Jolie illustration de la friabilité du concept d'identité.
Brillante chorégraphie de l'ennui matrimonial, social, professionnel : au fur et à mesure que Jacques Valin fait ce qu'il "se doit" de faire, "comme tout le monde", qu'il s'entend dire "oui" (au travail, à sa chérie, à l'officier de l'état civil), et obéir à la bienséance, les rôles endossés tels des habits trop serrés craquellent et laissent pénétrer un doux désespoir, la soif de solitude, l'envie de disparaître de soi, le blanc de l'être. Les marées de l'ennui qui viennent lécher toute la surface de la vie quotidienne dépouillent de plus en plus son âme. Nudité insoutenable et incompréhensible aux yeux des autres, génératrice des situations comiques, mais le plus souvent, gentiment grotesques.
Suite au conseil avisé d'un ami, je me suis fait plaisir à voir le film et à lire la nouvelle d'
Alain Jessua (que je ne connaissais que dans sa posture de cinéaste) pendant un même après-midi, et j'ai pu détecter ce que l'auteur a choisi d'éluder dans le film de 1964. Il semble avoir voulu rendre la pellicule assez consensuelle et synthétique, jusqu'à obtenir un essai en blanc et noir, un exercice de style sur un cas de dissolution irrésistible.
On suit Jacques Valin happé inéluctablement et voluptueusement par le vide : une personne qui se retrouve heureuse en devenant personne.
Un non-héros qu'on ne saurait juger, mais regarder avec de la sympathie.
Douce-amère.