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EAN : 9782070417018
224 pages
Gallimard (09/04/2010)
3.35/5   523 notes
Résumé :
J.M.G. LE CLÉZIO
Ritournelle de la faim

" Ma mère, quand elle m'a raconté la première du Boléro, a dit son émotion, les cris, les bravos et les sifflets, le tumulte. Dans la même salle, quelque part, se trouvait un jeune homme qu'elle n'a jamais rencontré, Claude Lévi-Strauss. Comme lui, longtemps après, ma mère m'a confié que cette musique avait changé sa vie.
Maintenant, je comprends pourquoi. Je sais ce que signifiait pour sa générat... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (78) Voir plus Ajouter une critique
3,35

sur 523 notes
Merci à mon ami Berni de m'avoir fait découvrir ce livre grâce à sa belle critique et merci à Piatka d'avoir posé les mots justes plus vibrants que jamais.

Ce roman n'est pas un roman comme un autre, c'est un récit troublant qui sonne horriblement juste la destinée d'une fillette, Ethel au proie à la guerre des hommes. Celle qui déchire ses parents, celle qui empoisonne l'amitié acculée aux faux-semblant, celle qui tua des millions d'hommes et de femmes dans les années quarante.

Une petite ritournelle qui revient sans cesse nous déclamant la violence de l'Histoire, ça vient, ça part, ça revient, inlassablement comme des ruines qui viennent à remplacer les maisons, comme les cadavres d'un triste paysage, comme l'espoir qui se meurt faute de paix.

Un roman au diapason du boléro de Ravel qui commence piano piano, quelques pas hésitants dans une enfance insouciante, le rythme s'accélère, tam tam, les tambours se mettent à trembler, dans les hauts-parleurs la voix du führer, les danseurs s'enflamment, courent, halètent.

C'est un roman qui crie famine, à toutes ces heures tuées qui ne reviendront plus et laisseront à jamais le ventre vide et les survivants étourdis.

C'est la ritournelle de la faim.
Magnifique. Tentaculaire. Étourdissant.
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Imaginez : un danseur beau, puissant, expressif sur une grande table ronde et rouge au milieu d'une scène faiblement éclairée, des danseurs qui tournoient autour de cette table au rythme envoutant d'une ritournelle, une des oeuvres musicales les plus jouées au monde, le Boléro de Maurice Ravel.
Avant de découvrir le livre de J.M.G le Clézio, le Boléro était pour moi associé à la chorégraphie épurée et sensuelle de Maurice Béjart ( un autre Maurice...) dansé par un Jorge Donn félin, habité par cette musique singulière. En moins de 10 minutes, la mélodie vous prend aux tripes, son rythme monte crescendo pour symboliser l'obsession, la montée en puissance de la rage, de l'impuissance, de la force de vie triomphante, avant de s'éteindre subitement. Si vous n'avez jamais vu, éprouvé ce Boléro-là, faites un tour sur internet, cette interprétation dansée est non seulement magistrale, mais elle éclaire de façon originale l'interprétation littéraire du Boléro par Le Clézio.

Pourquoi évoquer un ballet me direz-vous, il s'agit bien d'un livre ici ?
Tout d'abord, il ne faut pas oublier que le Boléro est une musique de ballet composée et créée en 1928 à l'Opéra Garnier pour Ida Rubinstein, grande danseuse russe. La première, le 22 novembre, est mentionnée par Le Clézio, à la toute fin du livre car sa mère y était. C'est clairement le point de départ et d'arrivée de ce roman fortement auto-biographique, même si le Boléro n'est que le point d'orgue du livre. En effet, pourquoi sinon l'appeler ritournelle de la faim ? Associer deux mots que tout oppose ? Sauf si la ritournelle est le Boléro, puissant, envoûtant, violent, et la faim, puissante, obsédante, violente, toutes les formes de faim en fait évoquées par Le Clézio ; la faim physique, liée à la pauvreté, la seconde guerre mondiale, la faim pour l'argent, pour l'amour, et tout simplement la faim et la soif de vivre de l'héroïne Ethel.

C'est le destin d'Ethel de 8 à 20 ans que l'écriture sensible et limpide de l'auteur nobellisé en 2008 ( l'année de parution du roman ) nous livre avec une musique toute personnelle et un talent qui éclate à chaque page. Très beau portrait d'enfant puis de femme qui prend son destin en main alors même que sa famille subit une faillite et l'exode.
Ce roman relativement court est puissant, entraînant, violent aussi, mais non dénué de poésie, tout comme la ritournelle de Ravel. Deux chefs d'oeuvre qui seront maintenant associés pour moi, symboles très forts de l'énergie vitale.

