Cher Leader

Après ses majeutueuses injonctions du début, la façon dont il parle à table achève de me dérouter. Il emploie un argot des plus ordinaires. Dans tous les livres, dans tous les discours qui reprennent ses paroles, dont j'ai été abreuvé depuis mon enfance, ses citations représentent non seulement un exemple parfait de la syntaxe mais elles révèlent aussi la réalité de notre patrie. Le langage du Cher Leader est toujours élégant, magnifique et, par-dessus tout, courtois envers son peuple. Pourtant, cet après-midi, il emmêle sujet et attribut. Pas une fois il n'appelle quiconque "camarade" mais interpelle les cadres par un "toi" tonitruant, quand ce n'est pas "gamin !". Je ne comprends pas.

Quiconque produirait une oeuvre qui ne lui aurait pas été recommandée à travers cette voie hiérarchique est, par définition, coupable de trahison. Tous les ouvrages doivent être conçus en fonction d'une demande spécifique du Parti des travailleurs. Une fois que l'écrivian a rendu son travail, celui-ci doit alors être légalement approuvé avant de se voir accepté comme une oeuvre nouvelle. Bien entendu, les meilleurs auteurs sont récompensés en conséquence. le rôle d'un écrivain nord-coréen consiste à trouver la meilleure formulation possible de l'idée, selon une combinaison d'exigences esthétiques déterminées par avance et en accord avec le Parti des travailleurs.

Une Division des cadavres ?... À partir de 1996, lorsque même les rations de Pyongyang s'amenuisèrent, le Parti finit par se résoudre à ouvrir son marché à la Chine afin de laisser entrer farine et maïs. Ce qui n'empêche pas les habitants de mourir de faim, quand ce n'était pas de froid, mais on ne pouvait abandonner leurs cadavres dans la rue comme dans le reste du pays: Pyongyang restait la vitrine de la Corée du Nord de Kim Il-sung et Kim Jong-il pour les visiteurs étrangers et il fallait sauver les apparences à tout prix.

Ce furent les produits japonais apportés avec eux qui eurent le plus grand impact. Considérés comme merveilleux dans le monde entier, ils demeuraient totalement inconnus du Nord Coréen moyen. Jusque-là, celui-ci croyait que ce qui provenait du socialisme de Kim Il-sung surpassait tout ce qui se fabriquait dans le monde. Et voilà qu'il se trouvait confronté à l'avancée du progrès au Japon.