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EAN : 9782902039180
250 pages
Editions Dépaysage (25/06/2021)
4.37/5   49 notes
Résumé :
Nitassinan, août 1936. Sur ordre du gouvernement canadien, tous les jeunes Innus sont arrachés à leurs familles et conduits à plus d'un millier de kilomètres, dans le pensionnat de Fort George, tenu par des religieux catholiques. Chaque jour, les coups pleuvent : tout est bon pour « tuer l'Indien dans l'enfant ».

Montréal, 2013. L'avocate Audrey Duval recherche des survivants. Dans une réserve de la Côte-Nord, elle rencontre Marie, une vieille Innue, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
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D'un roman à l'autre. Dans Kukum, son touchant précédent roman, Michel Jean évoquait la sédentarisation forcée des populations autochtones du Canada avec comme corollaire l'arrachement d'enfants à leur famille, forcés à intégrer des pensionnats pour être «  civilisés », pour tuer l'indien en eux. La cousine de sa mère, Jeannette, lui avait raconté comment sa soeur avait été « volée » puis avait « disparu » au pensionnat autochtone de Fort George, à près de 1000km de chez elle. C'est cette douloureuse thématique qui au coeur de Maikan.

La tragédie s'incarne à travers trois personnages fictionnels, Charles, Marie et Virginie, trois Innus, dont on lit le destin les poings et les mâchoires serrés tellement tout révulse dans leur parcours ancré dans les années 1930 : les missionnaires catholiques qui usent de leur influence pour mystifier des parents désarmés ; l'ambiance quasi concentrationnaire du pensionnat entre numéros attribués à chacun pour les appeler, cheveux coupés, sévices moraux et physiques allant jusqu'au viol ; les lourdes séquelles qui se révèlent à l'âge adulte, de l'alcoolisme au suicide.

Beaucoup de romanciers seraient tombés dans le piège de la colère manichéenne ou du pathos larmoyant. Ce n'est jamais le cas, sans doute parce que l'écriture de Michel Jean rompt radicalement avec l'insupportable violence qui surgit très souvent des pages. Simple en apparence, en fait posée et empreinte de douceur, toujours humble, elle n'en accentue que plus l'empathie totale qui nous envahit à l'égard des personnages. Ces enfants de papier sont devenus les nôtres, quelque chose de très fort s'est noué entre eux et nous.

Et puis, il y a cette lumière qui réchauffe, comme un miracle, lorsque naissent, à la vie à la mort, amour et amitié entre ces trois-là, lorsqu'on voit l'avocate, à la recherche des survivants pour les aider à recevoir une indemnité étatique, se transformer au fur et à mesure de ces découvertes. Jusqu'au bout d'une quête de vérité qui la dépasse et la submerge.

Ce livre est absolument bouleversant. Révoltant. Marquant, de ceux qui font voir le monde différemment. Surtout, il résonne très fort avec l'actualité outre-Atlantique. Tout récemment, c'est une part sombre de l'histoire canadienne qui ressort, une histoire qui n'est pas dans les manuels scolaires. En mai 2021 ont été retrouvés les restes des corps de 215 enfants sur le site de l'ancien pensionnat autochtone de Kamloops. Et depuis, les douloureuses exhumations se multiplient, comme en juin dernier à Marieval où ce sont 751 sépultures anonymes qui réapparaissent. Michel Jean offre à tous ces enfants martyrs, les décédés comme les survivants, le plus digne des tombeaux.
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Août 1936. Alors qu'elles s'apprêtent à quitter Pointe Bleue pour entamer le périple familial qui va les ramener dans leur territoire des montagnes pour l'hiver, Marie et Virginie, deux jeunes amies adolescentes sont embarquées comme d'autres enfants de leur âge pour Fort George où elles rencontrent le jeune Charles.

Fort Georges, un bien joli nom pour un pensionnat lointain et dur, où le gouvernement canadien a décidé d'isoler les enfants autochtones « de leurs familles, pour les forcer à apprendre la langue et les manières des Blancs et ainsi les assimiler au reste de la population. » Et pour les encadrer, des religieux, qui vont rapidement montrer que les sauvages ne sont pas forcément ceux que l'on croit.

