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D'un roman à l'autre. Dans Kukum, son touchant précédent roman, Michel Jean évoquait la sédentarisation forcée des populations autochtones du Canada avec comme corollaire l'arrachement d'enfants à leur famille, forcés à intégrer des pensionnats pour être «  civilisés », pour tuer l'indien en eux. La cousine de sa mère, Jeannette, lui avait raconté comment sa soeur avait été « volée » puis avait « disparu » au pensionnat autochtone de Fort George, à près de 1000km de chez elle. C'est cette douloureuse thématique qui au coeur de Maikan.

La tragédie s'incarne à travers trois personnages fictionnels, Charles, Marie et Virginie, trois Innus, dont on lit le destin les poings et les mâchoires serrés tellement tout révulse dans leur parcours ancré dans les années 1930 : les missionnaires catholiques qui usent de leur influence pour mystifier des parents désarmés ; l'ambiance quasi concentrationnaire du pensionnat entre numéros attribués à chacun pour les appeler, cheveux coupés, sévices moraux et physiques allant jusqu'au viol ; les lourdes séquelles qui se révèlent à l'âge adulte, de l'alcoolisme au suicide.

Beaucoup de romanciers seraient tombés dans le piège de la colère manichéenne ou du pathos larmoyant. Ce n'est jamais le cas, sans doute parce que l'écriture de Michel Jean rompt radicalement avec l'insupportable violence qui surgit très souvent des pages. Simple en apparence, en fait posée et empreinte de douceur, toujours humble, elle n'en accentue que plus l'empathie totale qui nous envahit à l'égard des personnages. Ces enfants de papier sont devenus les nôtres, quelque chose de très fort s'est noué entre eux et nous.

Et puis, il y a cette lumière qui réchauffe, comme un miracle, lorsque naissent, à la vie à la mort, amour et amitié entre ces trois-là, lorsqu'on voit l'avocate, à la recherche des survivants pour les aider à recevoir une indemnité étatique, se transformer au fur et à mesure de ces découvertes. Jusqu'au bout d'une quête de vérité qui la dépasse et la submerge.

