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Critique de BVIALLET


Sous le règne despotique de Napoléon III, Maurice Joly, juriste très opposé au régime, a l'idée de faire dialoguer sur la politique contemporaine deux morts célèbres, Montesquieu qui représente celle du droit et Machiavel celle du totalitarisme, de la force brutale et cynique. Dans une série de dialogues fort bien rédigés, il commence par opposer les principes politiques développés dans les écrits des deux hommes célèbres puis il s'attache à prouver comme thèse générale que le despotisme sans complexe présenté par Machiavel dans « Le Prince » est parvenu par toutes sortes de moyens assez peu avouables à s'imposer définitivement dans les sociétés modernes. Il démontre qu'une perversion de la démocratie et un abâtardissement du principe monarchique traditionnel est parvenu à égarer le bon sens populaire, à dégrader le caractère foncièrement honnête du pays et au bout du compte a corrompu ses moeurs, le livrant sans réaction aux affres de tyrannies plus ou moins ouvertement assumées. C'est de loin la partie la plus passionnante de ce livre de philosophie politique qui a un peu vieilli mais pas tant que cela...
Joly pose la problématique politique sur le terrain de l'affrontement de deux principes opposés (en apparence). D'un côté, Montesquieu, légaliste, libéral, républicain, progressiste, démocrate. En gros, le camp du beau, du bien, de l'idéal et du progrès. Et de l'autre Machiavel, réaliste, roué, pragmatique, réactionnaire, autoritaire, monarchiste et quasi fasciste. A la louche, le camp du moche, du mal, des heures les plus sombres et du retour à la guerre et à la barbarie. Mais si l'on analyse plus finement les arguments des deux bords (et Dieu sait s'ils fusent et pleuvent drus dans cet affrontement de titans de la pensée), on s'aperçoit que rien n'est aussi simple ni aussi tranché. L'enfer est pavé de bonnes intentions. de jolis idéaux souvent utopiques peuvent facilement évoluer en sanglantes dérives totalitaires. Et surtout qu'il suffit de peu de choses pour tromper un peuple et l'asservir. A ce titre, il faut classer ce « Dialogue aux enfers » comme un livre majeur entre « La Psychologie des foules » de le Bon et « 1984 » d'Orwell. Joly fait montre d'une véritable vision prémonitoire de dérives sans doute en germe à son époque mais qui arrivent à leur paroxysme de nos jours. Un peu moins intéressante est la partie où Machiavel tombe le masque et s'exprime comme un Napoléon III sans complexe et surtout l'épilogue, composé de sept courts dialogues de moins haute volée, qui furent écrits plus tard pour un journal et rajoutés dans cette nouvelle édition. Pour toutes celles et tous ceux qui s'intéressent à la « chose publique » et à un homme qui paya d'années de prison puis de la vie d'avoir osé se lever contre le totalitarisme.
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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