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sur 1174 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Depuis que nous vivons dans ce monde hyper connecté, notre nouveau reflexe d'homme civilisé est de vérifier le nombre de barre de notre portable.
Gare aux zones blanches. Franck est producteur de cinéma, ce qui veut dire être joignable à tout moment. Lise sa femme, ancienne actrice a programmé trois semaines de vacance dans le Lot. C'est beau le Lot, c'est sauvage, quand on veut se ressourcer, se déconnecter il n'y a pas mieux que le Lot.
Cent trois ans plutôt au même endroit dans le village d'Orcières le tocsin n'annonça pas l'entrée en guerre de la France contre l'Allemagne.
Cette première guerre mondiale si meurtrière. La mobilisation des hommes et la réquisition du bétail étaient la conversation du jour à Orcières et bien sur la présence de ce dompteur allemand venu s'installer en haut du village avec ses tigres et lions.
Dans ce nouveau roman de Serge Joncour " Chien- loup" notre écrivain national nous fait voyager dans deux époques, 1914- 2017.
2017 on l'a connait c'est la notre, une société ultra rapide, où la vie communautaire a été remplacé par l'individualisme. le niveau avancé de la technologie n'a pas fait avancé le progrès social ou si peu.
1914 reste un cas particulier dans l'histoire de notre pays. Pendant quatre ans les femmes de France vont remplacer leurs maris, leurs frères, leurs fils partis à la guerre. Elles vont tenir à bout de bras l'économie de notre pays tout en continuant à s'occuper des enfants et des vieillards.
Dans un pays où l'agriculture n'est pas encore mécanisée on peut deviner la difficulté qu'ont eu ces femmes avec l'outillage conçu pour les hommes.
" Chien- loup " est un roman attachant, un roman à messages. D'abord le peu de reconnaissance qu'a eu notre pays envers ces femmes. Quand on pense qu'en 2017 on parle encore des droits des femmes ça me fait sourire.
deuxième message, la technologie numérique nous fragilise un peu plus chaque jour. Une technologie qui ne sert à rien sinon de nous éloigner les uns des autres. Il n'y a qu'à regarder autour de nous, on a tous le portable à la main.
Merci monsieur Joncour pour ce beau roman, merci à babelio et sa masse critique et merci aux éditions Flammarion pour ce beau cadeau.
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Orcières un village du lot, dans le causse vert, c’est ici que débarquent, au printemps 2017, Lise une actrice, fatiguée de tourner, rêvant de renouer avec sa passion première, la peinture, et Franck son mari, intoxiqué par son boulot de producteur. Une maison à l’écart, au sommet d’une colline, la nature, le soleil, sans internet, sans téléphone, ne rien faire d’autre que méditer, marcher, respirer. Trois semaines en étant coupé de tout, Lise sait déjà qu’ici ils y seront heureux ou alors ce sera l’enfer. Et un chien-loup qui les observe, un chien sans collier qui n’appartient à personne.
Juillet 1914, l’Europe est un brasier, les hommes et les femmes goûtent l’instant comme si chaque soir devait être le dernier. À Orcières, personne n’en veut de cette guerre et pourtant le monde va basculer dans la folie, le feu et la peur et surtout le sang. Le tocsin de la mobilisation qui résonne au moment où les hommes lancent les moissons. Au lendemain du départ de leurs maris, les femmes prennent les choses en main.
Wolfgang, un dompteur allemand se réfugie avec son immense chien berger sur ces terres maudites d’anciennes vignes dévastées par le phylloxéra, pour sauver ses huit fauves, lions et tigres de la sauvagerie des hommes. Un déserteur étranger devenu un ennemi. Mais pourquoi se méfier d’un homme qui a choisi de s’éloigner du monde pour s’occuper de ses bêtes, mais à tout malheur il faut un coupable. Ce n’est pas ce que pense Joséphine veuve de guerre à 30 ans et qui est devenue aux yeux de tous une vieille fille et qui ressent au plus profond de son corps l’éveil du désir.
Serge Joncour nous raconte une légende sauf qu’elle est vraie, une histoire qui est toujours là à roder. Le récit va donc alterner entre deux époques, à un siècle de distance. Ce roman est avant tout une atmosphère, le causse et ses collines désertées par les hommes où seuls subsistent les cris des animaux sauvages. La sauvagerie et la cruauté de la guerre, les frayeurs, les peurs irrationnelles, l’angoisse quand on n’a pas de nouvelles du père, du fils ou du mari, les émotions, les désirs, l’amour, l’attente du retour, la violence. Il nous parle aussi du courage des femmes qui pendant la guerre ont accompli toutes les tâches de leurs maris que ce soit sur les terres ou dans les usines. Serge Joncour établit un parallèle habile entre les firmes américaines, géants du web, qui s’attaquent au monde du cinéma, prédateurs qui comme des loups éliminent d’abord les proies les plus faibles.

Des personnages auxquels l’on s’attache véritablement, une plume qui nous immerge à la fois dans les tranchées où les maris, les fils, les pères meurent et dans les campagnes où les femmes se tuent à la tache. Serge Joncour nous emmène dans une histoire où la nature, les animaux et les hommes sont sauvages.




