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Thierry Jobard (Autre)
EAN : 9782374252711
112 pages
Rue de l'échiquier (08/04/2021)
3.69/5   47 notes
Résumé :
« Le bonheur, c'est maintenant »
« Vous êtes votre meilleur ami »

La mode du « développement personnel » ne se dément pas. Sans cesse, nous subissons une injonction à nous libérer de nos croyances limitantes et à acquérir un « surplus d'être » pour devenir un meilleur individu. Bien sûr, on pourrait penser qu'il n'y a là que de bonnes intentions : qui refuserait une version améliorée de soi-même ? Mais derrière les discours sucrés et inoffensif... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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Ça ne peut pas faire de mal ?
Outre l'arnaque de nous faire croire que le bonheur est une aventure individuelle, qui vient de son "moi intérieur", ignorant la société et l'inconscient, le développement personnel est surtout un prêt-à-penser patronal pour un "management humain" vers plus de productivité dans une félicité aveugle. Ahurissant !

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Qui n'a jamais eu besoin ou recours à un petit bouquin de développement personnel ? Pour se faire du bien, pour mieux se comprendre, pour répondre à la petite question enquiquinante du pourquoi-ca-va-pas qui tourne dans la tête depuis plusieurs jours… Je serai bien mal placée pour être critique, j'ai mon petit rayon à la maison.
Paradoxalement, j'en ai lu très peu ; et ce pour la simple raison que bien souvent, le titre me suffit. Ainsi, le filet de sécurité est déployé : si je vais moins bien, la porte de sortie sera là. Cool non ? Et facile. Trop facile même... Tant d'ouvrages pour nous aider à aller mieux, est-ce vraiment pour notre bien ?

C'est tout le problème posé par Thierry Jobard dans ce court essai au titre explicite « Contre le développement personnel ». Alors, de quoi parle t-on exactement  ? de retour sur soi, de réalisation d'objectifs pour une meilleure estime de soi, de bien-être… Soit. Mais comment, comment aller à la rencontre de soi-même ? Et bien, en suivant les conseils dispensés par les auteurs spécialistes du genre qui nous débroussaillent le chemin vers la connaissance de soi !
Et voilà que cela se complique : si je m'applique consciencieusement, comme tous les lecteurs, à suivre les mêmes conseils et mantras généreusement distribués, en quoi cela va-t-il m'aider à véritablement me découvrir moi-même. Ne sommes-nous pas tous des êtres uniques et différenciés ? Voilà donc ce que le développement personnel (DP) nous enseigne : à devenir autonomes sur l'exercice de la recherche du bonheur. Mais au final, pour reprendre les mots de l'auteur, le DP risquerait d'instaurer un « nouveau mode de gestion des émotions, de l'intériorité par l'autocontrôle et l'autosurveillance » prenant « l'aspect d'une liberté de se sentir mieux ».

Aie. Ça ne se présente pas très bien cette affaire.
C'est ma psy qui va être soulagée. Je promets de persister à travailler, non en toute conscience, mais bien en lien avec mon inconscient ;)

Mais il n'y a pas que le perso dans la vie, il y a le boulot aussi. Et ce que Thierry Jobard veut démontrer, c'est que le DP est aussi présent dans la vie professionnelle, joue un rôle dans l'entreprise au sens large du terme. Je vous conseille d'ailleurs de taper DP dans un moteur de recherche et vous trouverez de suite la notion de DP professionnel ou « comment utiliser ou adapter des techniques et ressources du développement personnel au monde de l'entreprise ».
Et voilà que ça s'aggrave : qui n'a pas entendu parler de ces nouvelles notions : compétences, savoir-être, soft skills ? Tous ces termes qui viennent re-définir notre rapport au travail, nous faire envisager sous un autre angle l'atteinte et la réalisation des sacro-saints objectifs, qui passent comme par magie d'une responsabilité collective à individuelle. Et là encore, comme l'entend le DP, orienté par le management nouvelle mouture, « l'individu va s'organiser, s'évaluer, bref se manager lui-même ». voici que se profile l'empowerment...

