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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dans ma ville natale, il reste encore quelques séquoias géants que j'ai toujours aimé observer, à une autre échelle que ceux contre les troncs desquels John Muir s'endormait en Californie, je ressens encore néanmoins en passant à côté de ces grands arbres, ces frémissements qu'il a éprouvés au contact de la Nature immense, celle du wilderness, dite de la Grande Sauvagerie par Alexis Jenni.

Celui-ci développe dans ce court ouvrage, trop court car on aimerait rester au plus près de cet homme fantastique le plus longtemps possible, une très belle biographie d'un amoureux de la nature. Il approche le plus intime de John Muir sans se précipiter sur les lieux par lui fréquentés, en s'imprégnant de ses écrits, et le résultat est à la hauteur de cette belle démarche.

Ainsi, de l'Ecosse à la Californie, Alexis Jenni propose une découverte paisible de John Muir, glorifiant ses voyages tranquilles, marchant lentement, ouvrant les yeux immensément devant les merveilles découvertes, retrouvant à travers la peinture l'ambiance apaisante des montagnes, rivières, torrents, cascades, partageant lors de ses rencontres son attachement aux espaces sauvages, jusqu'au Président Theodore Roosevelt qui vint brièvement le rejoindre.

Ainsi est retracée l'enfance familiale presbytérienne, l'opiniâtreté au travail du père et sa justice, la traversée vers l'Amérique et puis, tout à coup, l'éblouissement au Yosemite, la vallée glaciaire, les cascades démesurées, les ours qui surgissent inopinément, chaque journée apportant sa splendeur dans l'attente de la suivante, au sein de ce qu'il ne pourra quasiment plus quitter, la Nature.

Il est aussi question de l'Alaska et de ses espaces glaciaires que Muir prit la peine et le plaisir d'étudier avec soin, mesurant les infimes mais obstinés déplacements de ces masses , entendant les effondrements modifiant le paysage en lui conférant en quelques secondes une nouvelle immobilité pour des siècles, des millénaires peut-être.

L'ascension du mont Shasta, en Californie, est un autre grand moment de la vie de John Muir, réalisée dans des conditions hivernales, sans rien du matériel qui équipe aujourd'hui les ascensionnistes.

Et puis un émouvant retour en Ecosse, famille au complet, pour accompagner la mort du père, revoir la côte, les ruisseaux, une autre nature qui restera à jamais proche de lui.

Enfin, une très belle touche finale sur l'impossibilité de découvrir de nouveaux lieux du monde qui n'aient été déjà foulés, mais avec l'optimisme qui doit animer chacun de nous qui peut accéder à ce qu'Alexis Jenni appelle la petite sauvagerie, pré, herbe, forêt, haie.

Ce livre vous donnera envie de découvrir les écrits de John Muir qui sont abondants, pas toujours traduits en français, mais lire ses propres mots, en utilisant sans doute de temps à autre le dictionnaire, doit favoriser une approche encore plus profonde de cet homme exceptionnel.
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Comme quoi, faire mon ménage en écoutant la radio me permet de voyager très loin, de m'évader et dans le temps et dans des contrées où je ne mettrai jamais les pieds.

Grâce à la rediffusion de la célèbre émission de France Inter « le temps d'un bivouac » animée par Daniel FIEVET, j'ai pu découvrir ce merveilleux découvreur qu'était John MUIR, par le biais de la superbe biographie qu'en a tiré Antonin JENNI à la lecture de ses carnets de voyage.