Challenge Nobel 2/1?
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Je me suis demandé comment j'allais vous parler de ce roman que j'ai aimé, Ritournelle de la faim, vous donner envie de le visiter, comme on ouvre une porte entrebâillée sur un jardin perdu au milieu d'une ville bruyante. Ce roman est un peu cela.
Comment dire cela sans dire, sans dévoiler les choses, l'histoire. Au fond, il n'y a peut-être rien à dévoiler. Si, un peu quand même...
Et si je vous évoquais le contour des choses, de ce qui est la marge... Autour, un peu à côté, la musique qui vient brusquement sous nos yeux, je dis bien sous nos yeux, lorsqu'on referme les pages justement après les avoir étreintes.
C'est comme une petite musique lancinante, une phrase musicale, douce au début, répétitive et puis qui monte crescendo. Nous sommes emportés dans son rythme enivrant, étourdis jusqu'à la note finale. Il y a ici la douceur, la violence et le silence. le silence après cette dernière note, nous dit Jean-Marie Gustave Le Clézio, est terrible pour les survivants. Il évoque ici, à la fin de son livre, le magnifique Boléro de Ravel, musique totalement unique dans son genre, mais il évoque aussi le décor dans lequel ce roman prend figure : avant, pendant et après la seconde guerre mondiale.
Ethel en est le personnage principal. C'est encore une enfant au début du récit.
J'ai aimé son prénom, comme le nom d'un port du Morbihan, à la même consonance, presqu'écrit pareil... C'est comme un rivage, comme un port où nous sommes prêts à embarquer au bout de la jetée...
Se laisser porter avec insouciance par la vague marine, tandis que le monde bascule tout doucement vers le chaos et la barbarie.
J'aime ce mot désuet de ritournelle. Cela me fait penser à des chansons de Rina Ketty.
Tout commence lors d'un voyage exotique à l'exposition coloniale de 1931 à Paris, où le grand-oncle d'Ethel, Monsieur Soliman, fait l'acquisition du pavillon des Indes françaises. Ce grand-oncle, c'est comme un grand-père pour Ethel, qui a su éveiller la petite fille à la curiosité du monde. Avec cette acquisition, il rêve d'ériger une grande maison en bois, la Maison mauve, au milieu d'un jardin arborescent qu'il possède, suspendu comme une balancelle au-dessus du bruit déjà assourdissant de Paris, là-bas, rue d'Armorique.
Mais oui, c'est un jardin extraordinaire. Au milieu de ce jardin, niche un rossignol.
C'est la douceur de la musique qui commence dans ce Paris exalté.
Il y a le salon des parents d'Ethel. Un salon où la vie s'anime. On parle vivement, on parle fort. On chante, on joue du piano. Les bavardages sont incessants aux oreilles d'Ethel. La politique s'invite, la musique monte crescendo. Nous sommes dans les années 30.
Le temps passe. Le rêve de la Maison mauve s'abîme, ressemble désormais à un amas de vieilles planches pourries sous une bâche noire.
Et puis brusquement, c'est un trou béant creusé dans le jardin...
Le vide vertigineux devant ce trou béant. Le vertige au bord duquel Ethel perd ses dernières illusions. C'est un trou béant creusé dans le monde peuplé d'enchantements d'Ethel. Est-ce ainsi qu'on devient adulte ?
C'est la bête immonde qui gronde, qui s'invite dans ce salon devenu trop bruyant. Le piano est peut-être désaccordé, on n'entend plus que ces notes dissonantes, ou bien ce sont les voix haineuses qui montent, s'élèvent autour de la musique, la musique qui s'emballe.