Aie aie.
Voilà que je les regarde d'un autre oeil mes opuscules dédiés à mon bien-être, mon équilibre intérieur et mes accords toltèque !
Aucune satisfaction de cet ordre n'est donc à rechercher dans ces livres, car rien de tout cela ne s'achète, au final. Au-delà, derrière l'adhésion au développement personnel, se profilerait même une nouvelle "servitude volontaire" comme l'expliquent par ailleurs Julia de Funès ou Eva Illouz, une tromperie de grande ampleur.
"Il y a l'apparence et le réel ; il y a Dorian Gray et son portrait en vérité. le DP affiche l'image de sujets se libérant d'eux-mêmes , seuls, grâce à un potentiel intérieur illimité. le DP produit des individus assujettis à un idéal trompeur et à une logique d'adaptation efficace, croyant vouloir lorsqu'ils subissent, croyant désirer lorsqu'ils opinent".

Mmm, voilà que se profilent pour moi de nouveaux livres à lire, qui sauront me rappeler que ma pile DP est à consommer avec modération et ,surtout, en toute légèreté:))

merci à Thierry Jobard et aux éditions Rue de l'échiquier
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De la plume de Thierry Jobard, avec en couverture le sous-titre «authentique et toc» et sur le rabat cette lucide et malicieuse remarque «Nous attendons avec impatience que l'on veuille bien nous apprendre à déféquer en pleine conscience», cela ressemble à une plaisanterie, et cela tombait bien comme lecture pour un soir de 1er avril… Et pourtant, le sujet est grave, tant le « développement personnel » (que l'auteur abrège utilement en DP dans le cours de l'ouvrage, et donc, nous aussi, ici) occupe, par ses injonctions tyranniques, beaucoup trop de cerveaux disponibles, tant il pervertit l'être-au-monde de tant de nos concitoyens, favorisant tous les charlatanismes et autres médications magiques de l'âme, devenant surtout développement de l'égoïsme, de l'égotisme, du narcissisme, bref d'un « moi je » hypertrophié et sûr de lui, oublieux d'autrui et de l'état du monde, concentré sur sa seule petite conscience, son « âme » fragile, et qui ne s'aperçoit pas qu'il est juste ainsi le sujet-objet manipulable à souhait voulu par les managers et l'économie capitaliste. Quand, soi-même libraire, on apprend, en outre, sur le second rabat de couverture, que l'auteur est responsable du rayon Sciences Humaines d'une grande librairie strasbourgeoise, certainement confronté au tsunami de soupe DPiste et ésotérique que l'on connait dans sa propre boutique, de lecteur enthousiaste on devient fervent complice, applaudissant la bonne fortune de ce réjouissant pamphlet, ce si nécessaire pavé dans la mare…
Après avoir distingué et analysé, avec beaucoup de pertinence les trois « présupposés du développement personnel » et leurs conséquences - « Sois heureux et tais-toi », la positivité obligatoire ; « le Moi authentique et toc », une conception fallacieuse de la conscience individuelle ; « Moi + Moi n'égale pas nous », l'oubli du monde et du destin collectif qu'entraîne le DP-, Thierry Jobard montre comment management et gestion, dans l'entreprise et la société, tirent profit des techniques de « coaching » et de « pleine conscience », de l'obsession de l'évaluation des progrès de l'individu, des idéaux devenus indiscutables de « confiance » et de « bienveillance », prétendant échapper à toute critique. Il souligne aussi à quel point la « perte du monde » qu'entraîne le DP provoque, par un retour de bâton paradoxal, une vraie « perte de soi », quand bien même, justement, c'est ce « soi » que l'on entendait développer, nous rappelant que nous ne devons ni oublier le travail de l'inconscient, ni que « je » n'est vraiment rien sans « autrui ». Pour finalement conclure, et nous lui laissons le dire mieux que nous : « Les illusions qu'il [le DP] entretient quant à notre capacité à nous prendre nous-mêmes pour des objets simples et transparents, quant à l'existence d'un Moi pur et authentique, dégagé de toutes conditions historiques et sociales, ou quant à la nécessité de considérer le bonheur (ou le bien-être) comme fin de notre existence ne mènent qu'à un repli égotiste et à une société de monades. C'est faire fi de tout un pan de notre histoire et de notre psyché que de penser que nous sommes sans failles, sans vides, sans faiblesses et de les nier, nous aveuglant ainsi sur nous-mêmes. Il faut au contraire faire avec, vivre avec.
le DP n'est que la face avenante et souriante d'un large mouvement d'autocontrôle et d'autoexploitation. La mondialisation laisse les individus désorientés. Tout change, tout doit changer, et ceux qui ne changent pas seront mis sur la touche. Or le changement ne se décrète pas. La simplification qu'impose le DP à la réalité psychique confine à l'infantilisation… »
Et si, demain, les p'tits egos, on recommençait à « développer » collectif ?
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Vous entrez dans un magasin « culturel ».
Vous vous cherchez le rayon « Sciences ».
Vous ne le trouvez pas.
Sans doute parce que toutes les sciences ne sont qu'une simple étagère dans un coin.
Par contre le rayon « Bien-être » est vaste est bien fourni.
Au milieu : le « Développement Personnel »…