Il n'a pas eu une enfance idyllique John MUIR, loin de là. On se demande, à la lecture de son enfance, comment il n'a pas sombré. « Ils étaient au bout du monde, ne dépendaient que d'eux-mêmes, et le père n'était pas le genre à penser à autre chose qu'au travail, qu'il voyait comme le seul sain désir qu'un homme puisse avoir, et aussi une juste punition pour rabaisser en lui l'orgueil de vivre. Ils devinrent des machines agricoles, dirigées par la volonté inflexible de leur père. »

… « avec son père, sa mère, ses frères et ses soeurs, ils travaillent en permanence. Lever six heures, coucher vingt heures, pause à midi, la totalité du temps occupé à des tâches agricoles, labourer, semer, récolter, fabriquer, réparer, abattre, débiter, engranger, égrener, dégermer. Rien d'autre. L'été, ils moissonnent par quarante degré et vivent dans leur sueur nuit et jour ; l'hiver, il fait moins vingt, la maison n'est chauffée que d'un fourneau de cuisine minuscule et au matin il faut enfiler des chaussettes raidies de glaçons. »

Mais son amour indéfectible pour la vie sauvage lui a permis de devenir l'homme qu'il fut : le Premier Ecologiste. Bien entendu, cela n'était pas encore d'actualité, mais c'est ce qu'il était.

J'ai accompagné John MUIR dans ses pérégrinations, découvert la sauvagerie de la nature, les sublimes paysages de Californie ou des Rocheuses, des paysages qui, aujourd'hui, n'existent plus tel qu'il a pu les voir de ces yeux. de cela, John MUIR était conscient et s'est battu pour que cette nature ne soit pas dénaturée par les activités humaines. C'est à lui que l'on doit la création du Parc National Yosémite aux Etats-Unis. Je l'ai accompagné à la découverte de l'Arctique et dans bien d'autres voyages.

Il a traversé le monde entier, c'était un inlassable voyageur. Il avait une santé de fer. Et la marche était son moyen de « locomotion » (heu ! de déplacement) de prédilection. Il fuyait les grandes villes et était mal à l'aise dès qu'il y avait un peu de monde ou de bruit autour de lui. Il n'était bien qu'au milieu des grands espaces, entouré par la faune et la flore, les intempéries, la sécheresse, le froid. Rien ne lui faisait peur. Il se nourrissait d'un peu de pain et de fruits et à plusieurs reprises, a manqué mourir. Mais rien ne l'arrêtait, ni la pluie, ni les tempêtes, ni la foudre et les orages. Rien je vous dis. Il vivait tel un vagabond au milieu de la nature.

J'étais triste lorsque j'ai refermé ce livre. Je l'ai lu lentement. On aurait dit que je m'étais adaptée au rythme de vie de John MUIR. Je n'avais pas envie de le quitter. J'aurais encore tant aimé suivre le vagabondage de John MUIR à travers le monde. Merci Monsieur JENNI de m'avoir fait découvrir cet homme au destin incroyable, qui, sans vous, serait tombé dans l'oubli et pour votre écriture poétique qui m'a subjuguée tout au long de cette lecture.
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Inventeur génial dès son plus jeune âge, amoureux de la nature, grand marcheur, il sillonna le monde à pied et fut le premier à percevoir les dangers de l'exploitation de la nature. John Muir aurait pu être millionnaire, il a choisi d'être vagabond. Il a inspiré Alexis Jenni.
Né en Écosse, débarqué à dix ans aux Etats-Unis dans la région des Grands Lacs, il travaille sans relâche dans la ferme familiale, mais lève parfois la tête pour s'émerveiller de la nature environnante. le soir, il invente des machines qu'il présente en ville, dont ce réveil qui le sort automatiquement du lit à l'heure du lever. Très vite, John Muir rejette cette existence de forçat et décide de vivre en autonomie dans la nature. Il quitte le Wisconsin et sillonne le pays à pied jusqu'en Floride, puis rejoint la Californie. Dès lors, il ne cessera de parcourir le monde. Figure mythique aux Etats-Unis, John Muir s'interrogea sur le sens de la vie dans la nouvelle société industrielle et industrieuse et y répondit tout simplement par son mode de vie.

