'après, mais nous ne le saurons pas, à moins de demander sans arrêt.
Le
Yi Jing honore le hasard. La langue chinoise propose, pour cet unique mot français, deux idéogrammes. « Peng » décrit « la mise en relation [qui] se passe entre le visible d'une situation et l'invisible d'une vibration, entre la succession d'un souverain et la nouvelle gamme sonore qui en résulte et en témoigne ». « Ou » décrit « le couplage [qui] a lieu entre le monde des humains et celui des défunts, la trace du pied étant le signe matériel de son adéquation ». Nous remarquons que « dans les deux cas, il s'agit d'un contact entre le ciel et la terre, entre les ancêtres et leurs descendants, entre le souverain et son peuple, entre le haut et le bas, entre le yin et le yang ». le hasard nous ajuste dan cet état intermédiaire, par un jeu qui se traduit à notre niveau par la nécessité.
Le
Yi Jing exprime ainsi le jeu de la nécessité : qui demande se plie à la nécessité, et qui laisse faire s'amuse du jeu lui-même.