Alors il fallait bien un essai, percutant, pour faire le point, pour prendre du recul, pour analyser ce que le « DP » transmet.
Il n'est pas né hors-sol ni sans racines.

L'essai est court, mais impitoyable.
Quels sont bases du « Développement Personnel » ?
Que veut dire cette mise en avant du « moi », du « je », du « soi » ?
Quid du collectif, de la société, de l'inconscient…
Le « Développement Personnel » prête-t-il le flanc à la critique, à la remise en cause, au juste, au vrai ?
Il est dans tous les cas en résonnance très forte avec « notre temps » :

> Par un retournement déjà constaté, ce qui est le plus intérieur à nous-même, le plus personnel, l'intime, se fait « extime », exposition de soi. D'où par exemple cette exhibition permanente sur les réseaux sociaux liée à l'idée qu'il faut à tout prix exprimer sa personnalité. On ne montre plus seulement ce que l'on a, mais aussi ce que l'on est. Être, c'est être exposé.

Après les bases, une large partie de l'essai est consacré à l'entreprise.
Qu'il est aisé de ne plus contrôler, mais que l'individu s'autocontrôle, s'autochallenge, s'autoaméliore ?
Et puis en cas de soucis, la solution n'est pas collective, elle est en vous !
Et si vous échouez quand même, c'est encore de votre faute : vous ne faites pas assez preuve de résilience…

> C'est faire fi de tout un pan de notre histoire et de notre psyché que de penser que nous sommes sans failles, sans vides, sans faiblesses et de les nier, nous aveuglant ainsi sur nous-mêmes.

S'aveugler soi-même, quelque chose que je rencontre à chaque fois que la croyance est là.

Et no'oublions pas que dans notre époque néolibérale, on ne lutte pas contre le système non…

> le DP est un pur produit de notre époque. La lutte classique contre le tyran — ou, de façon plus générale, l'abus de pouvoir — avait conduit à établir des droits et des contre-pouvoirs efficaces face à cette domination extérieure. Mais un nouveau type de domination est apparu avec la démocratie, celle de l'opinion qui conduit doucement à l'homogénéisation sociale. C'est au nom de la liberté que les individus s'enferrent eux-mêmes dans la servitude moderne ou hypermoderne. On célèbre en paroles la différence alors que tout est pensé pour produire de l'identique. Un identique qui, c'est son essence, récuse donc hargneusement la différence.

## En bref

Une lecture indispensable (encore une !)

## Je vous reommande les lectures complémentaires ...

* "Bullshit jobs"
* "Libres d'obéir : le management, du nazisme à aujourd'hui"

Lien : https://post-tenebras-lire.n..
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Adepte du développement personnel depuis des années, c'est avec grand plaisir que j'ai reçu le livre de Thierry Jobard, intitulé "Contre le développement personnel - Authentique et toc", dans le cadre d'une opération Masse Critique de Babelio.

Je trouve la critique légitime et nécessaire en tout domaine, ce livre m'intéressait donc particulièrement.

Le développement personnel connaissant un véritable essor depuis quelques années et nous rappelant sans cesse que nous pourrions devenir de meilleures versions de nous-mêmes, Thierry Jobard a voulu s'insurger contre la transformation du bien-être en impératif moral, cachée selon lui derrière une intention humaniste.
Son avis est que le développement personnel n'est pas le chemin d'un développement de soi authentique et vrai, mais en réalité l'incitation à devenir ce que l'on attend de nous, réduisant qui plus est à néant la puissance du collectif.