John Muir est un personnage qui m'intrigue, m'attire depuis très longtemps. Ce que je savais de lui avant de dévorer cette biographie, c'est qu'il est un des tout premier écologiste. Hé bien figurez vous que son CV ne s'arrête pas là et si vous voulez résumer John Muir à un fait marquant : il est juste le fondateur du parc Yosemite… Ça pause le Monsieur non ?
Je n'avais lu de lui qu'un seul ouvrage : Un été dans la Sierra Il y raconte une saison de 1869 où il est engagé pour conduire des moutons en transhumance vers la Yosemite Valley. John Muir note tout ce qu'il voit, vagabonde, bavarde avec les bergers, s'enivre de la vie au grand air, de la liberté merveilleuse des campements, le soir. Et plus il monte, plus la nature devient sauvage, plus il est envahi, bouleversé par la beauté du monde. Un été dans la Sierra a un ton, un rythme proprement unique, le charme inimitable des premières fois : cette découverte qu'il nous fait partager, d'une splendeur où tout, plantes, animaux, paysages, semble vouloir concourir à la même exultation. Ce livre, devenu aux Etats-Unis un classique, devait faire de John Muir une légende.
Si la plume de Muir est pure poésie dans ce petit ouvrage, ses autres écrits ont été traduit à la mode d'autrefois et les transcripteurs se sont attaché, voir acharné à leurs donner un style tellement littéraire que je ne parviens pas à entrer dans ses histoires… C'est là que je remercie Alexis Jenni. Il nous propose une biographie comme un conte et met en lumière la tendresse, la passion et l'extrême émerveillement de Muir.
On suit l'enfance de John Muir, les détails qui vont contribuer à faire de lui ce personnage singulier, sa découverte et son amour de la nature, de la foret, des plantes et du Voyage avec un V majuscule. On part de l'Écosse de 1850 pour les États-Unis où sa famille acquière une ferme dans le Wisconsin. C'est le rêve américain, et pour le lecteur : un retour à l'essentiel, à la beauté du monde. C'est merveilleux !
Théodore Roosevelt disait de Muir qu'il est l'homme le plus libre qu'il n'ai jamais rencontré. Et bien l'on ressent cela à chaque page, à chaque souvenir conté. Une simplicité et un amour de la vie qui nous éblouit. On touche parfois à une forme de communion et c'est grandiose.
J'ai rêvé durant toute la lecture. Rêvé de ces paysages encore purs, de cette vie simple et florissante. Rêvé de m'abriter dans le tronc d'un sequoia géant, d'y passer une nuit pour, au petit matin me nourrir de baies et autres cadeaux que la Terre nous octroie. J'ai tant rêve que j'ai préparé un petit sac à dos, troqué mes talons pour des basquettes et, le livre sous le bras, j'ai pris la route. Je voulais faire durer le rêve et finir ma lecture au plus près des sensations de Muir. J'ai posé mon bagage à Prarion, non sans avoir d'abord bravé les pentes d'Isérables… Et je vous promet que les pentes sont pentues…

C'est à Prarion, et dans le domaine de Balavaud, que l'on trouve les plus grands Mélèzes d'Europe.
Certains sont si larges qu'il faut être sept pour en faire le tour…
Certains sont si vieux qu'ils observent le monde depuis 800ans…
Éblouie, bouleversée, émerveillée par cette beauté, j'ai lu les dernières page de la vie de Muir dans le silence de la montagne et j'ai versé quelques larmes d'émotion.
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Alexis Jenni nous présente pour son plus grand bonheur et le nôtre, John Muir, peu connu en France.
Cet homme original, qui a un peu de Léonard de Vinci par ses machines étonnantes, beaucoup d'un aventurier , grand amoureux de nature, des arbres, de la botanique, de la science des glaciers, grand observateur, pionnier de l'écologie, a une vie hors du commun. Grace à son action militante et suite à sa rencontre avec Roosevelt, la vallée du Yosemite a été placée sous gestion fédérale. Il a également fait de nombreuses observations en glaciologie, et il a prouvé que les glaciers sont à la base de la formation de la vallée du Yosemite. Il a démonté les anciennes théories de son époque.
Basé sur les écrits de Muir, l'auteur livre aussi ses nombreuses réflexions personnelles sur l'époque de Muir, sur notre époque, sur l'évolution de la civilisation occidentale. Toutes les phrases de ce livre sont excellentes comme citations.
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J'ai croisé Alexis Jenni au rencontre littéraire de Montmorillon. J'ai un peu discuté avec lui, on a absolument pas parlé de ce livre, mais quand je l'ai vue dans ma librairie, ça m'a bien tenté. Un auteur intéressant qui parle d'un grand naturaliste et explorateur des paysages sauvages de la fin du XIXème.

