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L'empereur Julien a toujours excité les passions et l'imagination. Sa mort même a inspiré des légendes, noires ou dorées, suivant la religion des biographes. « Un Julien de plus !... », dira-t-on. Mais la tâche était d'autant moins aisée que, depuis l'abbé de la Bletterie (au temps deVoltaire), le sujet est rebattu. Est-ce à dire qu'on en connaît mieux Julien « dit l'Apostat » ? le mérite de L. Jerphagnon est de nous en proposer une analyse pour ainsi dire intime, de nous aider à comprendre Julien de l'intérieur, depuis l'enfance, en raison même de cette enfance orpheline, mais nourrie d'Homère par l'excellent Mardonios, comblée de soleil et de nuits étoilées, d'arbres, de vignes et de senteurs dans le jardin d'Astakia. Ce livre n'a rien d'une réhabilitation apologétique. L'auteur décèle et démasque sans complaisance les graves défauts de cet « adolescent prolongé », de ce « khagneux » pédant et naïf comme une colombe, de ce moine païen si peu philosophe au fond, malgré le surnom qu'on lui a donné (pour le distinguer du minable Dide-Julien). Mais L. Jerphagnon souligne aussi très justement sa sincérité. Il nous explique le personnage dans toute sa complexité biographique et intellectuelle. Convaincu d'avoir été prédestiné par les dieux (surtout par le Soleil qu'adoraient ses ancêtres) et investi d'une mission pour guérir le monde romain, Julien a tenté une « révolution culturelle » avec toute l'ardeur qui animait son « totalitarisme spéculatif ». Même dans sa campagne malheureuse et mortelle contre les Perses, c'était « la philosophie grecque, bottée et casquée » qui était censée marcher contre l'ennemi. Trop Romain pour les Grecs, trop Grec pour les Romains, ce passéiste sublime dérangeait autant les païens que les chrétiens. Son paganisme inquiet, bardé d'occultisme, de théurgie et de néoplatonisme mal assimilé, ne ressemblait guère à celui du « divin Jamblique », dont Julien se réclame intensément. Quelques portraits approfondis et nuancés nous éclairent indirectement ou par contraste celui de l'héroïque réactionnaire : Constance II, un « grand patron », quoique antipathique ; la belle et stérile Eusébie, ambiguë et redoutable ; le vieux Libanios, toujours enthousiaste et pourtant modéré. Avec toute sa sympathie critique, L. Jerphagnon nous offre donc un Julien plus attachant que celui des laudateurs inconditionnels, un Julien revécu au jour le jour, jusqu'au jour où « la nuit tombait doucement sur ses rêves ». Vif et vibrant, ce livre se lit d'un trait. Lien : https://www.lucienjerphagnon.. + Lire la suite |