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EAN : 9781506705637
128 pages
Berger Books (23/10/2018)
5/5   1 notes
Résumé :
When a black writer is found dead at a scandalous interracial party in 1920s' New York, Harlem's cub reporter Zane Pinchback is the only one determined to solve the murder. Zane must go "Incognegro" for the first time, using his light appearance to pass as a white man to find the true killer, in this prequel miniseries to the critically acclaimed Vertigo graphic novel, now available in a special new 10th Anniversary Edition.

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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce tome ne fait pas suite à Incognegro: A Graphic Mystery (2009) car la présente histoire se déroule avant. Il reprend les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2018, écrits par Mat Johnson, dessinés et encrés par Warren Pleece. Il est en noir & blanc avec des nuances de gris. Il se termine avec une postface d'une page rédigée par Mat Johnson, et par 2 pages e questions pouvant servir de support pour discuter de l'oeuvre dans le cadre de l'animation d'une classe ou d'un groupe de lecture.

Dans les années 1920 à New York, Zane Pinchback (jeune journaliste pour le New Holland Herlad) se rend à une soirée mondaine dans Harlem, où Carl, son meilleur ami, l'a fait inviter. Il s'agit d'une soirée promotionnelle pour le lancement du dernier livre de l'écrivain Arna van Horn. Carl a réussi à se faire inviter par Xavier Harris, un afro-américain ami de l'auteur. La soirée est mixte et de nombreuses célébrités sont présentes. Carl part à la recherche d'une riche femme blanche esseulée pour essayer de lui mettre le grappin dessus. Pinchback et Harris évoquent la condition des afro-américains aux États-Unis. Finalement l'auteur fait son apparition dans la pièce de la réception. Il est accompagné par Christopher Gray, son éditeur, qui effectue le petit discours pour encenser la qualité du dernier livre de van Horn. Xavier Harris s'avance vers eux et prend la parole en s'adressant à l'assemblée pour louer les qualités littéraires de l'ouvrage, et en particulier son authenticité. Il est un peu éméché et ses propos semblent contenir des sous-entendus inintelligibles. de son côté, Zane Pinchback a remarqué une belle jeune femme à la chevelure claire parmi les invités, sans réussir à apprendre son identité.

Ladite jeune femme (Bette Mignon) agrippe Xavier Harris par le bras, l'interrompant dans son discours, et l'entraîne vers l'étage, sous les yeux des invités. En conversation avec Pinchback, Christopher Gray a des mots assez durs la concernant, estimant qu'elle s'empare des afro-américains, comme elle aimerait s'emparer des scènes de théâtre. Pinchback se fait aborder par une femme blanche d'une quarantaine d'années qui lui fait une blague raciste sur les afro-américains, ne s'étant pas rendue compte que son interlocuteur en est un, du fait de la faible pigmentation de sa peau. Une personne s'est mise au piano et la foule reprend en choeur des chansons à la mode. Les festivités sont interrompues par des gouttes traversant le plafond qui finit par crever et lâcher une véritable douche. Zane Pinchback se précipite à l'étage, bousculant au passage Carl et sa conquête dans l'escalier. Il découvre le corps de Xavier Harris, mort dans la baignoire. La police arrive quelques temps plus tard, concluant à une mort naturelle. Pinchback a ramassé un manuscrit à côté de la baignoire, celui d'un livre écrit par Harris.

Le lecteur européen ne peut pas mesurer l'importance du premier volume pour des lecteurs américains. Dans la postface, Mat Johnson indique que le premier tome d'Incognegro avait eu droit à une critique positive dans le New York Times et qu'il était devenu un support pédagogique pour plusieurs professeurs. Avec ces explications, le lecteur comprend mieux la présence d'une double page avec 13 thèmes auxquels sont associés à chaque fois 2 questions pour servir d'amorce de réflexion. À l'occasion de la sortie du premier tome, il avait expliqué qu'il est lui-même afro-américain, avec la même caractéristique que son héros, à savoir une peau assez pâle pour que ses interlocuteurs puissent le prendre pour un blanc. Pour ce deuxième tome, il a choisi situer son récit avant le tome précédent, pour montrer comment son personnage en est venu à utiliser sa couleur pâle afin d'infiltrer les cercles réservés au blanc, ou juste de se faire passer pour un blanc. le racisme se trouve donc au coeur du récit, du début jusqu'à la fin. Mat Johnson évoque la position sociale des afro-américains dans les États-Unis des années 1920, à une époque où la ségrégation raciale a force de loi.

Le lecteur plonge donc dans une époque où il était mal vu pour blancs et noirs de se mélanger en société. L'auteur fictif Arna van Horn a achevé un nouveau roman qui se veut être également une immersion au coeur de Harlem par un blanc, et les premières critiques font état d'une qualité descriptive extraordinaire de par son authenticité. Par la suite, plusieurs personnages se rendent au Cotton Club, un club de jazz. le récit évoque les musiciens noirs qui y jouaient, la ségrégation en vigueur (seuls les blancs étaient admis en tant que clients), et la forme de récupération de la musique noire par des blancs. Quelques personnages secondaires formulent ouvertement des observations racistes, considérant les afro-américains comme une classe sociale inférieure, voire plus proches du singe que de l'homme. le lecteur peut observer à plusieurs reprises l'effet de la ségrégation, mais aussi les conséquences secondaires, comme le fait que la mort d'un afro-américain ne revêt pas une grande importance pour une police blanche, ou que les emplois subalternes sont majoritairement exercés par les afro-américains. Pour autant, Mat Johnson n'adopte pas une narration misérabiliste, ni ne déploie un discours révolté ou ulcéré. Il montre factuellement les circonstances.

