D'autres artistes enfin, sans être les universels confidents de l'âme humaine, embrassent en leur œuvre plus que le charme même d'une existence médiocre et d'une étroite vision : ils ne dominèrent pas la vie, ils ne confèrent pas leurs aventures, leurs goûts, ni leurs usuelles sympathies. Il semble que la réflexion ait eu d'abord peu de pouvoir sur la conduite de leur œuvre. Ils sont l'image d'un lieu, d'une ville, d'un pays, "possédés" qu'ils sont de leur contrée natale : et ils parcourent le monde d'un regard qui ne peut plus voir les choses qu'à travers l'émouvante obsession de leurs premiers sentiments.
Il en est parmi les grands artistes, et ce sont les plus grands, qui semblent n'avoir reflété durant leur vie que la constance de l'âme humaine. Ils apparaissent inopinément : rien dans le temps où ils vivent, ni dans celui qui les précéda, n'en peut convenablement expliquer l'apparition. Ils éprouvent sans cesse le grave fardeau de leur isolement et pour s'en divertir, promènent leurs tristesses de rois solitaires, sur les plus hauts sommets de l'humanité.