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EAN : 9782226207548
256 pages
Albin Michel (02/06/2010)
3.74/5   29 notes
Résumé :

Qu'est-ce que la religion pour les Chinois ? Le taoïsme, le confucianisme et le bouddhisme sont-ils des croyances, des philosophies, des sagesses ? À partir de sa connaissance intime de la Chine, Cyrille Javary, auteur d'une monumentale traduction du Yi Jing, nous introduit à la perception qu'ont les Chinois de leur univers spirituel et nous donne les clefs pour l'appréhender, non plus à partir de catégories occidentales inad... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Une lecture extrêmement précieuse pour comprendre les origines et le développement des trois grands courants de pensées chinoises (d'origine ou d'adoption, le bouddhisme étant né en Inde). Javary adopte une approche chronologique pour traiter séparément chacune des trois pensées en question. On pourrait donc craindre qu'il les compartimente trop. Mais l'étanchéité est évitée par une mise en perspective avec le contexte socio-culturel, ce qui induit inévitablement à observer les rapports entre ces trois pensées : leurs conflits, leurs fausses similitudes... mais surtout leur complémentarité synthétisée par la légende des trois rieurs de la rivière du Tigre : trois amis, chacun disciple de l'une de ces sagesses, discutent ensemble avec tant de passion qu'ils en ignorent les plus féroces prédateurs et rient à l'approche de la mort.

Le passage traitant de la différence entre vide taoïste et vide bouddhique m'a particulièrement interpellé. En occident, nous avons une vision généralement très négative du vide. Dans les sagesses chinoises susmentionnées, le vide est positif... mais selon deux définitions précises et distinctes. D'abord le vide taoïste : une absence d'activité qui revient en fait à se laisser porter par le rythme de la nature, afin d'éclore à la vie. On se vide pour se remplir, d'où l'importance du yin et du yang en tant que symbole de cette pensée. Dans le bouddhisme, le vide est une extinction du moi, qui libère de l'illusion du monde sensible (extinction est le sens du mot nirvana en sanskrit). Dans l'un, on cultive son désir de vivre. Dans l'autre, on renonce à toute forme de désir. Javary montre bien quelles incompréhensions et controverses cela a pu causer, rien qu'en Chine.

Il est également très intéressant de découvrir qu'il y a plus de 2200 ans, la Chine avait déjà connu une période que l'on pourrait qualifier d'extinction culturelle massive. Pensiez-vous que l'on ne pouvait pas faire pire que Mao ? Examinez donc ce décret lapidaire de Qin Shi Huangdi, premier empereur de Chine : « Brûler les livres, enterrer les lettrés ». Comme quoi Farenheit 451 n'a rien inventé.

La résistance à cette injonction est à porter au crédit des lettrés confucéens, qui incarnent pour leur part les valeurs d'humanisme et de stabilité institutionnelle. Contre la peur et l'ignorance, ces valeurs peuvent s'avérer plus efficace que la Grande muraille de Chine :
« Chaque intellectuel devait remettre tous les ouvrages de sa bibliothèque. Quiconque cachait des volumes pour les soustraire aux perquisitions était condamné séance tenante à être enterré vif à côté des bûchers où brûlaient les exemplaires qu'il avait tenté de dissimuler. Malgré l'effroi de ce supplice, de nombreux lettrés confucéens celèrent, au péril de leur vie, des exemplaires dans les murs de leur maison. Calme héroïsme qui, aidé par la mémoire des plus âgés, permit quelques dizaines d'années plus tard d'effacer les effets de ce crime contre la culture. (…) Vouloir éradiquer tout ou partie du passé de la Chine est une tâche malaisée ; les gardes rouges en firent à leur tour l'expérience. »

Mais la rigidité des rites confucéens (que n'a pas voulue Confucius, nous assure Javary) a parfois eu des effets néfastes ; car ironiquement, les confucéens pratiqueront à leur tour des persécutions contre les bouddhistes quelques siècles plus tard. L'Histoire se répète et redistribue les rôles.

Aujourd'hui encore, la tradition chinoise résiste au capitalisme sauvage et à la dictature, Mao étant lui-même devenu un shen (esprit protecteur) contre les accidents d'automobile. Combien de temps cela durera-t-il face au Dieu argent ? (voir à ce sujet l'excellent film d'animation satirique Have a nice day, de Liu Jian).

