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EAN : 9782200269999
240 pages
Armand Colin (15/06/2011)
2.25/5   2 notes
Résumé :
Cette étude de la rhétorique et de ses différentes fonctions propose une histoire de la rhétorique, de ses origines en Grèce jusqu'au XXe siècle, et une lecture théorique des textes à travers un certain nombre d'exemples représentatifs.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Rhétorique sonne comme logique : Rhétorique ne laisse rien présager de bon, livré dans le format austère d'un manuel de cours. Heureusement, Joëlle Gardes-Tamine, professeur de rhétorique et de poésie à Paris Sorbonne, parvient à surmonter nos craintes dès la première page : la rhétorique sera ludique ou ne sera pas. Ne parlons pas d'un ludique qui s'amuse plus qu'il ne nous amuse à nous soumettre des questions en tous genres pour nous ensevelir sous des connaissances imprécises et désordonnées. Ici, le développement sera précis, organisé et rigoureux, mais parsemé de si nombreux exemples –la plupart savoureux- qu'on se demande bientôt pourquoi avoir pensé que la Rhétorique serait une lecture rébarbative.


« La rhétorique commence en effet avec toute prise de parole qui ne se propose pas simplement le plaisir de la conversation, le plaisir de parler non pas pour ne rien dire, mais pour ne rien faire, sans objectif autre qu'un simple échange de propos, à supposer qu'un dialogue sans enjeu soit vraiment possible. »


Maîtriser l'art de la Rhétorique, c'est ce que nous aimerions tous faire, qu'il s'agisse de convaincre son patron de nous accorder une nette augmentation ou de s'enflammer pour des éloges ou des blâmes que nous prononcerions d'une traite, cinq minutes montre en main. Il est pire ressemblance que celle nous faisant rêver d'être un Hamlet, soliloquant crâne en main, gagnant notre respect par un verbe rigoureux et convaincant.


Nous apprendrons ainsi les racines historiques de l'art de la Rhétorique, balayant un large éventail d'auteurs et d'orateurs, de l'Antiquité jusqu'au siècle dernier. Joëlle Gardes-Tamine s'attarde plus particulièrement sur les trois points fondamentaux de l'art rhétorique : le coeur, l'esprit et l'élocution. Ce sont ici trois variantes de ce que les rhétoriciens anciens nommaient movere (émouvoir), docere (enseigner) et delectare (plaire). Les connaissances que nous fournit l'auteure ne semblent jamais gratuites, détachées des préoccupations des hommes quotidiens, croyant parler sans y penser, comme s'il était possible d'user gratuitement d'un langage chargé d'histoire et de signification. Ainsi comprendrons-nous l'importance de la Rhétorique dans les sociétés antiques qui voient se développer le cadre procédurier, comme elle montre son influence à chaque période de crise ou de bouleversement sociétal. Des mystères se dévoilent, partiellement expliqués par les nécessités d'autres époques. Nous demandons-nous pourquoi les figures de style existent ? Rappelons-nous que la transmission écrite n'est que très récente et que les siècles précédents ne pouvaient rien utiliser d'autre que leur mémoire pour figer légendes et histoires :


« Est-ce que la mémoire peut expliquer l'amour du Moyen Age pour le grotesque, le bizarre ? Peut-être les figures étranges que l'on voit sur les pages des manuscrits et dans toutes les formes de l'art médiéval ne sont-elles pas tant la révélation d'une psychologie torturée que la preuve du fait que le Moyen Age, quand il devait se souvenir, suivait les règles classiques pour fabriquer des images faciles à se souvenir ? »


Résultat… nous devons nous coltiner lieux communs et stéréotypes, figures de style aussi plaisantes que nécessaires, que Joëlle Gardes-Tamine nous aide à définir et à repérer dans des textes qui apparaissent moins inutilement alambiqués qu'ils ne le semblaient avant la lecture de cette Rhétorique. Racine et Corneille deviendront moins ampoulés, déterminés par une éducation et un héritage culturel qui conditionnent leurs drames à leurs formes strictes. Mais à force de parler des siècles précédents, on en vient à se demander progressivement quelle place occupe la Rhétorique à notre époque :


« On a voulu la croire morte. Mais au lieu de la laisser reposer en paix, toute la première moitié du XXe siècle s'est acharnée sur son cadavre et, à force de parler de la défunte, on a fini par la ressusciter. A une époque où la publicité nous traque à tous les coins de rue, où la solitude et le silence sont devenus un luxe, c'est bien un nouvel empire qu'elle est en train d'édifier sur les traces de l'ancien. »


Des discours des rhéteurs antiques à la publicité cococola, il n'y a qu'un pas. La Rhétorique de Gardes-Tamine nous ouvre de nouveaux horizons : rien de ce que nous disent les mots n'est innocent et fortuit. On peut choisir de l'ignorer et de se laisser guider par la passion ; on peut choisir d'être vigilant et d'analyser chaque mot ; enfin, on peut choisir de passer de l'un ou l'autre, acceptant d'être dupé uniquement lorsque cela nous plaît.
Lien : http://colimasson.over-blog...
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Avec le dilemme, c’est une alternative entre deux propositions opposées qui est envisagée. […] Pour prendre un exemple de la vie quotidienne, on peut songer à la phrase […] : il n’est jamais content ! On peut développer ainsi le raisonnement :
Si je cherche à lui plaire, il est furieux.
Si je ne me soucie pas de lui, il est furieux.
La conclusion, c’est qu’il vaut mieux ne rien faire, ce qui au moins ne demande aucun effort. Le dilemme qui semble faire le tour d’une question a les apparences d’un raisonnement solide, alors qu’il repose souvent sur une simplification des données, et sur le refus d’envisager des solutions intermédiaires.
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Aristote en effet fait naître la rhétorique en Sicile lorsque, les tyrans expulsés dans le premiers tiers du Ve siècle, il convient de redistribuer à leurs propriétaires les terres qui leur avaient été confisquées. Cela ne va évidemment pas sans contestation, et c’est donc dans un cadre procédurier que se fait jour la nécessité d’une technique de la parole, qui évite de régler les conflits par la force physique.
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Si l’éloquence a perdu la place essentielle qu’elle occupait dans la civilisation antique, la rhétorique a su occuper le terrain de la littérature, comme elle occupe de plus en plus celui de la communication. On a voulu la croire morte. Mais au lieu de la laisser reposer en paix, toute la première moitié du XXe siècle s’est acharnée sur son cadavre et, à force de parler de la défunte, on a fini par la ressusciter. A une époque où la publicité nous traque à tous les coins de rue, où la solitude et le silence sont devenus un luxe, c’est bien un nouvel empire qu’elle est en train d’édifier sur les traces de l’ancien.
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La rhétorique commence en effet avec toute prise de parole qui ne se propose pas simplement le plaisir de la conversation, le plaisir de parler non pas pour ne rien dire, mais pour ne rien faire, sans objectif autre qu’un simple échange de propos, à supposer qu’un dialogue sans enjeu soit vraiment possible
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[…] Si l’on a besoin des ressources de la rhétorique, c’est que l’on veut défendre une cause qui ne saurait s’imposer par elle-même et qui donc est fausse ou immorale […]. Et il est de fait que les sophistes pratiquaient un relativisme qui ne laissait guère de place à la certitude de la Vérité : « L’homme est à la mesure de toutes choses », disait Protagoras dans une formule célèbre, « pour celles qui sont, mesure de leur être, pour celles qui ne sont pas, mesure de leur non-être ». C’est ce que J. de Romilly appelle la doctrine de la table rase, qui élimine toute croyance en une vérité objective.
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