Jens Christian GrondahlBruits du coeur
roman Gallimard 1999 2002 267p
traduit du danois par
Alain Gnaedig
le ton est mélancolique. le temps a passé, et passe encore quand la mort l'arrête et rappelle des moments du passé, avec des sentiments de culpabilité et d'incompréhension. Finalement c'est une enquête que mène le narrateur à la première personne qui vit à Copenhague, un homme de 39 ans dont celui qui fut son meilleur ami , Adrian, de deux semaines son aîné, vient de mourir d'une crise cardiaque, de stress, dit sa soeur Ariane, en lui laissant de son vivant une lettre dans laquelle il lui écrit qu'il a besoin de lui dire quelque chose que lui seul comprendra. A la dernière de leurs rencontres, il lui a répété par deux fois qu'il aimerait bien être à sa place.
Le narrateur est un homme chauve, plutôt perdu, père d'un fils de 13 ans, qui , après avoir quitté l'architecture, se passionne pour les estampes japonaises, parce qu'elles sont des « peintures du monde flottant », notamment celles de Hiroshige très doué pour le sens du détail, que partageait sa compagne Julie qui aimait à citer cette phrase : « Dieu est dans les détails. »
Adrian vient d'un milieu aristocratique, vivant entre une mère complètement déprimée depuis le départ de son mari, et sa soeur plus âgée de quatre ans, qui se révèle une brillante pianiste, mais qui n'atteindra jamais l'élite des virtuoses. le frère et la soeur vivent très librement. A 12 ans, le narrateur, issu d'un milieu nettement plus pauvre, dont le père alcoolique qui tient vaguement un hôtel de passe a été plaqué par sa mère laquelle n'a jamais connu de relations sentimentales épanouissantes, nourrit des sentiments amoureux pour Ariane.
Les enfants grandissent, ne deviennent pas ce qu'ils rêvaient d'être, Adrian séduit beaucoup de femmes et s'enfonce dans l'alcool et s'enfuit à New York, Ariane couche avec le narrateur. Un soir de forte ivresse, Adrian rencontre sa soeur et le narrateur est témoin de cette rencontre déstabilisante.
Les scènes que le narrateur se rappelle sont imprégnées de la lumière, des reflets, des gestes qui les accompagnaient. le narrateur se situe davantage dans l'observation des choses que dans l'action. Il est à l'écart de sa vie, toujours disponible pour un nouvel avenir dont il ne pressent pas grand-chose, peut-être parce qu'il n'a pas su garder Ariane, même si leurs corps ne s'accordent guère. le Danemark fut aussi le pays du prince Hamlet qui s'interrogeait sur l'existence.
C'est la vie comme elle passe, celle de tout un chacun, la nôtre assurément, et les
bruits du coeur des personnages résonnent en rythme avec les nôtres dans un quotidien qui se ressemble pour faire entendre le temps qui passe en portant des moments heureux et malheureux. Rien n'est jamais définitivement fixé. de celui dont le coeur ne bat plus, on aura aussi la clef du secret, dont les trois personnages principaux hésitaient à ouvrir la porte. Une amitié a desserré ses liens, et reprend autrement quand les liens desserrés s'accrochent à d'autres que tend, dans ses hasards, la vie.
L'écriture de ce livre est tissée de simplicité et de sincérité. On se prend de sympathie pour le narrateur de petite taille qui essaie de se trouver une place dans sa vie. La lecture, motivée dès les premières lignes, remue et implique.