On m'a fait la remarque que c'était bizarre de lire une biographie d'un auteur dont on avait pas lu de livre. J'ai répondu que ce n'était pas si bizarre que ça... (oui j'ai beaucoup de répartie). Et donc oui, j'ai des bouquins de John Muir dans ma PAL mais pour l'instant je ne les ai pas lu.

Me voilà lancé dans une biographie. Muir est un monstre capable de passer des semaines dans des milieux sauvages, à se nourrir de la beauté des paysages (et de pain). J'ai bien apprécié l'écriture d'Alexis Jenni ainsi que sont découpage. C'est également un ouvrage qui met en avant l'écologie au sens noble du terme, une écologie qui émerge au XIXème siècle mais qui voyait déjà Les limites de la croissance (si je peux me permettre ce parallèle).
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En bon nerdo-geek inculte fier d'être ignare dans tous les domaines sur la littérature blanche (excepté ce noble courant qu'est le RRRRÔMANTISME), je ne suis presque pas les parutions de la littérature générale. Ou plutôt si : de loin en loin, je regarde François Busnel du fond du canapé parental. J'aime ce présentateur populaire, et Dieu sait que c'est rare de ma part, mais voilà : toujours attentif, bienveillant et heureux, il ressemble au genre d'intellectuels que j'aimerais devenir le jour où j'en aurais marre de chanter du Gilles Stella sous la douche. Vient donc le jour où je n'ai pas regardé La grande librairie depuis au moins un an, quand ma soeur m'annonce qu'un gars de sa classe va passer dans son concours de lecture à voix haute. Perplexe, je me rends compte que je n'ai rien à faire de ma soirée, ou que je suis trop épuisé par mon stakhanovisme habituel, et je décide de venir.
La lecture à voix haute n'est pas un exercice facile. Prenez Juan Branco : avec sa voix posée dans la version audio de Crépuscule, il est sans doute ce qui se rapproche le plus de la lecture dans ma tête. Pas d'emphase, pas de cris non signalés par la ponctuation, une simple voix calme sans pour autant tomber dans la monotonie. Mais lorsque vous tentez de réciter un texte, vous vous rendez compte que votre voix ne colle pas avec celle dans que vous vous imaginiez, dans le timbre bien sûr, mais aussi dans les intonations. Et quand vous êtes en public, on attend de vous un minimum de spectacle ; dès lors le texte prend une toute autre dimension. L'idée de François Busnel avait ainsi toutes les chances d'aboutir à un concours d'éloquence.
Et pour être éloquent, il faut donc de la fougue. Exit l'actor's studio et place au jeu shakespearien. Je hausse un sourcil et m'avachis un peu plus entre les coussins. Pourquoi pas, après tout ? Au fil de cette première manche, les prestations d'abord juste bonnes s'améliorent, et je passe au final un moment agréable. Quand soudain arrive le candidat de notre lycée, et là les portes s'ouvrent.
Si vous avez eu la chance de fréquenter le lycée Léonard de Vinci (et plus particulièrement la filière l'avant qu'un guignol à lunettes décide de détruire l'Éducation nationale), vous connaissez ce type très particulier d'élève malin, qui a su tirer le meilleur de son établissement chouchouté par Laurent Wauquiez. Il a des notes nettement meilleures que la moyenne, il a des rêves d'artiste, est bien souvent cheveux au vent, dressant de grands projets avec son cercle d'amis et squatte moins souvent que les autres la remise de la salle d'arts plastiques pour y sniffer les pistolets à colle. Ce sont des gens charismatiques qui redonnent foi en la jeunesse, qui ont ce génie vibrant dans l'âme que les circonstances socioculturelles si endémiques ont bien voulu lui offrir. Une admiration se dégage tout naturellement d'eux. On sent qu'ils seront les meilleurs, souvent pas de beaucoup, mais qu'ils ont cette étincelle qui forme les grandes aventures — et pour certains les grandes amitiés.
Je n'ai pas eu la chance de connaître Gaspard, mais qu'importe : « Les rencontres sont toujours décevantes », a dit un jour Deleuze. Oui, qu'importe car il s'élance, tenant déjà dans sa main un très fort atout : un livre de Sylvie Germain. Et là… se fait sentir un souffle. Une sensation comparable aux meilleures déclamations de Feu ! Chatterton, une sorte de transe sacrée élevant l'esprit mais plus encore l'âme. Pendant deux minutes, moi, mon frère, et peut-être même ma soeur habituée à ses répétitions, nous restons là, bluffés.
Alors les jours suivants, peu à peu je commence à lire à voix haute. Ce sont d'abord des philosophes matérialistes, Marx et Engels dont j'entame enfin la bibliographie, et dont pourtant se dégagent désormais des allures épiques ; puis je commence une longue promenade liseuse en poche vers la forêt de Miaune. Un peu d'un feu que je croyais mort en moi refait timidement surface. Alors que je quitte cette montagne touffue, je me perds un moment parmi l'immense campagne écrasée par le soleil qui se dresse autour. Presque aucun habitant, seulement les champs, la marche, et les griffures d'ortie. Je n'ai pas préparé suffisamment d'eau, ni même de nourriture. Je m'assieds sur un rocher dans un petit bois longeant une départementale, et je m'estime suffisamment épuisé pour pouvoir me plonger intensément dans un texte. D'abord, je refuse de lire à nouveau à voix haute. Puis je me rends compte que je ne parviendrai pas autrement à faire sortir l'âme du récit.
En cette fin d'année sortira sur le blog la mini-critique d'un livre que j'ai attendu une décennie pour pouvoir lire, le livre secret des elfes, de Katherine Quenot et (surtout) Civiello. Il y aurait beaucoup de choses à redire, mais j'apprécie profondément l'idée de ces créatures tapies au fond des bois, étranges et fascinées par des humains. Les détenteurs de royaumes infinis cachés dans l'écorce d'un sapin ou derrière la racine d'un chêne. D'autres portes.