Ce livre est absolument bouleversant. Révoltant. Marquant, de ceux qui font voir le monde différemment. Surtout, il résonne très fort avec l'actualité outre-Atlantique. Tout récemment, c'est une part sombre de l'histoire canadienne qui ressort, une histoire qui n'est pas dans les manuels scolaires. En mai 2021 ont été retrouvés les restes des corps de 215 enfants sur le site de l'ancien pensionnat autochtone de Kamloops. Et depuis, les douloureuses exhumations se multiplient, comme en juin dernier à Marieval où ce sont 751 sépultures anonymes qui réapparaissent. Michel Jean offre à tous ces enfants martyrs, les décédés comme les survivants, le plus digne des tombeaux.
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Lire ce superbe et émouvant roman s'impose comme une évidence aprés avoir découvert le non moins magnifique "Kukum" du même auteur, Michel Jean .Dans ce dernier volume cité , on assistait à la transformation du monde nomade du peuple fier et libre des Innus du Québec . La forêt disparaît , les maisons en bois remplacent les tentes en peaux et , surtout , comble de malheur , les enfants sont arrachés à leurs parents et envoyés loin , loin , là-bas , dans le terrible Fort Knox où des religieux seront chargés de leur inculquer les rudiments , voire plus , d'une nouvelle culture , tout en n'oubliant pas de leur faire renier celle inculquée par leurs ancêtres. .
C'est avec Virginie , Marie et Charles que nous allons pousser les portes de ce que l'on peut bien appeler "un triste lieu de perdition ." Qu'on se le dise , on va retrouver une atmosphère découverte cette année dans le terrible "Enragé " de Chalandon , dans " Bakhita " de Véronique Olmi ,ou dans de sinistres récits évoquant aussi , pour le creusois que je suis , la déportation des petits réunionais dans des départements en danger démographique .Vous me suivez ? Pas question , aujourd'hui , de plaisanter sur un sujet dont on savait bien , en lisant les dernières pages de "Kukum " , qu'il occupait l'esprit de l'auteur . Passons sur les conditions de vie à peine imaginables que l'on va découvrir dans ces pages et préparez- vous à pénétrer dans une humanité marquée par la plus grande noirceur de l'âme des hommes et femmes pourtant au service de Dieu , des âmes dont la plus généreuse sera celle qui se tait parcequ'elle ne veut pas voir.
En parallèle , 70 ans plus tard , c'est au tour d'Audrey , une avocate , d'entrer en scène pour tenter de renouer les fils d'une période à oublier pour certains , à comprendre pour d'autres ....
Je n'en dirai pas plus si ce n'est que , malgré sa force , sa violence , ce récit est une nécessité . L'auteur sait " raconter " la douleur , sait " présenter " les choses avec pudeur , force , mais sans pathos , laissant toujours le lecteur sur " le fil du rasoir ".
Kukum m'avait séduit par la sérénité qui se dégageait chez ces gens aux conditions de vie incroyables , amoureux de la nature , de la vie , du respect des anciens ."Maikan " , qui lui fait suite , m'a violemment interpellé et la question qui me vient à l'esprit est " pourquoi? " sorte de prélude à tous les maux qui frappent aujourd'hui de plein fouet , des sociétés dites " civilisées ".
Oui , il est nécessaire de lire "Maikan " pour ne plus fermer les yeux ou se taire . Allez, chers amis et amies , je vous dis " à bientôt " , avec un sujet plus " léger".
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Mashteuiatsh, août 1936. Si Virginie et Marie ont été ravies, deux mois auparavant, de retrouver Pekuakami et ses vastes étendues tranquilles, après un hiver dans les bois et les montagnes, elles se réjouissent du voyage qui les attend, elles et toute la communauté Innue, vers leurs territoires de chasse hivernaux, sur les rives du lac Manouane. Malheureusement, c'est un bien autre voyage qui attend les deux jeunes filles. En effet, le gouvernement canadien ayant décidé de scolariser et d'éduquer les autochtones, certain du manquement, voire de la négligence de leurs parents. Si certains sont réticents ou que d'autres tentent de s'opposer ou de refuser, ils n'ont d'autre choix que de laisser leurs progénitures s'envoler vers Fort George, un pensionnat construit très loin de là, sur une île de la baie James. Là, ces tout nouveaux pensionnaires seront nourris et logés correctement et seront instruits par des missionnaires. du moins, c'est la promesse du gouvernement canadien. C'est entre ces murs que les deux jeunes filles feront la connaissance de Charles...
Montréal, 2013. Audrey Duval est avocate et s'est donnée pour mission de retrouver certains anciens pensionnaires afin qu'ils puissent toucher les indemnisations qui leur sont, aujourd'hui, dues. Si la tâche s'avère parfois compliquée, elle va se retrouver, cette fois, face à un problème plus mystérieux. En effet, il semblerait qu'on ait perdu la trace de trois personnes, parmi sa liste. Trois personnes qui ont disparu quasiment en même temps et seule l'une d'elle a été retrouvée au bout du monde. Marie Nepton...

Maikan, qui signifie loup en Innu, est le nom que les pensionnaires de Fort George donnait aux missionnaires catholiques. Un nom qui, de prime abord, donne une idée de ce que ces enfants pouvaient subir. Et pourtant, l'on est loin de s'imaginer, de penser ou d'entrevoir ce qui se passait réellement dans ces murs. Si le sujet, dramatique et sidérant, a déjà été abordé, aussi bien en littérature pour adultes ou pour la jeunesse, Michel Jean, en tant que membre d'une famille dont plusieurs ont fréquenté ce pensionnat (et à qui, d'ailleurs, il dédie ce livre), a su, avec ses mots puissants et lourds de sens, à la fois avec une étonnante douceur et une force incommensurable, dépeindre ce que subissaient ces enfants. Des enfants que l'on sait marqués à vie. Mais malgré ces mauvais traitements, ces viols, ces maladies non soignées, ces conditions de vie difficiles, cette violence omniprésente, scintillent toutefois ces lueurs que sont l'amitié entre Marie et Virginie, l'amour entre cette dernière et Charles, cette aide et ce soutien que tente d'apporter Jimmy ou encore cette volonté farouche d'Audrey. Si Marie, Virginie et Charles sont des enfants, parmi tant d'autres, que le gouvernement canadien a voulu assimiler, Michel Jean leur a, incontestablement, redonné une âme et une identité.

