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EAN : 9782130583516
624 pages
Presses Universitaires de France (01/03/2012)
3/5   4 notes
Résumé :
Quand peut-il être juste de bombarder au nom des droits de l'homme? La guerre, même juste, fait des victimes civiles. Vaut-il mieux alors tuer ou laisser mourir? Sous le nom d'intervention humanitaire, droit d'ingérence ou responsabilité de protéger, l'intervention militaire justifiée par des raisons humanitaires est l'une des questions les plus brûlantes des relations internationales.

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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Voici un livre que je relis pour la deuxième fois en moins d'un an, tellement il est passionnant et dense en réflexions. En effet, ce sujet fondamental de l' »intervention humanitaire » est extrêmement bien traité par cet auteur, de manière complète et approfondie à la fois. Il utilise dans cet ouvrage un nombre considérable de thèses d'auteurs qui lui permettent d'en déduire ses propres démonstrations et conclusions.
Cette très délicate problématique de l' »intervention humanitaire » est parfaitement bien synthétisée par Monique Canto-Sperber et Geoffrey Robertson (page 1) :
« Tuer des civils pour sauver des civils. » (Note n°1 : M. Canto-Sperber [2010], p. 108.)
« (…) Quand peut-il être juste de déchaîner la terreur contre les terroristes, de bombarder au nom des droits de l'homme, de tuer pour arrêter des crimes contre l'humanité ? ». (Note n°2 : G. Robertson [2006], p. 469.).
Dans cet ouvrage, Jean-Baptiste Jeangène Vilmer ne traite que du sujet de l' »intervention humanitaire », c'est à dire de l'intervention militaire et non des O.N.G. (Organisations non gouvernementales), qui, elles, interviennent dans le domaine de l'assistance humanitaire en nourriture, médicaments, etc., pour venir en aide aux victimes.
Ce sujet essentiel, qui a évolué au fil du temps, relève de différentes appellations suivant : les lieux, les contextes et les époques : « intervention d'humanité » au XIXème siècle ; l' »intervention humanitaire » (humanitarian intervention) dans la tradition anglophone ; en France, le « droit ou devoir d'ingérence » ; et depuis le début du 21ème siècle, la « responsabilité de protéger ou R2P »
Ce puissant ouvrage tourne donc autour de cette complexe, paradoxale et finalement presque insurmontable question : des États peuvent-ils tuer au nom de l'humanité ?

En premier lieu, c'est donc la Souveraineté Nationale qui doit être redéfinie. Elle ne peut plus s'appliquer à notre époque de manière absolue comme ce fut le cas dans le passé, mais uniquement en tant que Souveraineté limitée et conditionnelle. D'ailleurs, très récemment, en 2011, Kofi Annan (Secrétaire Général des Nations Unies entre 1997 et 2006) écrivait à ce sujet (page 4) :
« La souveraineté étatique n'est désormais plus vue comme un bien absolu en soi mais comme un instrument – certes très important – qui n'a de la valeur qu'en tant qu'il est utilisé pour protéger la vie humaine, garantir le respect de la dignité humaine et faire respecter les droits humains ». (Note n°4 : K. Annan [2011], p. 381.).
(…) « La souveraineté ne peut être un bouclier pour protéger ceux qui violent les droits en toute impunité, poursuit Annan. Quant un État échoue à protéger sa population, le communauté internationale doit intervenir et ceux qui sont menacés de génocide, nettoyage ethnique, crimes de guerre ou crimes contre l'humanité ont le droit de compter sur cette aide. » (Note n°6 : K. Annan [2011], p. 382.).
L'aspect fondamental de l' »intervention humanitaire » réside dans le fait qu'intervenir OU NON, peut avoir des conséquences humaines extrêmement importantes. Sur cette question cruciale et complexe de l' »intervention humanitaire » qui, par définition, relève dans chaque cas, d'une situation désespérée, l'objectif ne consiste donc pas à choisir la meilleure solution, mais plutôt de choisir…, le moindre mal…
Plus encore que pour d'autres problématiques, sur ce sujet en particulier, le manichéisme n'a pas de raison d'être étant donné qu'il n'existe jamais de « bonne solution ».
Dans ces cas complexes, seul un jugement à la fois réaliste et prudent peut proposer l'attitude la mieux adaptée à la situation. Car comme écrivait Raymond Aron (page 15) :
« Ce n'est jamais la lutte entre le bien et le mal, disait aussi Aron, c'est le préférable contre le détestable. Il en est toujours ainsi, en particulier en politique étrangère. » (Note n°4 : R. Aron [1981], p. 289-290.).
Une « intervention humanitaire » ne peut être déclenchée que s'il est prouvé qu'un danger imminent et incommensurable, menace une population. À ce moment-là, dans cette situation désespérée, la priorité doit être accordée aux Droits de l'Homme contre une Souveraineté Étatique, qu'elle soit à caractère : Autocratique, Dictatoriale ou Totalitaire.
D'autre part, pour qu'il y ait intervention, il faut systématiquement obtenir le consentement réel des victimes.
Dans le même temps, dès le début de son ouvrage, Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, nous expose le fait qu'une « intervention humanitaire » purement altruiste n'existe pas. En effet, un État n'intervient jamais de manière totalement désintéressée.