2013. Audrey Duval, avocate, recherche les rescapés de ces écoles ne s'étant pas fait connaître afin de leur restituer leur part des 1,9 Mds de dollars de compensation, octroyés par le gouvernement. Et plus particulièrement Marie, dont la trace se perd depuis des années…

Poursuivant son inlassable travail de mémoire, Michel Jean entreprend dans Maikan de rendre hommage à travers Marie, Virginie et Charles, à ces 150 000 enfants qui fréquentèrent pendant près de 20 ans ces pensionnats punitifs et criminels, destinés à « tuer l'Indien dans l'enfant ».

En sachant que sur les 139 pensionnats, 12 étaient sur le territoire du Quebec, l'auteur ne peut manquer de s'interroger : « Comment un peuple qui lutte contre l'assimilation depuis trois cents ans a-t-il pu lui-même tenter d'en acculturer un autre ? »

Comme dans Kukum, la délicatesse et la poésie mise dans chaque page de Maikan ne rend pas les châtiments et abus sexuels de ces religieux pédophiles moins abjects, mais il rend formidablement grâce au courage et à la résilience de ces enfants arrachés à leur culture, leurs terres et leur famille.

Une page d'histoire romancée et adoucie par la beauté de la relation entre ces trois ados, qui ravira les passionnés de culture amérindienne et séduira ceux qui la découvriront par ce biais le plus sombre.
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Ceux qui ont eu le bonheur de lire "Kukum" ne me contrediront sans doute pas, entrer dans la culture innue par cette porte fut une expérience intense, belle, douce. Suivre à pas de velours les traces d'Almanda reste et restera un sentiment unique dans ma vie de lectrice.
On y percevait pourtant dans sa deuxième partie une bonne part du lugubre destin que le pays réservait à ses autochtones et à leur terre. Déjà c'était un déchirement, mais rien de comparable avec la lecture de "Maikan".

Dans la nouvelle parution de la collection Talismans, Michel Jean se rend cette fois au coeur de l'ignominie.

Dans une obsession de destruction culturelle, plus proprement renommée "assimilation", le gouvernement Canadien s'est octroyé le droit de séparer des enfants autochtones de leurs familles. Les envoyant dans des pensionnats religieux dont le rôle était de "tuer l'indien dans l'enfant", il les a ainsi exposés à de nombreuses tortures physiques et morales.

Là où tout n'est que brutalité, violence et domination, Michel Jean ose s'armer d'un style délicat et pudique. L'effet obtenu, loin d'atténuer la colère du lecteur, intensifie le sentiment d'injustice qui suppure de toutes ces blessures inqualifiables assénées aux corps et aux âmes.

Par le biais des histoires croisées d'une avocate énergique et de trois pensionnaires définitivement marqués par leur vécu dans le pensionnat de Fort George, les pages se tournent tandis qu'un sentiment doux-amer s'installe. Certaines choses ne peuvent être réparées, mais elles doivent être racontées.

J'ai été particulièrement émue par Marie, Virginie et Charles, qui dans la douleur ont su puiser la lumière les uns dans les yeux des autres et l'apaisement dans la chaleur d'un geste. J'ai aimé voir peu à peu Audrey afficher un visage plus doux, plus empathique et montrer qu'elle n'était pas qu'une exécutante armée d'une bonne intention de façade.