150000 enfants autochtones ont fréquenté ces établissements, plus de 4000 y sont morts. le dernier pensionnat n'a fermé ses portes qu'en 1996, en Saskatchewan. Les excuses des différents gouvernements canadiens face à ce génocide culturel et les promesses d'indemnisation sont-elles réellement suffisantes ?

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Août 1936. Alors qu'elles s'apprêtent à quitter Pointe Bleue pour entamer le périple familial qui va les ramener dans leur territoire des montagnes pour l'hiver, Marie et Virginie, deux jeunes amies adolescentes sont embarquées comme d'autres enfants de leur âge pour Fort George où elles rencontrent le jeune Charles.

Fort Georges, un bien joli nom pour un pensionnat lointain et dur, où le gouvernement canadien a décidé d'isoler les enfants autochtones « de leurs familles, pour les forcer à apprendre la langue et les manières des Blancs et ainsi les assimiler au reste de la population. » Et pour les encadrer, des religieux, qui vont rapidement montrer que les sauvages ne sont pas forcément ceux que l'on croit.

2013. Audrey Duval, avocate, recherche les rescapés de ces écoles ne s'étant pas fait connaître afin de leur restituer leur part des 1,9 Mds de dollars de compensation, octroyés par le gouvernement. Et plus particulièrement Marie, dont la trace se perd depuis des années…

Poursuivant son inlassable travail de mémoire, Michel Jean entreprend dans Maikan de rendre hommage à travers Marie, Virginie et Charles, à ces 150 000 enfants qui fréquentèrent pendant près de 20 ans ces pensionnats punitifs et criminels, destinés à « tuer l'Indien dans l'enfant ».

En sachant que sur les 139 pensionnats, 12 étaient sur le territoire du Quebec, l'auteur ne peut manquer de s'interroger : « Comment un peuple qui lutte contre l'assimilation depuis trois cents ans a-t-il pu lui-même tenter d'en acculturer un autre ? »

Comme dans Kukum, la délicatesse et la poésie mise dans chaque page de Maikan ne rend pas les châtiments et abus sexuels de ces religieux pédophiles moins abjects, mais il rend formidablement grâce au courage et à la résilience de ces enfants arrachés à leur culture, leurs terres et leur famille.

Une page d'histoire romancée et adoucie par la beauté de la relation entre ces trois ados, qui ravira les passionnés de culture amérindienne et séduira ceux qui la découvriront par ce biais le plus sombre.
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Maikan signifie loup dans la langue Innue.
Mais un loup n'a pas le sadisme de la meute de loups cachés sous les soutanes !

Dans le pensionnat Fort George, à plus d'un millier de kilomètres des vastes territoires où vivaient ces indiens, au rythme de la nature, se retrouvent les enfants Innus.
Ils sont arrachés à leur famille, placés dans un environnement violent, dans le but de les assimiler de force.
Il vont perdre leur nom, se voir attribuer un numéro, doivent se plier à l'autorité catholique : tout est prétexte à subir des coups, des humiliations, des abus physiques,
moraux et abus sexuels.
Ils doivent oublier leur vie à parcourir les forêts, les bras et la tendresse de leur Kukum mais doivent tenir une lame de rasoir sur leur langue pour avoir oser parler leur langue première.
Tout est bon pour "tuer l'indien dans l'enfant" oublier leur langue maternelle.
C'est une lecture douloureuse qui fait mal, révolte.
J'ai lu le coeur serré, remplie de dégoût et révoltée face à cette cruauté. Car cette violence là, ces sévices sont infligés à des enfants, à la fragilité de l'enfance, à leur vulnérabilité !
On leur vole l'enfance, on efface leur passé rempli d'amour, de beauté et on les violente, les traite de sauvages, on empêche leurs mots, efface leur culture !
Même leurs rêves, la nuit, sont saccagés, violés !
Un véritable génocide culturel !
C'est ce que raconte ce roman, une réalité révoltante, insupportable : Un CRI d'indignation !