Il commence par une réfutation des "trois  présupposés du développement personnel". 
Ensuite, il dénonce sa récupération dans le cadre du management contemporain.
Et, enfin, il procède à une critique de son danger dans sa version "religieuse". 

J'ai trouvé cet essai très intéressant et je suis d'accord avec certains de ses arguments.

Je pense aussi que certains livres de développement personnel sont plus proches du charlatanisme que d'un réel souci d'aider les gens à se développer, d'autant qu'ils véhiculent l'illusion de la solution miracle.
Toutefois je suis d'avis qu'il y a peut-être aussi une part de confusion entre le domaine et son marketing qui, dans notre société de consommation, survend certains ouvrages en exploitant la crédulité et les points faibles des personnes, leur promettant des saluts imaginaires. 

Je suis d'accord avec lui quant au fait que des préceptes de développement personnel peuvent être utilisés pour renvoyer aux victimes la responsabilité de leur situation, ou les enjoindre à plus de résilience au lieu de traiter des problèmes structurels, surtout dans certaines entreprises. 
Toutefois, aider les individus à développer leurs propres capacités, qu'elles soient intellectuelles, morales et/ou physiques, ne peut selon moi qu'être positif, aussi bien au niveau individuel que collectif. 

En résumé, j'ai apprécié cet ouvrage qui permet de prendre un sain recul vis-à-vis des techniques de développement personnel aveugles au bon sens.
Mais je reste intimement convaincue de la pertinence et du bien-fondé du développement personnel et de la majorité de ses techniques. 

Encore un grand merci à Babelio et aux Éditions Rue de l'Echiquier pour l'envoi de ce livre !

Masse Critique Non-Fiction juin 2021
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Citations et extraits (85) Voir plus Ajouter une citation
Selon Adam Smith, le travail libre rapporte plus que le travail des esclaves. En effet, ces derniers auraient tendance à manquer de motivation. Depuis que cette abomination est - officiellement - abolie, nous avons fort heureusement accompli des progrès considérables puisque même l'ancienne forme de management (terriblement verticale et si peu conviviale) est désormais tombée dans les oubliettes de I'histoire de l'exploitation. Ceci dit, lorsqu'une injonction était émise du haut de la hiérarchie vers le bas, les choses avaient le mérite d'être claires. On obéissait ou non, on discutait, on argumentait, mais surtout, en dernier recours, on pouvait biaiser de bien des façons.
Désormais nous sommes passés à un mode de gestion et de communication horizontale. Désormais il n'y a plus de chef, mais un manager au sein d'une équipe. Plus de salariés, mais des collaborateurs. Des espaces de travail plus ouverts et conviviaux. Plus de vouvoiement, on se tutoie tous. Bref, oublié le management par la contrainte, place au management par la confiance. Youpi! « ll y a des résultats évidents sur la productivité et la qualité de l'engagement du personnel. Il y a moins d'arrêts maladie, moins d'absentéisme, moins de turn-over et donc de meilleurs résultats économiques. » Hourra ! La preuve est faite que la bienveillance au travail, c'est payant. Chacun devra se sentir valorisé d'être ainsi pris en considération. Et chacun devra bien sûr se montrer à la hauteur des attentes.

Page 40, Rue de l'échiquier.
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Serait-ce à dire que les préoccupations huma- nistes du néomanagement sont illusoires? «Le manager se mue de plus en plus en père et perd son statut tout-puissant de patron. lI est au milieu de ses équipes et pas au-dessus, il est un membre de l'équipe comme les autres mais avec des responsabilitės supplémentaires. Cela change tout car on passe d'un chef qui met l'équipe à son service à un manager qui se met au service de son équipe.» Certes, elles le sont si on les prend au premier degré : le « collaborateur» a toujours à faire ce qu'on lui demande de faire. Mais excepté cela, quelle avancée, reconnaissons-le : il n'y a plus de chet. Plus de chef ! Ce concept suranné sur lequel nous avons vécu depuis des millénaires. Depuis que l'homme est homme en fait. Bien sür il y a encore quelques rechutes. Comme la croyance en l'assomption d'un homme ou une femme providentiel(le) tous les cinq ans. Mais sinon, tout cela est fini désormais. Vous me direz qu'il y a un truc. Hé oui, il y a toujours un truc. Le chef nest plus là, mais il n'a pas disparu pour autant.