Il est grand temps, maintenant, de présenter l'Organisme qui décide ou non des « interventions humanitaires », même si nous verrons qu'il existe également des interventions indépendantes d'États qui sont, par définition…, illégales !
Il s'agit de l'Organisation des Nations Unies (O.N.U.), fondée après la Seconde Guerre Mondiale en 1945 et représentée par ses 193 États, dont seulement cinq y siègent de manière permanente : la France, le Royaume-Uni, la Chine, la Russie et les États-Unis. Ces cinq États possèdent un droit de veto. L'organe de décision de l'O.N.U. est le Conseil de Sécurité (C.S.).
L'O.N.U. est issue de la Société des Nations (S.D.N.) fondée, elle, en 1910.

Après cette longue introduction permettant de présenter le sujet et quelques-unes de ses innombrables problématiques (il ne peut s'agir dans ce commentaire de livre que d'un survol sur un sujet aussi complexe), rentrons maintenant dans le vif du sujet.
D'abord, Jean-Baptiste Jeangène Vilmer dresse un rappel historique du processus de l' »intervention humanitaire ».
L'auteur remonte donc jusqu'à l'Antiquité pour retrouver des exemples d' »interventions humanitaires », soit 2 500 avant J.-C.. À l'inverse de notre situation actuelle, à cette époque où les territoires n'avaient pas de frontières naturelles fixes et clairement définies, la plupart du temps, l'état normal permanent était celui de la guerre. Cet état de guerre permanent était interrompu ponctuellement par des périodes de paix provisoires. Les interventions militaires relevaient alors plus d'expéditions punitives pour châtier les tyrans, que de la préservation du concept encore inexistant des Droits de l'Homme. de plus, ces représentants de Nations belligérantes revendiquaient souvent leurs interventions au nom d'une mission Céleste (Divine).
Ces interventions relevaient donc plus souvent de raisons politiques, égoïstes, hégémoniques, voire esclavagistes…, qu'humanitaires.
C'est au XIXe siècle que les termes d' »intervention humanitaire » et de « droit d'ingérence » apparurent. Il y avait et il y a toujours, deux camps : celui des interventionnistes et des anti-interventionnistes. Les premiers mettent en avant les Droits Humains et les seconds, le principe d'indépendance et de Souveraineté des États. Mais comme nous l'avons précisé dans l'introduction : ce débat ne peut pas être aussi manichéen, puisqu'étant trop complexe car relevant de…, l'Humanité.