Ce jour-là, au milieu d'une forêt comme il y en a tant dans l'Auvergne, sous le soleil d'une Haute-Loire s'ouvrant à l'été, j'ai lu pour les elfes.
Mais qu'est-ce que j'ai lu, exactement ? Une biographie qui n'intéressera pas grand-monde sous nos latitudes. Et ce qui n'intéresse pas m'intéresse. Plus particulièrement quand il s'agit de la vie d'un vagabond. Si vous vous souvenez bien, il y a un an de ça, j'avais posté sur mon blog une série d'articles montrant tout mon intérêt pour la pérégrination. Plus que toute autre chose finalement, dans une musique électronique ou une oeuvre d'Imaginaire (qui constituent l'immense majorité de ce que je poste sur le blog), c'est le voyage que je cherche, l'aventure, quelque chose qui m'arrache pour de bon à mon objectivité d'ordinaire. L'art n'a pas à être entièrement rationnel ; et l'art, dans une certaine mesure, vient également guider nos vies.
John Muir est donc une légende étasunienne, un voyageur et aventurier qui a aussi été scientifique, écrivain et philosophe au passage. Il a sillonné le monde, accompagné des missionnaires, participé aux tout premiers combats écologistes, a refusé de simplement participer à la religion du progrès technique qui trouvait son âge d'or dans le XIXe siècle. Il est en quelque sorte l'anti-John Galt, car il a refusé la gloire et l'enrichissement personnels pour une ouverture aux gens et à la nature, quand bien même le succès se trouvait à portée de main ; il est allé jusqu'à vivre dans l'ascétisme le plus total pour poursuivre ses rêves. Durant ces 350 pages sur liseuse, il s'est révélé un modèle de culture, d'ouverture et de détermination.
Le sujet est donc excellent, mais qu'en est-il du livre ? Alexis Jenni veut rendre au personnage un hommage tout particulier ; plutôt que de prendre un ton universitaire, il va au contraire délibérément se faire le plus subjectif possible et comparer l'existence de son héros avec la sienne, afin de raconter SON John Muir. Mais l'exercice a parfois ses limites : un coup on a de grandes envolées lyriques, un autre ce sont des phrases toutes simples simplement juxtaposées à la Jean-Michel Jarre. La notion d'« animisme chrétien » revient également souvent, quitte à se répéter. Je pourrais également pointer les différentes références à la pop-culture qui paraissent souvent anachroniques ou hors de propos, mais après tout il y en a de nombreuses plus érudites.
Malgré ça, le texte parvient à emporter : par ses descriptions amoureuses de la nature, sa fidélité aux grandes thématiques développées par Muir, ou encore son regret élégiaque d'un temps où le monde était plus sauvage, Alexis Jenni livre un témoignage sincère et poignant, ne s'éternisant jamais et tout à fait accessible. On regrettera juste le prix sur papier (22€ les 200 pages, comme j'ai l'habitude de dire, même Bragelonne nous a pas fait ce coup-là).
Alors qu'en est-il des concours de lecture, au final ? Ils viennent reconnecter le récit à l'oral, établir dans notre société une trêve entre celui-ci et l'écrit tout-puissant. le jeu est parfois grandiloquent, et alors ? Les lecteurs à voix haute sont les bardes des temps modernes. Ils sont ceux qui viennent donner du sens à l'éloquence, cette version de salon de la rhétorique, un sens esthétique, là où celle-ci s'était débarrassée de son versant politique. Nous avons besoin de ces moments entourés de conte et de conteurs, par des lecteurs nous soulevant aussi bien que des auteurs nous emportant. Et pour cela, je remercie aussi bien Alexis Jenni que Gaspard.
Mais nous avons plus encore besoin de nous éloigner de la civilisation, ou du moins de cette civilisation de plus en plus imposante, uniforme et médiocre. Il nous faut chanter à nouveau la nature, communier avec l'être biologique et ses illogismes somptueux. Nous sommes déjà mentalement des machines ; bientôt, à en croire les prophètes transhumanistes, nous en serons physiquement. Retrouvons le goût de l'effort, du dépassement, de la beauté qui nous surprend dans nos moments austères ; car la vie ne retrouve son sens que lorsqu'on danse sur ses limites. Retrouvons, avant tout, nos rêves d'enfants voyageurs, du temps où nous voulions découvrir l'Afrique et l'Amérique du Sud. Cette expérience est possible par le vagabondage ; elle l'est aussi par ce livre. Et pour cela, je remercie aussi bien les elfes que John Muir.
Ce mois de juin aura été très chaotique, mais en tout cas il s'achève en beauté ! J'aurais tout le temps de vous barber avec tous mes nouveaux problèmes à l'occasion ; ce soir, c'est la fête ! le retour des beaux jours s'annonce (et du Nexus VI, du NEXUS VI, flûtin !), avec des projets entre amis, des fêtes qui s'annoncent grandioses, et toujours la rage de faire déferler le Beau chez ces élèves si particuliers du lycée Léonard de Vinci : ceux qui rêvent de toujours plus de culture.
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Quel triste titre pour une vie si extraordinaire ! Au début du récit, l'auteur nous indique que le livre aurait pu s'intituler "L'émerveillement" et cela aurait très certainement mieux rendu compte de ce que le lecteur pouvait attendre de ce livre et été plus en adéquation avec le tempérament de cet homme inclassable et enthousiasmant qu'est John Muir. le titre retenu laisse à penser que nous pourrions découvrir l'histoire d'un destin marginal sur la trajectoire d'une ascension à la mode capitaliste. Je m'attendais à lire le récit d'un ancien entrepreneur à qui tout réussi mais qui choisi de vivre dans la rue. Je pensais suivre le parcours d'une rupture sociale choisie. Je n'avais pas lu la quatrième de couverture.