D'un côté, le lecteur apprécie que Mat Johnson ait retrouvé le même artiste que pour le premier tome ; de l'autre côté, ce dessinateur réalisait des dessins au degré de simplification un peu trop important, ce qui atténuait la portée des représentations. Pour ce deuxième tome, le lecteur commence par observer que les différents lieux sont plus consistants : la grande salle où se déroule la réception, la salle de bain inondée, les façades d'immeuble dans la rue, le bar fréquenté par Pinchback, la piste de danse du Cotton Club, le placard qui sert de bureau à Pinchback au journal, le théâtre dans lequel se produit Bette Mignon et sa loge, le quai du métro, etc. Warren Pleece ne représente pas ces lieux de manière photoréaliste, mais avec assez de caractéristiques pour qu'ils soient uniques et concrets. Il adopte un degré de simplification qui rend les images accessibles à tous les publics, et rapidement lisibles.

De la même manière, les personnages sont représentés sans surcharge, mais avec des caractéristiques physiques bien établies qui font que le lecteur les reconnaît au premier coup d'oeil. Pleece prend soin de donner des visages différents à chaque personnage, y compris ceux des spectateurs dans le théâtre, ainsi que des tenues différenciées. Lorsque Zane Pinchback bénéficie d'un discret maquillage pour la première fois, le niveau de détails permet de voir que la crème a réussi à masquer l'ondulation de ses cheveux. L'artiste opte pour une direction d'acteurs de type naturaliste, montrant des individus se comportant comme des adultes, ce qui apporte une saveur de reportage à la narration. Il a effectué les recherches nécessaires pour que les tenues vestimentaires, les voitures, l'ameublement soient authentiques, respectant les caractéristiques de l'époque. Visuellement, la reconstitution historique n'est pas riche et éblouissante, mais elle est suffisante et assez rigoureuse pour que le lecteur puisse s'y projeter et y croire. le récit comprend de nombreuses scènes de dialogues. Les auteurs ont fait en sorte de varier les lieux et les activités des personnages pour éviter l'effet d'enfilade de têtes en train de parler. Warren Pleece varie les plans de prise de vue, mais il n'arrive pas toujours à éviter l'alternance de champ / contrechamp entre 2 interlocuteurs. Les visages des protagonistes expriment bien leur état émotionnel, avec des expressions manquant parfois de nuance.

Le lecteur peut donc se projeter avec une conviction certaine aux côtés de Zane Pinchback et sentir l'oppression institutionnalisée de la ségrégation et du racisme ordinaire. Il peut déceler plusieurs références qui dépassent les lieux communs, comme celles à William Edward Burghardt du Bois (W. E. B. du Bois, 1868-1963), aux militants communistes s'adressant à la foule dans la rue, à l'importance culturelle d'Harlem. Sous des dehors de récit accessible à tout le monde, il apparaît une histoire ambitieuse. Mat Johnson a conçu une véritable enquête policière. Zane Pinchback tâtonne de contact en contact pour essayer de comprendre qui était vraiment Xavier Harris et quel était l'historique relationnel entre lui, et Arna van Horn, Christopher Gray et quelques autres. Il a inclus quelques scènes d'action dont le déroulement reste plausible et qui reposent aussi sur le contexte socio-culturel de l'époque, que ce soit pour les serveurs, ou pour une manifestation du syndicat du personnel de ménage revendiquant pour de meilleures conditions de travail. La découverte du coupable n'est pas surprenante, mais la motivation et le déroulement du crime restent crédibles.

La dynamique du récit recèle encore une autre source. Zane Pinchback a une réelle conscience de sa condition sociale d'afro-américain, sans être un révolté ou un révolutionnaire. Il ne souhaite aucunement tricher en se faisant passer pour un blanc grâce à sa pigmentation claire. Il a à coeur de rester honnête quant à ce qui fait son identité. Il est amené à côtoyer Bette Mignon, une actrice de théâtre. L'identité afro-américaine est au coeur du dilemme. Zane Pinchback est en mesure d'échapper à sa condition naturelle en se faisant passer pour un blanc. Bette Mignon joue des rôles au théâtre endossant d'autres personnalités, portant des masques, devenant une autre personne. L'un comme l'autre s'interroge sur leur légitimité à profiter ainsi d'une échappatoire, à se soustraire aux contraintes et brimades de leur condition, à trahir leur milieu d'origine. S'il le souhaite, le lecteur peut retourner cette interrogation et l'appliquer aux criminels, à la manière dont ils trichent pour circonvenir les contraintes de leur propre condition, de leur propre position sociale.

Ce deuxième tome constitue une excellente surprise. Les auteurs ont gagné en aisance narrative, à la fois pour la dimension visuelle, simple et efficace ce qui demande souvent beaucoup de travail pour donner l'impression de la facilité, à la fois pour l'enquête policière. le scénariste a réussi à intégrer plusieurs niveaux à son histoire : de la recherche du coupable, à une réflexion complexe sur l'identité culturelle et les obligations qui en découlent.
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