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Citations sur L'été des charognes (61)

On s'apprenait la vie comme on apprend l'anglais en faisant des maladresses, ça nous faisait briller les dents de rire, ça faisait une galaxie à deux bouches entre les poteaux de fer et le vieil asphalte.
La Terre a tremblé dans mon crâne quand elle m'a dit son prénom.
Elle était mon apparition à moi. Lou. J'étais comme une batterie d'artillerie, je crachais du feu sur le trottoir rouge. C'est elle qui un jour a décidé que ça serait comme ça, qu'elle et moi on allait baiser.
Soit on ouvrait son box du dortoir et on faisait ça par terre ou sur le bureau, soit dans les douches ou sur le matelas, mais aussi dans les parcs, ou derrière les voitures, ou dans les ascenseurs et les parkings et les halls d'immeubles, et les abribus ou sur des poubelles et dans les cabines d'essayage et les fumoirs des boîtes de nuit ou les galeries marchandes et les toilettes publiques, les aires de jeux pour enfants. J'aimais l'observer sans qu'elle le sache, je nageais dans un grand cliché.

Page 115, Allia, 2017.
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Il faut s'asseoir en mangeant les odeurs qui font tourner la tête, et surtout fermer sa gueule car on ne parle pas à table nous les enfants.
On se contient tant que ça dure. On bouge les pieds en sous-marin pour ne pas être repérés dans le grand calme qui doit régner pendant qu'ils parlent au-dessus de nous, de la journée, des problèmes ou de ceux qui font la même chose dans la maison d'à côté. Du mal qu'ils ont dans le dos à force d'emmener tous les jours leur grosse existence au travail, et des échardes et des dards qu'ils ont dans les mains et qu'il faudra enlever avec une pince après le repas. Et nous on brûle de mordre et défoncer la viande, d'exploser la soupe mais on attend. On la ferme en bougeant des pieds sans faire trembler la table, sinon torgnole.

Page 74, Allia, 2017.
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On est partis comme ça du devant de l'auberge chacun debout derrière le volant sous une belle grosse Lune, nos petits phares allumés en direction de la nuit qu'on allait suivre pour rentrer chez nous.
C'est souvent comme ça qu'on fait. Quand les parents sont bien trop bourrés, ils démarrent juste les autos en première et les enfants conduisent, comme ça c'est moins dangereux et nous ça va on aime bien conduire comme les distances sont pas très grandes. Sauf pendant les fêtes de village en bas, où là quand on les ramène c'est comme si on faisait une opération escargot, même que c'est très drôle de voir la tête des gens qui nous doublent quand ils nous voient conduire avec nos parents ivres morts la tête qui pend hors de la vitre.

Pages 32-33, Allia, 2017.
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Les mouches, elles sont partout, elles font des guirlandes à travers les pièces le long des fils collants qu'on a installés là pour les piéger, et il y en a tellement qu'on voit très vite plus les fils. C'est comme des gros câbles noirs qui vibrent jusqu'à ce que tout le monde soit mort dessus. Il y en a partout, un bourdonnement sourd qui s'arrête jamais et qui le rend fou mon père alors c'est des grillades au jardin tous les jours.
Dans la maison elles sont même dans les penderies et derrière la cuisinière, on a beau tout couvrir avec des torchons, elles se mettent partout et pondent dans le beurre et les fromages.

Pages 12-13, Allia, 2017.
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Le sol était lisse, et j'ai flotté un peu à quelques mètres du plancher avant d'élever mon corps loin de l'insouciance.
Le sourire s'est meurtri, et mes bras se sont tendus sur l'accord grave qui faisait résonner son corps.
J'ai mordu.
Sont sortis partout de nous de l'énergie et des liquides, et sa mâchoire dictait la pulsation. Je suis tombé du bord du monde dans son odeur d'envoûtement, je suis allé et venu dans le nœud sous sa peau, j'ai pris le jus sur sa langue et avalé l'eau dans sa bouche, courbé le mouvement de sa nuque sur un rythme qui nous venait de ce qu'il y a derrière le désir.
Elle m'a traversé comme une cascade de lumière.

Pages 104-105, Allia, 2017.
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J'étais assis à caresser un chat qui passait, et je les regardais tous les deux se parler doucement les yeux dans les yeux les mains dans la graisse du cochon. J'étais content qu'elle soit rentrée ma mère, ça mettait un peu de douceur et de sérieux dans l'oxygène, ça faisait stable autour, c'était de nouveau la sécurité du silence.
Ma mère elle a pas beaucoup de mots qui lui sortent de la bouche, elle nous fait plutôt des regards. Elle parle avec son visage et moi et mon frère on comprend tout.
Elle a des yeux fatigués comme des amandes sèches, pour dire des choses elle regarde et nous autour on sait qu'il faut pas l'emmerder ou glisser du couloir vers la chambre.
Ses bras il y a de la lassitude dedans mais ils sont jolis quand même, ils pèsent un peu gris. Parfois elle dit oui ou elle dit non, elle a toujours ce qu'elle veut parce que c'est le plus juste, se tromper elle sait pas faire.

Pages 39-40, Allia, 2017.
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Après l'été il se passe pas grand-chose alors ça fait partie des rares jours qui sortent un peu de l'ordinaire. Comme l'équarrisseur, les témoins de Jéhovah, le chasse-neige ou les pompiers qui viennent vendre le calendrier à Noël.
Sinon c'est les bêtes, les champs, et les cuites.

Page 79, Allia, 2017.
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Il nous a expliqué que les chiens du hameau, avec quelques-uns de la chasse du matin qui s'étaient perdus, avaient réussi rien qu'en gueulant à nous tuer quarante-six bêtes sur les deux cent trente qu'on avait.
Ils avaient acculé les brebis contre une clôture au fond d'une sagne et elles ont fait le reste du boulot toutes seules en se grimpant les unes sur les autres, elles se sont toutes étouffées comme ça. Quand on est arrivés on a vu les dégâts, des cadavres partout jusque dans le ruisseau, tellement qu'on a plus eu le droit de se baigner dedans pour le reste de l'été à cause des maladies qu'il y a dans les charognes et qui passent dans l'eau.

Pages 14-15, Allia, 2017.
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J'ai grandi à La Fourrière, c'est le nom du bout de goudron qui finit en patte d'oie pleine de boue dans la forêt et meurt un peu plus loin après les premiers arbres. La Fourrière, c'est nulle part.
Le père il s'est mis là parce qu'il dit qu'au moins, à part ceux qui ont quelque chose à faire ici personne ne l'emmerde en passant sous ses fenêtres.
Il y a trois maisons, la mienne, celle de Jonas et sa famille et celle de la grosse conne qui a écrasé mon chat, celle à qui il était le chien qu'on a défoncé avec les pierres et qui vient que de temps en temps pour faire ses patates et pour faire chier.

Page 10, Allia, 2017.
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[Repas de famille]
On se contient tant que ça dure. On bouge les pieds en sous-marin pour ne pas être repérés dans le grand calme qui doit régner pendant qu’ils parlent au-dessus de nous, de la journée, des problèmes ou de ceux qui font la même chose dans la maison d’à côté. Du mal qu’ils ont dans le dos à force d’emmener tous les jours leur grosse existence au travail, et des échardes et des dards qu’ils ont dans les mains et qu’il faudra enlever avec une pince après le repas. Et nous on brûle de mordre et défoncer la viande, d’exploser la soupe mais on attend. On la ferme en bougeant des pieds sans faire trembler la table, sinon torgnole. Et quand le père il a goûté alors on y a droit nous aussi, au petit morceau de tendresse qui vous fond sur la langue.
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