Au début du XXe siècle, suite aux colonisations des siècles précédents, la délicate question de l' »intervention humanitaire », posait le risque du soupçon de la volonté Civilisatrice, voire Colonisatrice.
Nous avons également déjà évoqué la fait qu'une « intervention humanitaire » ne peut jamais être totalement désintéressée. C'est ce que nous montre Jean-Baptiste Jeangène Vilmer à travers différents exemples de la fin du XIXe et début du XXe siècle. D'ailleurs pour l'auteur, il faut savoir faire preuve de pragmatisme et surtout de réalisme, car : « intervention humanitaire » et intérêts politiques ne sont pas forcément antagonistes, à partir du moment où les intérêts politiques ne nuisent pas à l'objectif essentiel qui doit rester : humanitaire.
L'avantage de l'intervention collective d'États qui interviennent à travers l'O.N.U., permet de limiter le risque de mise en avant des intérêts individuels. L'inconvénient reste celui du risque de la lenteur des prises de décision et d'action.
Mais comme précisé dans l'introduction, il existe également des interventions hors cadre onusien, notamment, et ce fut souvent le cas dans les années 1970-1980 (page 131) :
« Parce que l'intervention à Stanleyville dans les années 1960, dans le cadre onusien, ne se passe pas très bien, on assiste les décennies suivantes à une phase de non-intervention onusienne : celles de l'Inde au Bangladesh (1971), du Viêt-nam au Cambodge et de la Tanzanie en Ouganda (1979) se font en dehors du cadre onusien. En outre, les intervenants, qui avaient de bonnes raisons d'invoquer des motifs humanitaires, se gardent bien de le faire et invoquent plutôt des raisons plus « légitimes » au regard du droit international (menace contre la paix et la sécurité).
La doctrine interventionniste revient timidement à la fin des années 1980 – y compris, en France, avec l'élaboration du droit d'ingérence, que nous examinerons dans le chapitre suivant. »
Avec la fin de la Guerre-Froide : la dislocation de l'U.R.S.S et du bloc de l'Est ; l'accroissement de l'assistance humanitaire et des Droits de l'Homme ; la Démocratisation dans certains pays du Sud et de l'explosion de l' »effet CNN », c'est-à-dire le développement de l'information dans le monde et directement dans les foyers (télévision, Radio, presse écrite, puis par la suite Internet), les années 1990 reprirent la ligne interventionniste onusienne (pages 133 et 134) :
« L'ensemble de ces facteurs explique que l'on soit passé d'une société internationale plutôt hostile à l'intervention à un climat plus ouvert et favorable ayant conduit à ces années 1990 qui sont unanimement considérées comme une période faste pour l'interventionnisme, avec les exemples du Liberia (1990-1997), de l'Irak du nord (1991), de l'ex-Yougoslavie (1992), de la Somalie (1992-1993), du Rwanda et du Zaïre oriental (1994-1996), d'Haïti (1994-1997), du Sierra Leone (1997), du Kosovo (1999) et du Timor oriental (1999). Ne serait-ce que dans le cadre onusien, la force militaire a été utilisée 56 fois entre 1990 et 2000, contre 22 fois entre 1946 et 1990 (note n°1 : C.Ku et H. Jacobson [2003], p.17) : l'accélération est réelle. Mais si la rhétorique évolue, le droit n'avance pas pour autant : aucune de ces interventions n'a été autorisée par le CS sur la seule base du motif humanitaire. »
Après une timide reprise interventionniste dans la première partie de la décennie 1990, celle-ci augmenta toujours avec prudence (doctrine zéro mort), au Kosovo et au Timor oriental (1999) dans la seconde moitié des années 1990, notamment à cause des tragédies que furent le Rwanda (1994) et la Bosnie (1992-1995).
En 2001, le concept d' »intervention humanitaire » fut remplacé par celui de « responsabilité de protéger ou (R2P) ». Dans la première décennie du 21ème siècle, l'interventionnisme humanitaire fut à nouveau suspendu, au profit des préoccupations sécuritaires liées au Terrorisme Islamiste. D'ailleurs, les États hésitèrent à intervenir au Darfour (2004). Puis l'interventionnisme reprit son cours avec celle, récente, de la Libye en 2011, afin d'aider la population à destituer Mouammar Kadhafi.
En ce qui concerne l'intervention en Irak, en 2003, elle ne relève absolument pas d'une « intervention humanitaire ». L'illégalité de cette intervention par les États-Unis a même affaibli la crédibilité et la légitimité du Conseil de Sécurité (C.S.) de l'O.N.U.. le « syndrome Irakien » est souvent évoqué face à la passivité du drame au Darfour. Condoleezza Rice, alors Secrétaire d'État des États-Unis, déclara même au Président Bush (page 140) :
« Je ne pense pas que vous puissiez envahir un autre pays musulman durant cette administration, même pour la meilleure des raisons ».
Suite au « Printemps Arabe » de 2011, l'interventionnisme humanitaire fut donc remis à l'ordre du jour en ce qui concerna la Libye. En effet, suite au bombardement des manifestants à Tripoli le 21 février 2011, le Conseil de Sécurité (C.S.) estima, à travers sa résolution 1970 du 26 février : « que les attaques systématiques et généralisées » commises « contre la population civile pourraient constituer des crimes contre l'humanité ».
Cette fois-ci le Conseil de Sécurité (C.S.) saisit beaucoup plus rapidement que pour le Darfour (un délai de six mois !), en seulement 10 jours, la Cour Pénale Internationale (C.P.I.). Et deux semaines et demi plus tard, le C.S. vota la résolution 1973 autorisant les États membres demandeurs : « à prendre toutes les mesures nécessaires […] pour protéger les populations et les zones civiles menacées d'attaque en Jamahiriya arabe libyenne, y compris Benghazi, tout en excluant le déploiement d'une force d'occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et sur n'importe quelle partie du territoire libyen ». (Note n°1, page 142 : UN Doc. S/RES/1973 (17 mars 2011), art. 4.).