Ce livre vous mettra en rage, mais lisez-le !
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C'est mon troisième roman de l'auteur après "Kukum" et "Atuk, elle et nous"; le plus douloureux aussi.
Le déracinement des populations autochtones du Canada, des enfants enlevés , envoyés dans des pensionnats religieux pour " tuer l'indien". L'ignominie de l'être humain le plus abject nous est dévoilé. Toutes les tortures, sévices sont présentes qu'ils soient physiques ou morales.
Nous passons des années fin 1930 (1936) à 2013 où Audrey, une jeune avocate veut retrouver des survivants des pensionnats et demander réparations. du pensionnat Fort Charles, on va retrouver Marie, Virginie et Charles et suivre leur destin.
Un livre pour L Histoire canadienne, une révolte intérieure me submerge. le dernier pensionnat a fermé en 1996; 150 000 enfants autochtones ont été enlevés à leurs familles.
Un livre d'une grande puissance, émouvant. Un livre qui touche énormément, pour ne pas oublier.
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En 1936, sur ordre du gouvernement canadien, tous les enfants de la communauté Innue (dont Michel Jean est originaire), sont arrachés à leurs familles, jugées inaptes à les élever : les enfants et adolescents sont envoyés à 1000 kilomètres de chez eux, dans le pensionnat de Fort George, où les religieux catholiques s'emploient à « tuer l'Indien dans l'enfant » (au risque de tuer les enfants eux-mêmes.
Violences verbales, physiques et sexuelles, les religieux exercent toutes formes de sévices sur les enfants, en toute impunité. le roman focalise plus particulièrement sur trois adolescents : Marie, Virginie et Charles, qui parviennent à s'entraider comme ils le peuvent face à la cruauté des catholiques. La scène inaugurale du roman laisse envisager une issue tragique à l'histoire.
En alternance avec les chapitres éprouvants de Fort Georges, on suit Audrey, jeune avocate chargée en 2013 de retrouver les survivants des pensionnats afin de les aider à obtenir une indemnisation. Elle s'aperçoit que nombre d'entre eux portent de lourdes séquelles de ces funestes années, et peine à retrouver Marie, Virginie et Charles. Son enquête la conduit vers Marie, qui vit recluse et ne dessoule jamais…
Ce roman est absolument bouleversant et révoltant : l'écriture pourtant toute en délicatesse de Michel Jean ne peut que susciter de la colère chez le lecteur, même si l'alternance des temporalités nous permet de souffler. On ne peut le lâcher avant de savoir si Marie, Virginie et Charles vont se sortir de cet enfer. On n'est d'autant plus révolté que les coupables sont religieux, et les victimes des enfants.
Michel Jean, descendant de la communauté Innue, construit un magnifique travail de mémoire sur l'histoire de cette communauté, ses coutumes et leur destruction par un gouvernement canadien qui ne cherchait qu'une assimilation brutale.
Paru en 2013, Maikan prend une dimension encore plus actuelle avec la découverte des tombes de centaines de victimes des pensionnats sur le territoire canadien. Même si les autochtones savent très bien ce qui s'est passé dans ces établissements, il est important que ces crimes soient connus de tous, les Canadiens comme la communauté internationale. Malheureusement, on ne peut que se dire que le Canada n'a pas fini de compter les tombes…
Maikan, Kukum, pour moi deux très gros coups de coeur d'un auteur à suivre, assurément.