Audrey Duval est avocate spécialisée dans le droit des affaires. En parallèle elle se consacre à des missions bénévoles dont la recherche de trois Innus retirés à leurs familles lorsqu'ils étaient enfants. Ils devraient être indemnisés par le gouvernement canadien pour les violences subies.
Le récit alterne entre le regard des enfants dans leur environnement violent et celui d'Audrey partie à la recherche de trois vies anéanties.
Et c'est un soulagement pour le lecteur à chaque changement de chapitre !
L'auteur crée un lien entre les deux périodes 1930 d'une part et 2010 d'autre part.

C'est l'histoire de trois enfants qui furent arrachés à leur famille en 1936.
Virginie et Marie deux amies de toujours, deux inséparables, deux caractères différents la première courageuse, impétueuse, la deuxième plus craintive
Et émotive. Elles se soutiennent. L'une réconforte l'autre.
Le troisième Charles jeune garçon brave, débrouillard :
L'image du courage et de la bonté dans un monde qui en contient si peu. Entre Charles et Virginie un amour pur, immense : il adoucira les représailles d'une extrême violence qu'elle eut à subir.
Cet amour si puissant les portera vers une résistance, effaçant la peur du risque.

Ces trois enfants vont démontrer que dans l'enfer où rien ne leur est épargné, il persiste une lumière :
la fraternité, l'amour, la résistance.


Les phrases sont courtes, la plume d'une grande sensibilité : le pathos larmoyant n'a pas sa place
dans ce récit bouleversant. le texte demeure tout en retenue. C'est beau, fort et éternel !