De temps en temps, le soleil vient comme un écho au bonheur d'avant. C'est alors la Bretagne qui ressemble aux vacances d'été, avec du sable dans les chaussures et du sel encore collé sur la peau.
Faire l'amour sous les pins, sur les dunes qui bordent la plage de Beg-Meil...
Et puis, il y a ce vieux piano désaccordé sur lequel Ethel jouait encore naguère un Nocturne de Chopin. Ce piano qui trône encore pour quelques instants au milieu du salon dévasté.
Ce salon dévasté qui s'apprête à devenir une pièce vide, vide de la gloire, de la jeunesse, des bavardages incessants il y a encore peu de temps.
La bête immonde est désormais là...
La guerre aussi.
La vie reprendra-t-elle un jour son cours normal, et comment après tout cela ?
Sur la route de la débâcle vers le sud devant les restes de la guerre, Ethel qui a vingt ans se demande si elle a seulement été jeune un seul instant.
Puis, la faim...
Survivre.
Le Vél' d'Hiv. La rafle.
Combien de fois n'avons-nous pas vu ces photos d'enfants qui sourient à l'objectif. Ils ne savent pas qu'ils vont mourir quelques jours plus tard.
Comment la vie peut-elle reprendre après cela ?
Paris est une plaie ouverte après la libération.
Et puis c'est le silence, après la dernière note finale.
Des arbres qui poussent, qu'on a replantés ici, des cris d'enfants des cris de joie qui reviennent, le bruit de la vie presque comme avant...
Des couples d'amoureux aux petites gueules bien sympathiques, s'embrassent sur un banc tout près de là, où fut le Vél' d'Hiv... Banc public, banc public...
Et la vie qui revient, plus tard, presque comme avant.
À la fin du livre, Jean-Marie-Gustave Le Clézio écrit ceci : « le Boléro n'est pas une pièce musicale comme les autres. Il est une prophétie. Il raconte l'histoire d'une colère, d'une faim. Quand il s'achève dans la violence, le silence qui s'ensuit est terrible pour les survivants étourdis. »
Qu'est devenue Ethel, jeune fille de vingt ans, après ce désastre du monde ?
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Le Clézio porte en lui, une nostalgie, une langueur des îles qui lui sied à merveille. C'est avec cette douce mélancolie qu'il nous conte l'histoire de Ritournelle de la faim, une approche autobiographique pour nous parler de sa mère, de sa jeunesse dans les rues du quinzième arrondissement de Paris.
Ethel est une fillette, à qui la vie semble sourire, aimée de ce grand -oncle qui l'emmène à l'exposition universelle et se paie la folie d'acheter la Maison Mauve. La construction de cette maison est le rêve de son enfance partagée avec son amie russe désargentée: Xenia.
Chez elle, dans l'appartement de ses parents, l'ambiance est différente, ses parents se déchirent au milieu des volutes de fumée et des rendez-vous dominicaux auxquelles toute la famille et les amis participent. Son adolescence se déroule sous fond de bruit de bottes qui se mettent en route en Allemagne, en Europe.
La guerre et l'occupation l'obligent à fuir avec ses parents à Nice. Là, elle connaîtra les affres de la faim,le doute, la haine et la fureur des hommes.
Son avenir semble incertain jusqu'à son mariage qui l'emmènera au Canada.
Le Clézio nous parle dans la dernière page de son roman de la découverte fabuleuse que fut pour sa mère le boléro de Ravel. Cette pièce musicale raconte l'histoire d'une colère, d'une faim.
Peut-on l'associer à la jeunesse, à la vie d'Ethel?