À ce vaste travail panoramique, Javary adjoint une dimension philologique. Il s'évertue à nommer les concepts-clés à partir des idéogrammes chinois, dont il décortique les réseaux sémantiques, d'abord séparément puis dans leur association qui recompose un sens à la fois semblable et nouveau.
Pour qui veut comprendre la pensée chinoise, ce livre pédagogique me paraît être une porte d'entré idéale, en complément des grands textes fondateurs tels que le Tao Te King et les Entretiens de Confucius, qui sont les ouvrages les plus cités ici, en plus de spécialistes et/ou explorateurs de la Chine tels que Simon Leys, François Cheng, Henri Michaux

Enfin, le livre donne envie de visiter les sites mentionnés et décrits : la Cité Interdite incarnant la pérennité des rites, le mont Qingcheng où s'unissent le ciel et la terre taoïstes, le mont Emei où les bouddhistes voient leurs ombres sur les nuages se parer d'un halo…
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Il n'est pas question de « religion » ici, l'auteur voulant éviter les écueils d'une comparaison avec nos catégories « occidentales » : culte, dieu, temple, monastère, tous ces termes utilisés pour traduire des concepts qui ont un sens différent dans un pays où prolifèrent des amulettes à l'effigie de Mao. Il fait ainsi abondamment recours à l'étymologie graphique des idéogrammes, pour chacun des mots chinois qu'il cite, pour mieux cerner leur sens.

Les trois « sagesses » sont abordées l'une après l'autre, dans leur perspective fondatrice d'abord, puis dans la perspective historique de leur développement en Chine. C'est donc par trois fois que l'histoire de la Chine est retracée, un choix peut-être discutable. Une connaissance préalable des repères historiques de la Chine (dynasties, inter périodes) n'est pas inutile.

Les liens, les rivalités, les emprunts mutuels et les métamorphoses l'une par rapport à l'autre de ces trois enseignements sont décrits, et à la lumière de la mentalité proprement chinoise qui leur sert de terreau. La condition féminine n'est pas oubliée. L'auteur remet ainsi au centre de la culture chinoise commune des choses comme le yi jing que je croyais propres au taoïsme. On croit savoir des choses, mais toute nouvelle lumière apporte toujours de nouvelles zones d'ombre avec elle.