Ce grand roman porte la puissance de l'amitié, de l'amour il porte la voix de ces 150 000 enfants !
Cette voix s'élève aussi haut que les chants de ce peuple pour se souvenir toujours et graver l'injustice dans les mémoires :
L'histoire de l'extinction d'un peuple.
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Tu débarques avec ton arrogance de Blanc. Tu crèves la dalle en Europe, ou alors tu es devenu indésirable/hors-la-loi, ou encore tu veux faire fortune (on t'a parlé d'or, de terres fertiles, de main d'oeuvre gratuite...).
Tu t'installes, au mépris de ceux qui sont déjà là.
Très vite, tu leur prends tout : leurs territoires et leurs ressources. Et plus insidieusement, leur identité et leur dignité - ils doivent te ressembler, ça justifie ta prétendue supériorité.
Au mieux ce sont des sauvages, au pire des animaux. La preuve : ils ne connaissent ni ta langue, ni 'ton dieu'.
Tu vas leur faire adopter.
Et ton 'divin', ils le craindront, à défaut de l'aimer. Car non, il n'est pas "bon", il n'est pas "amour" : il est colère, caprice, cruauté, vengeance.
Avec cette figure toute-puissante fictive, tu augmenteras ton pouvoir sur eux.
Attention, tu fais tout cela pour leur rendre service : tu leur apportes les progrès de LA Civilisation.
.
Voilà l'engrenage dévastateur de la colonisation, qui sévit toujours depuis des siècles. Ça continue, les envahisseurs ne l'appellent plus ainsi. Elle prend parfois des allures de génocide (déportations, massacres).
L'Histoire se répète. On a toujours besoin d'un "plus petit" que soi... pour l'exploiter et prendre sa place, ses biens.
.
Michel Jean est issu de la communauté innue de Mashteuiatsh. Il évoque dans ce 'Maikan' (= les loups) le sort terrible des enfants indiens arrachés à leurs familles, au Canada, pendant un siècle (de la fin du XIXe à 1996, date de la fermeture du dernier pensionnat). Ils avaient entre six et seize ans.
Le terme 'arraché' est un chouïa abusif car les parents étaient réticents mais consentants : ils pensaient réellement que l'éducation promise par le gouvernement leur serait bénéfique, et ils craignaient le dieu des Blancs et leurs représentants.
« Si vos parents avaient résisté, la police vous aurait prise de force. Et n'oubliez pas l'influence qu'exerçait le clergé à l'époque. le but des curés était d'évangéliser le peuple, et celui des politiciens, de l'assimiler. Et ce ne sont pas vos parents qui auraient pu s'opposer à cela. » (p. 143)
.
Cette opération de grande ampleur fut désastreuse : 150 000 enfants autochtones ont été internés dans ces pensionnats dirigés par des religieux (hommes et femmes). Plus de 4 000 y sont morts - problèmes sanitaires (manque de nourriture, de chauffage, de vêtements appropriés et de médicaments) et maltraitance délibérée.
Et l'après ? Comment se remettre d'une enfance ainsi brisée ?
« Elle a vu de nombreuses victimes de violence, d'agressions sexuelles, de sévices de toutes sortes. Des personnes qui n'ont connu qu'une existence d'humiliations. » (p. 65)
Inutile de détailler le sadisme des religieux des deux sexes, et leurs perversités.
Plus j'en apprends sur le sujet, moins je comprends ce qui n'allait (ne va ?) pas chez ces gens-là : comment devient-on si violent, moralement & physiquement ? Pourquoi les moins tordus restent-ils complices passifs, y compris lorsque leur rang hiérarchique leur permettrait d'épargner les enfants en éliminant/recadrant les adultes toxiques ? Ici, l'abominable père Johnson était-il protégé à plus haut niveau ?
On devient curé/bonne soeur parce qu'on a un truc qui déconne par rapport aux enfants, ou ça rend dingue et mauvais, "d'épouser une ombre" ?
.
A ceux qui veulent en savoir plus sur les ravages de notre bonne vieille Eglise : se documenter sur les orphelinats irlandais (cf. 'The Magdalene Sisters', film de Peter Mullan de 2002), lire 'La Controverse de Valladolid' (roman de Jean-Claude Carrière paru en 1992). Et toutes les affaires de pédophilie, viols, dévoilées récemment...
.
Là, le gouvernement canadien a promis d'indemniser les victimes. Quel sens cela a-t-il ? L'avocate avance gentiment & tristement à l'une d'elles - âgée de 90 ans et ravagée par l'alcool - qu'au moins, avec ce 'dédommagement', elle pourra s'offrir du gin de bonne qualité.
.
Colère et honte.
J'ai des ancêtres vendéens qui se sont installés au Québec.
Il y aussi un vieux type - toujours vivant - dans la famille qui a cru bon (pour 'eux', vraiment ? ou pour lui ?) d'aller évangéliser les "petits Ivoiriens"...
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Ceux qui ont eu le bonheur de lire "Kukum" ne me contrediront sans doute pas, entrer dans la culture innue par cette porte fut une expérience intense, belle, douce. Suivre à pas de velours les traces d'Almanda reste et restera un sentiment unique dans ma vie de lectrice.
On y percevait pourtant dans sa deuxième partie une bonne part du lugubre destin que le pays réservait à ses autochtones et à leur terre. Déjà c'était un déchirement, mais rien de comparable avec la lecture de "Maikan".

Dans la nouvelle parution de la collection Talismans, Michel Jean se rend cette fois au coeur de l'ignominie.

Dans une obsession de destruction culturelle, plus proprement renommée "assimilation", le gouvernement Canadien s'est octroyé le droit de séparer des enfants autochtones de leurs familles. Les envoyant dans des pensionnats religieux dont le rôle était de "tuer l'indien dans l'enfant", il les a ainsi exposés à de nombreuses tortures physiques et morales.

Là où tout n'est que brutalité, violence et domination, Michel Jean ose s'armer d'un style délicat et pudique. L'effet obtenu, loin d'atténuer la colère du lecteur, intensifie le sentiment d'injustice qui suppure de toutes ces blessures inqualifiables assénées aux corps et aux âmes.

Par le biais des histoires croisées d'une avocate énergique et de trois pensionnaires définitivement marqués par leur vécu dans le pensionnat de Fort George, les pages se tournent tandis qu'un sentiment doux-amer s'installe. Certaines choses ne peuvent être réparées, mais elles doivent être racontées.