Au Conseil de Sécurité, contrairement à la « tradition » non-interventionniste de la Chine et de la Russie, il n'y eut aucun veto, ni aucun vote contre, seulement cinq abstentions. L'absence de veto pour s'opposer à l'intervention s'explique principalement par le soutien de la Ligue Arabe et le fait que trois États Africains membres du C.S. (Nigeria, Gabon et Afrique du Sud) ont voté pour cette résolution 1973.
Pour évaluer la menace, le C.S. se basa essentiellement sur les propres propos clairement criminogènes de Kadhafi, n'hésitant pas à annoncer publiquement que… (page 143) :
« (…) des officiers ont été déployés dans toutes les tribus et régions pour purifier toutes les décisions de ces cafards », que « tout Libyen qui prendra les armes contre la Libye sera exécuté » (note n°3 : ABC (Australie), 23 février 2011) et, le jour même de la résolution du CS, appelle ses supporters à « nettoyer la ville de Benghazi » (note n°4 : al Jazeera, Libya Live Blog, 17 mars 2011, 9:01pm). Il est crédible, étant donné son bilan en matière de violations des droits de l'homme depuis des décennies et le fait que les violences auraient déjà fait entre 1 000 et 10 000 victimes en quelques semaines (note n°5 : Estimations de l'ONU et de la CPI. Sur la difficulté de déterminer le nombre de victimes, voir J. Downie [2011]). »
Le contexte gravissime de la Libye semblait donc bien correspondre aux critères d'un « intervention humanitaire ».

P.S. : Vous pouvez consulter ce commentaire, dans son intégralité, sur mon blog :
Lien : https://communismetotalitari..
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critiques presse (1)
NonFiction
29 novembre 2012
Un ouvrage qui offre un parcours dense et cohérent et deviendra certainement une référence incontournable de l’éthique des relations internationales.
Lire la critique sur le site : NonFiction

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