Finalement, il n'est pas vraiment question de réussite sociale, de sécurité financière, d'Economie ni de classes sociales. le sujet de ce récit est la Nature, la Sauvagerie au sens de sa toute puissance, de son caractère entier, magique et envoûtant. Ce récit nous transporte aux côtés de John Muir, un jeune homme travailleur et courageux, intelligent et sensible, pris de passion pour la Nature. Très vite, alors que sa curiosité et son intelligence lui permettraient de trouver un emploi d'ingénieur ou de botaniste, il part à la découverte des grands espaces américains. Nous entrons dans la seconde moitié du XIXème siècle : tout est possible aux Etats-Unis. La prospérité, le commerce, le développement de l'entreprise, les innovations, mais aussi la découverte des Grands Espaces vierges, encore pour quelques années, de toute trace de l'Homme Blanc. Alexis Jenni nous parle de la joie qu'éprouve John Muir à découvrir ces univers magiques, comment il ne fait qu'un avec la nature qui l'entoure. L'auteur en parle d'autant mieux qu'on sent bien combien il a pu lui aussi ressentir cette plénitude, cette toute puissance, cette énergie vitale, à se trouver en ces lieux éloignés de toute vie humaine. Il nous parle avec beaucoup de talent, d'émotion et de justesse de sa passion pour la Nature et pour John Muir, un personnage remarquable.

