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Critique de bobfutur


Cher Patrice Jean,
je vous écris par l'intermédiaire de Babélio pour vous parler de votre livre, « L'homme surnuméraire ».
Ici, comme un peu partout de nos jours, le simple lecteur / utilisateur peut donner son avis, une note, distribuer bons et mauvais points, de manière relativement détendue et unilatérale, car possiblement anonyme... internet, quoi. Un système basé sur la popularité et l'assiduité hiérarchise avec plus ou moins de bonheur les interventions de chacun, créant une myriade de micro-sociétés plus ou moins spécialisées, s'égayant sur un site ayant érigé comme vertu totémique la Bienveillance. Elle a du bon, quand il s'agît de pacifier, voir de nettoyer les trolls en bandes organisées, protégeant les échanges des dérives obligatoires, omniprésentes sur toute plateforme proposant un espace d'expression… Et comme il faut bien faire tourner un bazar pareille, la politique éditoriale n'a d'autres opinions que celles financées et commandées par les éditeurs, cela va de soit… comment leur en vouloir…?
Tout ceci implique forcément un découpage par genres littéraires bien identifiés, sans aucune « hiérarchie », chacun ses goûts, et tout ira bien… Voyez-vous où je veux en venir…? Oui, ça glisse… et je risque d'écraser un ou deux chats mignons au passage (pas les miens, ils m'auront vidé de mon sang avant que je n'ai le temps de lever la main…), mais j'ai la faiblesse de penser que toute chose n'équivaut pas une autre, subissant le concert de problèmes « moraux » engendrés par cette assertion…
Je vous parle d'abord de ce lieux, car il est aussi peuplé d'un grand nombre d'amoureux de la littérature ou de la bande-dessinée, celle qui marque, appelle ou fait débat. Avec un peu de patience et d'application, on peut en faire un outil merveilleux.
A l'heure où certains auteurs annoncent, spécialistes, n'écrire que des « cosy-mystery avec animaux », rappelant par là les chapelles bien délimitées de la pornographie « kink-specialized » (abyssal…) : il y en a pour tous les goûts, et c'est bien ça le problème… car on oublie que notre richesse, notre profusion, nos choix, ne sont que le produit d'une société qui vit bien au dessus de ses moyens, énergétique en premier… Il y en a juste beaucoup trop, on verra bien où cela nous mènera…
Votre livre de « lettré » nous parle de tout cela, avec un profond cynisme, qui vous place d'emblée dans la case-express, telle une laverie-automatique, d'héritier de Michel Houellebecq
Phénomène troublant du mauvais bord, celui de la presse brune ricanante, qui aime à citer ou placer, comme vous, le nom de De Montherlant, balançant des seaux d'eau bénite sur le progressiste effarouché, mais qui au final nous parle peut-être des livres dont on se souviendra… Preuve en est avec l'oeuvre de jeunesse de Nikolaï Leskov, « A couteaux tirés », dont seuls Valeurs Actuels et Causeur en ont salué la sortie tardive (sic)…
Car selon moi, et d'où ma lettre, le problème se situe bien là… ce cloisonnement idéologique car moral, entre deux mondes qui auraient tout à gagner à se regarder… Votre roman ne devrait faire changer d'avis, malgré sa richesse conceptuelle, à ceux qui vous identifient comme réactionnaire, hélas !
Il faudra peut-être attendre de la grande Lionel Shriver qu'elle arrête de courir plusieurs lièvres à la fois, et qu'elle nous sorte le grand roman contre-intersectionnel qu'elle a dans les tripes, pour ouvrir ces discussions qui restent chacune dans leur boite bien étiquetée, rangée bien séparée, chacun ses…
J'ai donc pas mal aimé votre roman, son habile construction, sa langue avec juste ce qu'il faut de manières et d'érudition, ses clichés fédérateurs, tout cela… Mais l'impression pénible d'un propos qui s'arrêtera sur les frontières du cynisme et de l'ironie.
C'est le premier livre que je lis de vous, pas le dernier sûrement… Petite suggestion : un livre sous pseudonyme (Jenny Patricia ?) édité dans la collection « Sorcières » de chez Cambourakis (on en reparlera à l'occasion : un cas d'école du capitalisme triomphant que cette maison d'édition…), s'emparant jusqu'à la nausée des codes en vigueur, tel le magnifique canular académique d'Helen Pluckrose et de James Lindsay envers les études de genre… Allez-voir, c'est vraiment très drôle et légèrement rassurant…
Inconvenablement vôtre.
Paul

P.S: Et parmi les autres critiques de ce livre, il y en a une que vous trouverez, sûrement, particulièrement savoureuse...
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