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Critique de kielosa


Née le jour de l'an de l'année 1 de la première guerre mondiale et morte lors de la seconde, tel pourrait être le résumé de la très courte vie de Noor Inayat Khan. Seulement, cet enfant d'une guerre et victime d'une autre en fût en même temps une grande héroïne, très officiellement reconnue par le Royaume-Uni et la France qui lui accordèrent respectivement la "George Cross" , la plus haute distinction non militaire (une des 4 a l'avoir reçu) et la Croix de guerre, étoile de vermeil. Il n' y a pas plus de 5 ans, au coeur de Londres, au Gordon Square Gardens, la princesse Anne (fille de la reine Elisabeth) a dévoilé le buste en bronze de cette autre princesse, la "Spy Princess" comme elle a été surnommée.
À Thiverval-Grignon dans les Yvelines, une plaque à sa mémoire fût suspendue et une école à Suresnes, ouverte en 2014, porte son nom.

Mais ce n'est pas tout : elle aurait pu se vanter d'avoir été la toute première femme opérateur radio envoyée par les britanniques en France pour aider la résistance et la toute première moslima à se porter volontaire pour l'effort de guerre et la victoire finale des alliés sur les forces obscures d'Hitler & Co.

Bref, une vie fabuleuse, qui non seulement fait rêver, mais a inspiré 4 écrivains à lui consacrer une biographie, 2 poètes à placer des poèmes en son honneur sur le net, la mention de son nom et activités dans de très nombreux ouvrages historiques et témoignages-memoires, comme par exemple celui de la chef résistante Marie-Madeleine Fourcade dans son "L'Arche de Noé". Sans compter les séries télévisées où elle joue un rôle central, un documentaire d'une heure de la BBBC, et les clips de You Tube.
Cest d'ailleurs grâce à l'inoubliable mini-série télévisée de 6 heures "A Man Called Intrepid" (Un homme nommé Intrépide) de 1979, que j'ai fais sa connaissance, si je puis dire et qu'elle a continué à me fasciner depuis lors. Il est vrai aussi que la belle Barbara Hershey y jouait avec beaucoup de conviction Madeleine - nom de code de Noor - à côté d'un éblouissant David Niven incarnant Sir William Stephenson, Intrepid, un homme d'affaires canadien, qui comme ami de Churchill et confident de Roosevelt a joué un rôle-clé dans la coordination des opérations clandestines alliées.

Mais qui était au juste cette Noor ? Er qu'est-ce qu'elle a fait pour mériter tant d'honneur et d'hommages ?

Son origine est un peu compliquée : fille aînée d'un noble musulman des Indes, lui-même descendant du légendaire Tipu Sultan, le Tigre de Mysore (1750-1799), professeur de Soufisme et d'une professeur américaine de yoga d'Albuquerque, Noor est née à Moscou en 1914. Son prénom Noor signifié lumière , comme le plus grand diamant du monde fut nommé le Koh-i-Noor ou la montagne de lumière. Au début de la guerre 14-18, ses parents déménagèrent à Londres, pour s'installer en 1920 à Suresnes près de Paris. La jeune Noor suivait des cours de psychologie de l'enfant à la Sorbonne et de la harpe et du piano au conservatoire de Paris. Au début de la guerre 40-45, la famille Inayat Khan déménageait à Bordeaux.

En Angleterre entretemps, Sir Winston Churchill, devenu premier ministre, dans le cadre de son programme "met l'Europe à feu" ("set Europe ablaze") avait donné l'ordre de la création d'une direction d'opérations spéciales, mieux connu sous son sigle SOE, Spécial Operations Executive, surnommée l'armée secrète de Churchill. Missions essentielles : le renseignement et le sabotage. le SOE comptait une section F pour France, qui avait à sa tête le colonel Maurice Buckmaster.

Notre Noor joignait, dès novembre 1940, comme volontaire la WAAF (Women's Auxiliairy Air Force) ou la Force féminine auxiliaire de l'aviation, où elle se spécialisait en communications radio, codes et chiffres. Parfaitement bilingue et spécialiste radio, il n'est pas étonnant que le SOE l'a recruté pour une mission en France. Bien que cette décision ne fût pas prise à l'unanimité, certains en haut lieu la trouvaient trop exotique et d'autres trop rêveuse !

Le 17 juin 1943, à bord d'un Lysander elle atterissait au nord de la France où elle fut recueillie par Henri Déricourt, officier des opérations aériennes en zone Nord. Plus tard Déricourt sera accusé par certains d'agent double et d'être responsable de son arrestation. Ce qui est contesté par l'historienne britannique, Jean Overton Fuller, dans sa biographie de Noor "Noor-un-nisa Inayat Khan (Madeline)" de 1952, réédité en 1971, ainsi que dans sa biographie de Déricourt lui-même "Déricourt : The Chequered Spy" ( en dents de scie) de 1989. Quoi qu'il en soit, au moment de l'arrivée en France de Noor, le grand réseau de résistance Prosper était en train d'être systématiquement démantelé par la Gestapo. Aussi bien qu'elle était restée la seule opératice radio à Paris et que Buckmaster, malgré l'importance de son service, lui a proposé de rentrer à Londres. Offre de sauvetage qu'elle a courageusement déclinée, nonobstant le danger qui l'obligeait à une existence à peine imaginable.

Car elle était déjà dans le collimateur de la Gestapo pour finalement être arrêtée le 13 octobre 1943. Transférée au QG de la SD "Sicherheitsdienst" ou service de sécurité nazi, Avenue Foch, elle fut bien sûr longtemps interrogé et proposé de continuer ses activités à la solde des Fritz. Autre offre qu'elle a refusée dédaigneusement. Il n'est pas prouvé cependant que les Chleuhs l'auraient torturée. Fin novembre, elle tenta une escapade mais fût recapturée et après son refus (le 3ème) de signer une déclaration de ne plus essayer à s'échapper, expédiée en Allemagne. En isolement complet , et enchaînée aux pieds et mains pendant 10 longs mois à Pforzheim dans le Bade-Wurtemberg, elle fût transférée à sa dernière destination : le camp de concentration de Dachau, près de Munich en Bavière, où elle fut exécutée, par un coup de revolver dans la nuque, le 13 septembre 1944. Selon un témoin oculaire hollandais, ses dernières paroles furent : "Vive la Liberté !". Elle avait 30 ans !

Que lire ? le plus accessible et simple à lire est le livre de Laurent Joffrin "La princesse oubliée", basé sur l'ouvrage précité de Jean Overton Fuller, quoique moins technique et plus romancé. de Shauna Singh Baldwin, une Canadienne d'origine indienne, il y a le très littéraire "The Tiger Claw" (la griffe du tigre) de 2004 et de l'historienne et journaliste, également d'origine indienne, Shrabani Basu, "Spy Princess : The Life of Noor Inayat Khan ", de 2007. Mon choix personnel se porte sur ce dernier pour ses qualités historiques et littéraires. Et peut-être aussi parce que Shrabani Basu a créé en 2010 un fonds (memorial trust) Noor Inayat Khan, afin que " sa mémoire ne se perde jamais ".

À moins que vous préfériez lire l'oeuvre de notre héroïne elle-même : "Twenty Jakata Taĺes" de 1939, que j'ai eu grand plaisir de trouver à une foire aux livres à Canterbury, il y a une dizaine d'années. Ce recueil de contes essentiellement pour enfants est centré sur des qualités humaines comme le courage et le sacrifice ! Fruit d'une Noor Inayat Khan prémonitoire ?


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