Certainement, la musique est d'ailleurs une clé importante pour la jeune Ethel dès son plus jeune âge.
J'aime l'écriture de le Clézio, son évocation de mondes perdus, son écriture remplie de poésie. C'est avec plaisir que je continuerai à le découvrir.
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Bon, comment exprimer ma déception, moi petit lecteur anonyme ? Comment dire que le grand Jean-Marie Gustave le Clézio, prix Nobel de Littérature, qui s'ajoute à une longue et virtuose liste de lauréats, comment donc ce « Ritournelle de la faim » n'a jamais susciter la moindre émotion, la moindre empathie ?
C'est surement bien écrit, c'est surement émouvant, touchant, nostalgique, que sais-je encore ?
Mais pour moi c'est l'ennui qui m'a constamment tenu compagnie.
Surement pas le meilleur moyen de donner l'envie de découvrir son oeuvre. Mais bon, je fais mon ronchon, y a des jours comme ça.


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critiques presse (1)
Lecturejeune
17 février 2012
Lecture Jeune, n°129 - mars 2009 - L'histoire dans l'Histoire : Ethel n'a que dix ans lorsqu'elle découvre l'Exposition Coloniale avec son grand-oncle Soliman. Celui-ci éveille pour toujours sa curiosité sur le monde. La petite fille se lie d'amitié avec Xénia, une exilée russe. Les réunions hebdomadaires dans le salon paternel font écho à la catastrophe annoncée : la guerre, précédée par une vague d'antisémitisme. Jusqu'alors, bercée par la confusion des voix, Ethel ne donnait pas de sens aux propos des adultes. Devenue adolescente, elle découvre leur hypocrisie et leur cupidité. Face à l'image négative de ce microcosme social, de cette bourgeoisie d'affaires opportuniste et raciste, la jeune fille se forge une pensée positive. Avec ce personnage emblématique, le roman donne une clef de l'oeuvre de l'auteur : l'adolescence est souvent synonyme de clairvoyance (Ethel rappelle Esther, l'« Étoile errante » qui a fuit la France pour Israël). Ce roman de la mémoire s'inspire de la biographie de la mère de l'auteur. Le portrait maternel émeut et la personnalité de l'écrivain se dessine en creux : « J'ai écrit cette histoire en mémoire d'une jeune fille qui fut malgré elle une héroïne à vingt ans. » Cette jeune fille lutte pour un monde plus juste, honore les valeurs que ne respectent plus les adultes. Ethel est une adolescente idéalisée qui touchera un public de jeunes adultes. ? Cécile Robin-Lapeyre
Lire la critique sur le site : Lecturejeune
Citations et extraits (64) Voir plus Ajouter une citation
Je connais la faim, je l'ai ressentie. Enfant, à la fin de la guerre, je suis avec ceux qui courent sur la route à côté des camions des Américains, je tends mes mains pour attraper les barrettes de chewing-gum, le chocolat, les paquets de pain que les soldats lancent à la volée. Enfant, j'ai une telle soif de gras que je bois l'huile des boîtes de sardines, je lèche avec délices la cuiller d'huile de foie de morue que ma grand-mère me donne pour me fortifier. J'ai un tel besoin de sel que je mange à pleines mains les cristaux de sel gris dans le bocal, à la cuisine.
  Enfant, j'ai goûté pour la première fois au pain blanc. Ce n'est pas la miche du boulanger - ce pain-là, gris plutôt que bis, fait avec de la farine avariée et de la sciure de bois, a failli me tuer quand j'avais trois ans. C'est un pain carré, fait au moule avec de la farine de force, léger, odorant, à la mie aussi blanche que le papier sur lequel j'écris. Et à l'écrire, je sens l'eau à ma bouche, comme si le temps n'était pas passé et que j'étais directement relié à ma petite enfance. La tranche de pain fondant, nuageux, que j'enfonce dans ma bouche et à peine avalée j'en demande encore, encore, et si ma grand-mère ne le rangeait pas dans son armoire fermée à clef, je pourrais le finir en un instant, jusquà en être malade. Sans doute rien ne m'a pareillement satisfait, je n'ai rien goûté depuis qui a comblé à ce point ma faim, qui m'a à ce point rassasié.
  Je mange le Spam américain. Longtemps après, je garde les boîtes de métal ouvertes à la clef, pour en faire des navires de guerre que je peins soigneusement en gris. La pâte rose qu'elles contiennent, frangée de gélatine, au goût légèrement savonneux, me remplit de bonheur. Son odeur de viande fraîche, la fine pellicule de graisse que le pâté laisse sur ma langue, qui tapisse le fond de ma gorge. Plus tard, pour les autres, pour ceux qui n'ont pas connu la faim, ce pâté doit être synonyme d'horreur, de nourriture pour les pauvres. je l'ai retrouvé vigt-cinq ans plus tard au Mexique, au Belize, dans les boutiques de Chetumal, de Felipe Carillo Puerto, d'Orange Walk. Cela s'appelle là-bas carne del diablo, viande du diable. Le même Spam dans sa boîte bleue ornée d'une image qui montre le pâté en tranches sur une feuille de salade. 
  Le lait Carnation aussi. Sans doute distribué dans les centres de la Croix-Rouge; de grandes boîtes cylindriques décorées de l'oeillet carmin. Longtemps, pour moi, c'est la douceur même, la douceur et la richesse. Je puise la poudre blanche à pleines cuillérées que je lèche, à m'en étouffer. Là aussi je puis parler de bonheur. Aucune crème, aucun gâteau, aucun dessert par la suite ne m'aura rendu plus heureux. C'est chaud, compact, à peine salé, cela crisse contre mes dents et les gencives, coule en liquide épais dans ma gorge. 
  Cette faim est en moi. Je ne peux pas l'oublier. Elle met une lumière aigue qui m'empêche d'oublier mon enfance. Sans elle, sans doute n'aurais-je pas gardé mémoire de ce temps, de ces années si longues, à manquer de tout. Etre heureux, c'est n'avoir pas à se souvenir. Ai-je été malheureux ? Je ne sais pas. Simplement, je me souviens un jour de m'être réveillé, de connaître enfin l'émerveillement des sensations rassasiées. Ce pain trop blanc, trop doux, qui sent trop bon, cette huile de poisson qui coule dans ma gorge, ces cristaux de gros sel, ces cuillerées de lait en poudre qui forment une pâte au fond de ma bouche, contre ma langue, c'est quand je commence à vivre. je sors des années grises, j'entre dans la lumière. Je suis libre. J'existe.
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Elle ne ressentait pas vraiment de la tristesse, et pourtant les larmes coulaient sur ses joues et mouillaient l'oreiller, comme un trop-plein qui déborde. Elle s'endormait en pensant que le trou qui la transperçait serait résorbé le lendemain, mais c'était pour constater au réveil que les bords de la plaie restaient aussi éloignés.