J'ai été particulièrement émue par Marie, Virginie et Charles, qui dans la douleur ont su puiser la lumière les uns dans les yeux des autres et l'apaisement dans la chaleur d'un geste. J'ai aimé voir peu à peu Audrey afficher un visage plus doux, plus empathique et montrer qu'elle n'était pas qu'une exécutante armée d'une bonne intention de façade.

Ce livre vous mettra en rage, mais lisez-le !
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C'est mon troisième roman de l'auteur après "Kukum" et "Atuk, elle et nous"; le plus douloureux aussi.
Le déracinement des populations autochtones du Canada, des enfants enlevés , envoyés dans des pensionnats religieux pour " tuer l'indien". L'ignominie de l'être humain le plus abject nous est dévoilé. Toutes les tortures, sévices sont présentes qu'ils soient physiques ou morales.
Nous passons des années fin 1930 (1936) à 2013 où Audrey, une jeune avocate veut retrouver des survivants des pensionnats et demander réparations. du pensionnat Fort Charles, on va retrouver Marie, Virginie et Charles et suivre leur destin.
Un livre pour L Histoire canadienne, une révolte intérieure me submerge. le dernier pensionnat a fermé en 1996; 150 000 enfants autochtones ont été enlevés à leurs familles.
Un livre d'une grande puissance, émouvant. Un livre qui touche énormément, pour ne pas oublier.
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Bien que le point de départ de ce récit n'annonce que de la douleur, je suis ravie de retrouver la plume et l'univers de Michel Jean dont j'avais adoré "Kukum". Si "Maikan" témoigne des horreurs des cent-trente-neuf pensionnats autochtones ouverts au Canada au XXe siècle, j'ai surtout retenu le courage de Virginie, Marie et Charles que nous accompagnons page après page et l'espoir d'une guérison, d'un apaisement que cherche à apporter l'avocate Audrey Duval.

Cette dernière s'est donnée pour mission de retrouver celles et ceux qui, dans leur enfance, sont passés par le pensionnat de Fort George afin qu'ils puissent recevoir les indemnités promises par le gouvernement. Des trois personnes restantes sur sa liste, elle ne retrouve finalement que Marie qui, soixante-dix ans après les faits s'est enfermée dans la solitude et l'alcool. Son histoire tragique passe par des méthodes malheureusement déjà trop éprouvées dans notre monde : arracher des enfants à leurs familles, remplacer leur prénom par un numéro, les livrer au froid et à la faim, les frapper, les violer, les détruire.

Les passages du roman relatant ces actes inhumains sont très difficiles à lire mais nécessaires pour savoir ce qu'ont vécu les cent cinquante mille enfants qui ont été broyés par ce système profondément raciste. Je trouve que l'écriture pudique Michel Jean est particulièrement appropriée puisqu'elle laisse peu de place au dialogue, et qu'y a-t-il en effet à dire sur ces atrocités ? En revanche, il nous conte les cheveux de Virginie, les yeux de Marie, les bras de Charles, les rivières et les forêts où ils ont grandi et, ce faisant, il leur restitue l'humanité et le respect que Fort George a tenté de leur voler.
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Au Québec (comme ailleurs), des curés se sont offert du bon temps sur le dos de jeunes Indiens, garçons ou filles.

Ce roman, inspiré de la réalité, met en scène le calvaire subi par des enfants autochtones que le gouvernement canadien prétendait civiliser, en les envoyant de force dans des pensionnats. La christianisation de ces "sauvages" faisait partie des objectifs des colons, et les établissement d'enseignement étaient tenus par des membres du clergé. Puisque ceux-ci n'avaient de compte à rendre qu'à Dieu, certains s'en donnèrent à coeur joie. En effet, la hiérarchie catholique, ici comme ailleurs, préférait fermer les yeux, voire profiter personnellement du système.

Le roman est intéressant mais guère novateur par rapport à Kukum, du même auteur et sur le même sujet. Sans effet de surprise, ni découverte historique pour moi, j'ai cette fois été relativement déçu. Si vous découvrez le sujet, je vous encourage cependant vivement à lire ce « Maikan », ou « Kukum » qui m'a laissé un meilleur souvenir (mais peut-être à cause de l'ordre dans lequel j'ai découvert ces deux livres).
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