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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
C'est le hasard et une bonne action qui ont conduit cette femme sophistiquée entre les murs lugubres du bureau du coroner pour identifier le cadavre d'un itinérant. Le barreau incite chaque année ses membres à accepter et à plaider sans honoraire une cause. Une forme de charité qui a l'avantage de donner accès à la justice à des gens qui n'en auraient pas les moyens. Surtout au tarif horaire exigé par Audrey. Cela permet en même temps à la profession d'avoir la conscience tranquille.
Audrey opte d'habitude pour des affaires qu'elle sait gagnées d'avance et qu'elle pourra mener rondement. Mais, cette fois, en lisant un article du Globe and mail de Toronto, elle est tombée sur une histoire qui l'a interpellée sans qu'elle ne sache trop pourquoi. Le journal racontait comment, au début du XXè siècle, les jeunes Autochtones avaient été envoyés de force par le gouvernement canadien dans des établissements d'enseignement. Au lieu de les éduquer comme on l'avait promis aux parents, les pensionnats visaient plutôt à assimiler les enfants. Le journal expliquait ainsi que plus de cent cinquante mille membres des Premières Nations, Inuit et Métis avaient été arrachés à leurs familles, délibérément coupés de leur culture et soumis à une forme de lavage de cerveau. Dans ce que le Canada appelait les pensionnats autochtones, beaucoup d'enfants avaient subis des sévices, et des agressions sexuelles.
Comme bon nombre de ses compatriotes, Audrey ignorait jusque-là que, sur cent trente-neuf pensionnats ouverts au pays, douze l'avaient été au Québec. Comment un peuple qui lutte contre l'assimilation depuis trois cents ans a-t-il pu lui-même tenter d'en acculturer un autre ? L'idée lui avait parue d'autant plus choquante que les pensionnats étaient dirigés par le même clergé qui, dans le passé, s'était imposé contre l'intégration forcée des francophones. L'article mentionnait, et cela avait frappé la curiosité de l'avocate, qu'une entente avait été conclue entre Ottawa et les Autochtones à la suite d'un recours collectif. Elle prévoyait une indemnisation totale de 1.9 milliard de dollars pour les anciens pensionnaires. Mais le journal rapportait qu'un certain nombre d'entre eux ne réclamaient pas leur dû, comme s'ils avaient disparu dans la nature.
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- Charles Vollant, Virginie Paul et Marie Nepton n’apparaissent pas au plumitif. Nada ! Les deux premiers ne figurent même pas au Registre des Indiens alors que le nom de Marie Nepton, lui, y est. Si je résume, nous avons trois adolescents qui entrent en 1936 au pensionnat à son ouverture puis, pfuitt, en disparaissent tous à peu près en même temps. Et aujourd’hui, on ne retrouve la trace que d’une seule de ces trois personnes qui curieusement, vit maintenant au bout du monde.
- Où ça ? demande le Nakota.
- Pakuashipu ou quelque chose comme ça. C’est dans l’extrême est du Québec. Si loin qu’il n’existe même pas de route pour s’y rendre. Si Marie Nepton avait voulu se faire oublier, elle n’aurait pas pu mieux choisir.
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Virginie en veut à la planète entière, mais surtout à ses parents. Elle ne comprend pas ce qui arrive ni pourquoi elle doit partir, quitter sa famille et sa communauté. Elle ignore que, comme les autres parents obligés de laisser aller leurs petits à l’autre bout du monde, les siens sont plus désemparés qu’elle encore. Les représentants du gouvernement, accompagnés de policiers, se sont montrés intraitables et ont ordonné à tous de préparer les enfants pour un long voyage.
- Vous n’avez pas d’argent pour les éduquer et bien le nourrir, avait expliqué le fonctionnaire. Ils ne savent ni lire ni écrire. Ils sont maigres. Ils ont l’air de vrais sauvages. Au pensionnat, ils seront logés et mangeront à leur faim. Des religieux leur apprendront à lire et à écrire et s’occuperont d’eux comme il se doit. Vous devriez remercier le gouvernement canadien pour sa générosité.
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Marie regarde la céramique blanche se couvrir peu à peu de noir, une mèche à la fois, dans un silence chirurgical que seul brise le claquement régulier des ciseaux. Elle n’avait jamais coupé ses cheveux. Ils lui arrivaient à la taille et elle avait l’habitude de les attacher de mille façons. Ses cheveux ondoyants que sa mère aimait brosser longtemps le soir ne sont plus que des débris jetés sur le parquet. Virginie n’a jamais pensé qu’un jour elle devrait couper ses cheveux. Sa mère ne l’a jamais fait. Elle sent le regard tourmenté de Marie sur elle. Dans un instant, ce sera son tour. Tout le monde y passe, fille comme garçon. Virginie ferme les yeux, retient des larmes qui coulent malgré tout et tombent au milieu des touffes de crinière.
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Le chemin grimpe en douceur jusqu’au sommet d’une colline d’où le Riverview domine la rivière et son delta émaillé d’îles. Du perron de l’établissement, on distingue très bien, de l’autre coté, la réserve et ses rues étroites, bordées de cabanes grises où une vieille femme boit en appelant la mort.
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Vidéo de Michel Jean
Entretien avec l’écrivain Michel Jean 25 avr. 2023 ROMANSKA OCH KLASSISKA INSTITUTIONEN, STOCKHOLMS UNIVERSITET Michel Jean est venu à l’Université de Stockholm en octobre 2022 pour échanger avec les étudiants autour de son livre Atuk. C’est un journaliste et un auteur des Premières Nations au Canada qui puise dans sa mémoire personnelle et collective pour rendre visibles ces cultures. Avec des mots simples et une histoire racontée avec beaucoup d’empathie, Michel Jean invite le lecteur à suivre la trajectoire de ses personnages. Cette rencontre a été possible grâce au soutien de l’Association Internationale des Études Québécoises.
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