On pouvait vivre avec cela, c'était bien plus étonnant. On pouvait aller, venir, faire des choses, sortir aux courses, prendre sa leçon de piano, rencontrer des amis, prendre le thé chez les tantes, coudre à la machine la robe bleue pour le bal de fin d'année à Polytechnique, parler, parler, manger un peu moins, boire de l’alcool en cachette, on pouvait lire des journaux et s’intéresser à la politique, ...........Mais cela ne combler pas le vide, ne refermait pas les lèvres de la plaie, ne remplissait pas l'être de la substance qui s'était vidée, année après année, et qui s'était enfuie dans l'aire.
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Cette longue relation qui avait uni cette femme à son père, avant sa naissance, avant même qu’Alexandre n’ait rencontré Justine. Une autre époque, comme on dirait une autre vie. Un sentiment qui traînait comme un nuage attardé, qui languissait, qui s’étirait tout au long d’une vie, sans avoir de nom, sans avoir d’issue. Et le souvenir d’une présence au sein de la famille, un fantôme de présence, mais ça n’avait pas été un secret pour Éthel, même si personne n’en parlait devant elle. Se pouvait-il que les adultes fussent assez bêtes pour croire qu’une enfant n’était pas capable de comprendre, à demi-mot, à quart de parole, ou même dans le silence ?
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Ethel attendait avec impatience ces parenthèses, elle s'asseyait au piano et elle jouait pour accompagner son père à la flûte, ou au chant. Alexandre Brun avait une belle voix de baryton et, quand il chantait, son accent mauricien s'estompait, se fondait dans la musique et elle pouvait s'imaginer l'île des origines, le balancement des palmes dans les alizés, le bruit de la mer sur les récifs, le chant des martins et des tourterelles au bord des champs de cannes. La cathédrale engloutie devenait un vaisseau sombré au large, dans la baie du Tombeau peut-être, et la cloche qu'on entendait était celle de la dunette sur laquelle un marin fantôme sonnait les quarts.
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Elles se sont embrassées rapidement. Ethel a remarqué le nouveau parfum de Xénia, ou plutôt, a-t-elle corrigé mentalement, l'odeur de son visage, un peu âcre, de la poudre sur ses joues, ou le shampoing à la menthe dans ses cheveux. Une odeur de pauvre, une odeur d'âpreté, de nécessité d'y arriver. C'est ce qu'elle a pensé en marchant vite le long de la rue de Vaugirard et, à l'instant même où cette évidence lui est apparue, confirmée par le contact du corset dur qui se cachait sous la blouse de Xénia, elle a senti ses yeux se remplir de larmes, de honte ou de dépit, des larmes amères en tout cas.
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Vidéo de J.M.G. Le Clézio
Cette semaine, La Grande Librairie s'installe à Marseille et propose une émission exceptionnelle, en public, à l'occasion des Nuits de la lecture et des 10 ans du Mucem. Au coeur de ce musée dédié aux cultures de la Méditerranée, des écrivains, des librairies et des lecteurs pour une soirée dédiée aux mots, aux mille identités de l'espace méditerranéen, et à cette idée que la littérature est toujours un lieu de rencontres, de partage et de commun.
Augustin Trapenard est donc allé à la rencontre du lauréat du prix Nobel 2008 Jean-Marie Gustave le Clézio. Il est venu présenter son dernier ouvrage, "Identité nomade" (Robert Laffont), explorant son parcours d'écrivain, ses voyages et ses affiliations. L'auteur s'interroge également sur le pouvoir de la littérature dans le monde contemporain. Un récit introspectif captivant sur l'essence de l'écriture. le tout, durant une magnifique balade à Nice, ville qui l'a vu naître.
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