Car si cet Ecossais arrivé en Amérique avec sa famille à l'âge de 10 ans est passionné par la nature et vit dans les grands espaces, loin des villes, se déplace à pieds pendant des journées et des nuits entières, il ne méprise pas pour autant les humains. Au contraire, il les aime. Il aime converser avec eux, débattre, il publie des articles dans des revues reconnues... Il apprécie de partager sa route avec des voyageurs passionnés de nature et d'espaces vierges. Mais quand ses compagnons reviennent rapidement à l'hôtel et dans leur maison, lui s'enfonce toujours plus loin dans les montagnes et les forêts. J'ai aimé que ce John Muir ne soit pas un sauvage, asocial et isolé du monde. J'ai aimé qu'il trouve quand même le moyen de se marier, même si on se demande bien comment il a pu trouver l'âme soeur.

Cette biographie est un magnifique hommage à la Nature, à un monde qui n'existe plus aujourd'hui, depuis que l'Homme a mis sa main partout, maintenant que tout a été découvert, montré, saccagé. Néanmoins, comme le dit Alexis Jenni, on peut encore trouver aujourd'hui ces émotions vraies et si fortes. Nul besoin d'aller dans le parc national du Yosemite où les touristes se bousculent, pour le ressentir. Au contraire d'ailleurs. Que ressentez vous au Cirque de Gavarnie quand vous arrivez au bout après avoir cheminé avec des centaines de touristes, à pieds, à cheval ou à dos d'âne, ramassant les fleurs et déposant leurs déchets sur le sentier bien aménagé pour éviter une trop grande fatigue ? Difficile de se laisser envoûter par le spectacle dans un environnement grouillant et bruyant. Mais si vous vous éloignez des chemins trop touristiques, vous prendrez plaisir à écouter le silence et prendrez le temps de voir vraiment la nature qui vous entoure. Vous pourrez même y voir quelques isards et autres marmottes. Vous ressentirez très certainement plus d'émotions et regardant une famille de renards jouer dans un champ à l'orée d'un bois, qu'à vous prendre en photo à côté de la grande cascade "en se contorsionnant pour laisser penser qu'on y est seul", comme le dit avec beaucoup d'humour Alexis Jenni.

