La plus délurée de tous, cependant, était certainement la vieille pocharde. Elle venait dans ce petit troquet tous les jours dans l’après-midi, vêtue de haillons comme une mendiante, les cheveux en bataille, le visage noir de crasse ; personne n’aurait pu dire à quoi elle ressemblait vraiment, et encore moins comment elle s’appelait, mais personne n’aurait contesté qu’elle était l’ivrogne numéro un de l’endroit, on l’avait donc surnommée « Mère pocharde ». Dès qu’elle était entrée, elle commençait toujours par sortir de dessous sa veste un petit paquet carré enveloppé dans du tissu, à l’intérieur duquel, quand elle l’ouvrait, apparaissait un autre petit paquet, enveloppé, lui, dans du papier journal, lequel, une fois ouvert, révélait à son tour un emballage de papier soie, comme pour protéger quelque précieuse broche de jade. À l’intérieur, cependant, il n’y avait que vingt centimes ! Elle les faisait glisser sur le comptoir, en échange de quoi le tenancier du troquet lui versait un demi bol de son tord-boyaux.
– Feng Jicai, "La mère pocharde" (Jentayu 5, "Woks et Marmites")
Concentrant son regard, il vit droit devant un vieillard à mine respectable, assis sur son âne. Békech le reconnut peu à peu et, descendant de son cheval du côté de la pente, il attacha le rapace à sa selle. Il se dirigea vers le vieillard et le salua : « Assalomou Aleïkoum ! » Sans descendre de son âne, le vieillard sourit de sa bouche édentée et prononça ces paroles : « Mais quel gaillard ! Tu es bien Békech, le fils adoptif de Baïssal le manastchi, n’est-ce pas ? » « Votre œil est perçant et votre parole juste », lui répondit Békech, se rappelant que c’était bien Chapak le manastchi, qui avait logé Dapan dans la grotte où il vivait.
« C’est Dieu qui nous envoie nos hôtes ! J’avais bien reçu un message : ma paupière ne cessait de me démanger, maintenant je comprends mieux pourquoi ! » dit Chapak, et sans se perdre en paroles inutiles, il les mena sur le sentier étroit jusqu’à sa grotte.
– Hamid Ismaïlov, "Manastchi" (Jentayu 5, "Woks et Marmites")
On ne déconne pas avec le durian. Chaque année, quelqu’un est tué quand un de ces fruits lourds, odorants et épineux tombe d’un arbre, comme si les dieux prévenaient leurs nombreux détracteurs de ne pas trop les dénigrer. Cependant, cela n’empêche pas les gens d’en dire du mal. J’ai entendu dire que Ravana, le célèbre roi des démons dans le poème épique hindou du Ramayana, était décrit comme étant si laid que « son visage ressemblait à un durian ». Les Allemands nomment simplement ce fruit « le fruit qui pue ». Et si vous êtes déjà venu en Malaisie, vous avez sans doute remarqué que les hôtels affichent un panneau indiquant « PAS DE DURIANS » à l’accueil.
– Omar Musa, "Le Roi des fruits" (Jentayu 5, "Woks et Marmites")