C'est la complémentarité des trois sagesses qui est mise en avant, avec une bienveillante neutralité, même si j'ai cru sentir une tendresse particulière pour le personnage historique de Confucius. Un livre que j'ai trouvé abordable et enrichissant.
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Très intéressant pour comprendre un peu plus les fondements et les "différences" des trois "piliers" chinois; taoïsme, confusianisme et bouddhisme. L'attention portée à la traduction des termes chinois pour mieux nous faire comprendre la philosophie qui l'accompagne m'a beaucoup intéressée. Enrichissant et facile à lire, je regrette juste un peu le côté "éclaté" des différentes périodes historiques, évoquées, une synthèse des événements évoqués en fonction des trois "sagesses" aurait été bienvenue en fin de lecture.
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Livre ardu exposant au travers des siècles les trois sagesse chinoises, le taoïsme, ensemble de règles morales pour vivre bien et longtemps, le confucianisme prônant l'étude pour sans cesse se perfectionner et le bouddhisme favorisant la compassion envers les êtres vivants.
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Ouvrage assez aride où il est beaucoup, trop, question des idéogrammes chinois et de leur interprétation.
Les 3 sagesses sont montrées dans leur contexte historique, mais leurs différences et leurs philosophies peu mises en valeur.
En fait les 2 tableaux en fin d'ouvrage ont parfaitement résumé ce que je recherchais.
Ouvrage plus pour érudit que pour profane.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
(…) le nirvana ne pouvant véritablement être défini que négativement, comme l’extinction d’une flamme, son écriture avec des signes issus d’images concrètes posait un délicat problème. Comment représenter un feu qui ne brûle pas, une lumière qui s’éteint ? La solution trouvée ne manque ni d’élégance ni d’efficacité. Apparemment, l’expression en trois caractères choisie pour écrire nirvana, 涅盤那 niè pán nà, semble s’être attachée à une simple transcription phonétique du mot sanskrit. C’est effectivement le cas pour le troisième mot (那 nà), déterminatif neutre souvent utilisé dans des transcriptions phonétiques. Ça l’est déjà un peu moins pour le second (盤 pán), dont le sens usuel actuel tourne autour des idées de bassin, assiette, plateau, etc., mais qui évoque aussi le fait d’être replié sur soi, lové, enroulé. Mais c’est surtout avec le premier idéogramme que se révèle la subtilité de ce choix ; le caractère 涅 niè a en effet pour sens propre « teindre en noir ». L’assemblage de ces trois caractères évoque donc le nirvana comme ce bassin matriciel dans lequel on se love pour s’y teindre en noir comme une flamme qui s’éteint.
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Il n’y a en Chine qu’un seul ciel et il ne représente ni un dieu ni un lieu. L’idéogramme qui le désigne, 天 tiān, le dit sans ambages. Il s’écrit à partir du caractère désignant l’être humain, 人 rén (les deux pieds écartés bien posés sur le sol). De cette mince silhouette dérive l’idéogramme évoquant la grandeur, 大 dà, qui représente ce même être humain écartant les bras (le trait horizontal), mimant le geste universel évoquant l’idée de grandeur. Pour en arriver au ciel, 天 tiān, il suffit de surmonter le caractère 大 dà d’un trait horizontal, évocateur d’une limite. Voilà qui définit le ciel comme la limite supérieure de la grandeur, définition que chacun peut constater de visu (rien sur terre n’est plus grand que le ciel) et qui convient aussi bien au ciel qu’au Ciel, car elle pose un rang, pas une nature.
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La différence entre les religions occidentales et ce que nous prenons comme telles en Chine se lit aussi dans les édifices qui y sont associés et la manière dont ils sont fréquentés. En Occident, églises, synagogues, mosquées sont des endroits par nature séparés du monde profane et où l’on doit se rendre à des moments spécifiques de la journée ou de la semaine. Les temples chinois, Henri Michaux l’a bien remarqué, ne sont pas des endroits sacrés, mais des lieux spécifiques. À l’exception des grandes fêtes annuelles, plus particulièrement bouddhistes, les Chinois ne s’y rendent pas à une date précise ; ils n’y vont pas pour honorer collectivement une déité, ils y viennent occasionnellement pour y négocier une affaire personnelle, une demande précise déposée auprès d’entités spécialisées dans la résolution de telle ou telle difficulté.
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Etonnant exemple de pérennité chinoise : aucune dynastie impériale, aucune lignée royale ne peut revendiquer une telle continuité par-delà tant de siècles et de soubresauts de l'histoire. Le soixante-dix septième descendant en ligne directe de Confucius, M. Kong Decheng, vit actuellement à Taïwan.
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La différence entre les religions occidentales et ce que nous prenons comme telles en Chine se lit aussi dans les édifices qui y sont associés et la manière dont ils sont fréquentés. En Occident, églises, synagogues, mosquées sont des endroits par nature séparés du monde profane et où l’on doit se rendre à des moments spécifiques de la journée ou de la semaine. Les temples chinois, Henri Michaux l’a bien remarqué, ne sont pas des endroits sacrés, mais des lieux spécifiques. À l’exception des grandes fêtes annuelles, plus particulièrement bouddhistes, les Chinois ne s’y rendent pas à une date précise ; ils n’y vont pas pour honorer collectivement une déité, ils y viennent occasionnellement pour y négocier une affaire personnelle, une demande précise déposée auprès d’entités spécialisées dans la résolution de telle ou telle difficulté. Ce ne sont pas des lieux constitutivement habités par une présence sacrée, mais plutôt des espaces spécialisés où les déités condescendent momentanément à se rendre pour recevoir les doléances des solliciteurs, bref des salles d’audience, comme le résume parfaitement Vincent Goossaert.
Or en Chine, plus encore que partout ailleurs dans le monde, une supplique adressée à un puissant doit, pour être entendue, être présentée dans les formes. Il faut donc commencer par attirer l’attention de la déité avec des encens appropriés (leur spécificité est clairement mentionnée sur les paquets qui les enveloppe : tel bâtonnet est propice à la réussite aux examens, tel autre à l’enrichissement de la famille, celui-là à la protection contre les maladies, etc.).
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Videos de Cyrille Javary (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Cyrille Javary
Rencontre avec Henri Tsiang et Cyrille Javary, animée par Hélène da Costa autour du thème : Qi Gong, la familiarité chinoise avec l'invisible.
Henri Tsiang auteur de "Descartes au pays du Qi Gong", nous montrera par sa connaissance des neurosciences que les gestes du Qi Gong ne sont que les supports à l'INVISIBLE ressenti de la circulation de l'énergie vitale à l'intérieur du corps humain.
--- Je découvre le livre : https://www.dunod.com/ean/9782729622602
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