Solo tù

Allez étudier l’histoire, vous vous y sentirez comme chez vous, ça sera moins « compliqué ».

Elle avait pris quelques rondeurs, son visage était plus plein, ce qui lui allait bien. Ses joues roses, qui accentuaient ses yeux d’un vert profond, respiraient la santé. On était bien loin de l’adolescente mal dans sa peau et toujours de noir vêtue que j’avais connue.

Tu vis, tu respires. Tu es vivante. Ça fait mal, vivre fait parfois mal, mais tu es vivante. Imagine une malle à l’intérieur de toi, tu y mets tout ce que tu veux oublier, et tu la fermes avec un cadenas.

Une femme normale et en bon état de marche, sans pièce défectueuse, l’aurait trouvé charmant et lui aurait rendu ses sourires. Une femme comme cette infirmière qui lui lançait des œillades explicites. Mais je n’étais pas une femme normale et j’avais fait une croix sur les relations homme-femme depuis...
Depuis longtemps.
Je n’avais pas le temps avec mon travail de recherche, la thèse est un sacerdoce, on travaille d’arrache-pied pour atteindre le Graal, on s’immerge dans un monde qui n’admet personne d’autre que nous. Du moins, c’était ainsi que je l’avais conçue. Cela m’arrangeait, personne ne devait plus rentrer dans ma bulle, du moins personne de ce genre. De toute façon, mon cœur n’avait pas réagi en sa présence, il s’était contenté du minimum syndical pour me maintenir en vie.
Comme d’habitude.

Pensée positive. Toujours. Rappelle-toi que tu n’es pas seule, que nous t’aimons et que tu as une maison ici. Tu es devenue une femme formidable, capable d’affronter le monde entier, une femme qui est un exemple pour Oriane et un pilier pour moi. Une femme dont le cœur bat tellement fort que je l’entends quand je dors, même si tu ne vis plus ici.

Quand je te dis que parfois, il faut aussi sortir de la malle des choses qu’on pensait sous clé pour toujours, parce qu’elles peuvent te faire du bien et te démontrer que tu n’es pas morte comme tu le prétends.
)

J’étais une femme de vingt-sept après tout, une femme forte qui n’avait pas eu de crise depuis de longues années, qui réussissait à se contrôler, parce que la part d’elle-même qui aurait pu s’effondrer était morte. À chaque fois que j’entendais le nom de cette ville, j’étais terrorisée à l’idée que cette part ne ressuscite, que ses ténèbres ne m’engloutissent une bonne fois pour toutes, que mes dragons ne ressurgissent.

Nathalie me répétait que quand je sentais monter une vague de panique, il fallait que je pense à quelque chose de positif, de lumineux. Qui chasse mes dragons.
Pensée positive.