Page 48, Rue de l'échiquier.
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Voici comment la méditation de pleine conscience est présentée par un site de ressources humaines: il s'agit d' "une méthode [qui] aide a apprécier l'instant présent, mais aussi à mieux accepter les contraintes. Car en cas d'obstacle, l'individu a tendance à entrer dans un schéma virtuel de rumination ou de crainte, voire d'anticipation négative. L'idée nest alors pas de se couper du monde, mais plutöt de rencontrer la réalité sereinement sans excès de stress et lucide- ment (sans amplifier ni dramatiser), tant dans ses aspects positits que négatits [...]. ll s'agit d'un ensemble de techniques dérivées du bouddhisme, ayant été laicisées afin d'être applicables en entreprise, en milieu médical ou scolaire. [...] C'est une méthode qui a tait l'objet de nombreuses validations scientifiques." Espérons que cela fonctionne pour rencontrer la réalité sereinement en cas de harcèlement ou de «plan de sauvegarde de l'emploi».

Page 60, Rue de l'échiquier.
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Le management traditionnel dominait, comman- dait, ordonnait. Le nouveau management convainc, séduit, entraîne. Prenons cette pratique qui consiste à reformuler les objectifs fixés atin de se les approprier (vieux tour de passe-passe tiré de la PNL). En réalité il est moins question de se les approprier (ils restent ceux de l'entreprise) que d'intérioriser la nécessité de les atteindre. lI ne s'agit plus d'exécuter, plus ou moins bien, une tâche, mais de s 'investir, c'est-à-dire, au sens propre, «investir soi» dans un projet. Celui-ci entre ainsi dans l'intimité du « collaborateur». Et parce que les projets se succèdent les uns aux autres, et parce que le changement, c'est tout le temps, cela maintient dans une forme de retour en arrière permanent, au Contraire de l'ancien modèle qui, lui au moins, pérennisait l'accumulation cognitive et l'expérience. Comme l'écrit le sociologue Vincent de Gaulejac, «en acceptant de jouer le jeu, les employés sont pris, malgré eux, dans une construction procédurale qui les assujettit à un pouvoir normalisateur auquel [ils adhèrent] d'autant plus facilement qu'ils sont sollici- tés pour contribuer à l'élaboration de ces normes49». Conduire les autres à forger leurs propres chaiînes, quel dictateur nen a pas rêvé? C'est de l'aliénation au carré en somme.

Pages 48-49, Rue de l'échiquier.
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Loin de n'être que des outils sur lesquels nous gardons la main, ces pratiques agissent sur nous et intluencent notre subjectivation. C'est-à-dire notre capacité à devenir des individus autonomes. Inutile de chercher un ou des coupables précis. La responsabilité est collective puisque l'asservissement est consenti. Pas de machination, pas de complot; un air du temps peu à peu lesté de mille et mille slogans, réflexions, incantations difusés à partir de quelques textes sources et infiniment répétés. On pourrait croire qu'à remonter le fil des effets et des causes, la raison des choses s'embrume. Du néolibéralisme au capitalisme, du capitalisme à la mathématisation du monde et à lidée de se rendre «Comme maîtres et possesseurs de la nature». Ces divers maillons en sont pourtant venus à constituer une chaîne épaisse soudée par le calcul, la recherche de l'efficacité, la marchandisation et une rationalité abstraite. À cela s'ajoutent une certaine forme d'individualisme et une psychologisation générale de nos rapports, à nous-mêmes comme à autrui. Comme si, malgré les enseignements assénés depuis un siècle, nous étions devenus maîtres et possesseurs de nous- mêmes. Navrante illusion.

Pages 14-15, Rue de l'échiquier.
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Video de Thierry Jobard (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Thierry Jobard
Le libraire Thierry Jobard, responsable du rayon sciences humaines de la grande librairie Kléber de Strasbourg nous parle de son coup de coeur pour l'ouvrage Un été de culture G paru aux Belles Lettres. Le livre : https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251454283/un-ete-de-culture-g
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