Bref, ce livre est très riche et très inspirant (c'était le thème de ce nouveau rendez-vous du Comité de lecteurs, les "biographies inspirantes"). Il y est question d'émerveillement, d'amour, de passion pour la nature, d'environnement aussi bien sûr, d'écologie, à la fin de la vie de Muir, des dégâts du tourisme, de la surexploitation des richesses - que dire de ces forêts de séquoias qui ont disparu pour assouvir la soif de richesses de quelques uns. Il y est aussi question d'humanité, car John Muir est quelqu'un d'empathique et bienveillant. Il est aussi question de connaissances et de Culture, de tous ces auteurs qui accompagnent le parcours de John Muir. On y trouve un petit goût de Jules Verne : ils ne se connaissent sans doute pas mais vivent dans cette même époque où la science accélère, où les découvertes tiennent en haleine les nombreux lecteurs de revues littéraires ou scientifiques. Tout est possible. Tout était alors possible, le meilleur comme le pire.

John Muir n'est, malheureusement, pas connu en France. Et c'est bien dommage. Mais il est une figure de l'Histoire américaine, reconnu pour son engagement et sa sincérité. Bien loin d'être un sauvage, il est un homme passionné, rêveur, sociable... un personnage attachant et captivant que l'on quitte avec regrets à la fin de ces 220 pages. Je pense que je le recroiserai dans de futures lectures, celles de ses propres textes. En attendant, je ne pouvais pas ne pas partager avec vous mon enthousiasme pour ce livre et ce personnage.
Lien : https://itzamna-librairie.bl..
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10 le Hibook a lu « J'aurais pu devenir millionnaire,j'ai choisi d'être vagabond » d'Alexis Jenni. J'ai entrepris cette lecture après la rencontre avec l'auteur ménagée par la Nouvelle Librairie Baume . Alexis Jenni m'avait séduit par sa verve et son enthousiasme et la lecture de son ouvrage ne fait qu'amplifier cette impression première. N'attendez pas une biographie universitaire bourrée de références et de notes savantes : le texte, ne vise qu'à faire partager au lecteur l'intérêt et la sympathie qu'il éprouve pour son sujet. Il faut dire que John Muir c'est du haut de gamme ! Pour brosser le portrait de cet incroyable personnage , Jenni évoque avec pudeur et délicatesse sa propre expérience (d'enfance principalement) et surtout use d'un style fluide ,poétique et plein d'humour qui fait de ce livre une expérience de lecture heureuse et donne envie (c'est le but) de lire les textes du « dieu des enfants grimpeurs et casse-cou » : John Muir.
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Que voici un essai plaisant à lire ! D' ailleurs, j'ai cru un temps lire un roman, tant la plume est jolie !
Je pense que c'est un très bel hommage à John Muir, c'est un texte plein de respect et d'admiration pour ce grand homme mais aussi pour ce qu'il a aimé par-dessus tout.
C'est plein de poésie, de sensibilité, de délicatesse. Et ça fait du bien !
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Ce livre aurait pu être une biographie
Mais l'auteur a choisi d'en faire un récit qui mêle des éléments biographiques de la vie de John Muir à des ses propres réflexions.

Ce livre est écrit comme un vagabondage entre le passé et le présent. On y trouve des citations de Muir, des dialogues savoureux et plein d'humour, des anecdotes historiques, des réflexions de l'auteur sur différents sujets.

C'est un roman sur la Création et l'émerveillement (la création de l'écrivain, la création de la Nature et l'émerveillement de l'homme face à ces créations)

C'est très agréable à lire, un peu déstabilisant au début. Et ça donne envie de lire John Muir parce que :: "c'est Muir qu'il faut lire, rien d'autre."
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