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Un roman de Serge Joncour c'est avant tout une promesse. La promesse d'une évasion grâce à un conteur habile qui vous embarque dans une histoire captivante, originale et dépaysante. Promesse tenue, une nouvelle fois !

Dans un cadre unique, magnifique, une nature préservée et encore sauvage, au fin fond des collines d'un coin perdu du Lot, l'auteur mène en alternance deux histoires à deux époques bien distinctes.
Eté 1914, le monde bascule : les hommes partent pour la guerre laissant femmes, enfants et vieillards se débrouiller et s'adapter. Un dresseur de fauves allemand trouve refuge avec ses huit bêtes dans le désert végétal du mont d'Orcières. Survie, peur irraisonnée des villageois, amour aussi, tels sont les ingrédients parfaits pour que naisse une légende locale autour d'une maison isolée.
Été 2017, un couple bascule : Lise, parisienne à bout de souffle, persuade Franck, son mari producteur de cinéma ultra-connecté, de passer leurs vacances dans un coin paumé, sans aucune connexion internet. Ils louent...une maison isolée. Le challenge n'est pas mince et engendrera angoisse, remise en question et découverte d'un ailleurs, niché aussi au fond d'eux-mêmes.

Bien sûr, à une centaine d'années de distance, les protagonistes de ces deux trames ne se rencontreront pas, mais c'est tout l'intérêt du récit et le talent de Serge Joncour de rapprocher progressivement la légende locale du roman actuel, de connecter la sauvagerie des hommes en temps de guerre avec celle plus policée mais bien réelle de notre société.
Malgré un démarrage un peu lent, une atmosphère de guerre un peu pesante, j'ai franchement apprécié ce Chien-Loup, personnage à part entière dont je ne vous ai rien dit, sciemment. Pas question de trop en dire sur ce roman où l'on capte tellement plus que ne capte un portable…surtout au fin fond du Lot.
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L'Idole, U.V. ou encore le dernier en date Repose-toi sur moi paru en 2016 et récompensé la même année du prix Interallié et du prix du Meilleur roman français pour le Magazine Lire… Serge Joncour est désormais un nom solide qui trône en bonne place au milieu des rayonnages de nos librairies favorites. le voilà qui revient avec Chien-Loup publié chez Flammarion, son nouveau roman qui devrait surprendre les fidèles de l'auteur et combler les primo-lecteurs de notre homme. Pourquoi ? Lettres it be vous donne toutes les réponses dans les lignes qui suivent.

# La bande-annonce

L'idée de passer tout l'été coupés du monde angoissait Franck mais enchantait Lise, alors Franck avait accepté, un peu à contrecoeur et beaucoup par amour, de louer dans le Lot cette maison absente de toutes les cartes et privée de tout réseau. L'annonce parlait d'un gîte perdu au milieu des collines, de calme et de paix. Mais pas du passé sanglant de cet endroit que personne n'habitait plus et qui avait abrité un dompteur allemand et ses fauves pendant la Première Guerre mondiale. Et pas non plus de ce chien sans collier, chien ou loup, qui s'est imposé au couple dès le premier soir et qui semblait chercher un maître. En arrivant cet été-là, Franck croyait encore que la nature, qu'on avait apprivoisée aussi bien qu'un animal de compagnie, n'avait plus rien de sauvage ; il pensait que les guerres du passé, où les hommes s'entretuaient, avaient cédé la place à des guerres plus insidieuses, moins meurtrières. Ça, c'était en arrivant.

Serge Joncour raconte l'histoire, à un siècle de distance, d'un village du Lot, et c'est tout un passé peuplé de bêtes et anéanti par la guerre qu'il déterre, comme pour mieux éclairer notre monde contemporain. En mettant en scène un couple moderne aux prises avec la nature et confronté à la violence, il nous montre que la sauvagerie est toujours prête à surgir au coeur de nos existences civilisées, comme un chien-loup.

# L'avis de Lettres it be

Quelques morceaux d'Histoire qui s'entrechoquent avec l'existence des contemporains, un territoire aussi majestueux que sauvage, bien caché au coeur de notre Hexagone… Chien-Loup choisit pour éléments constitutifs autant de composants que l'on n'aurait jamais pensé pouvoir être croisés de la sorte. Avec son allant désormais habituel, Serge Joncour marque un retour aussi attendu que déroutant : qu'ont à faire en commun un couple uni mais sur la pente raide et en quête de renouveau, un coin de Lot et un « Boche » tout droit sorti de la vieille guerre et que l'on verrait réapparaître dans une légende locale ? Assurément, impossible n'est pas Joncour pour mener à bien un bon roman en plein coeur de cette féroce rentrée littéraire de septembre 2018.

Serge Joncour refait surface avec ce récit d'une banalité trop contemporaine qui croiserait la nostalgie des légendes passées. Chien-Loup reprend les éléments du drame romantique moderne avec toute la douceur conjugale et routinière qui va avec mais en ajoutant une pointe d'histoire locale, juste ce qu'il faut pour faire basculer deux existences bien loin des sentiers battus qui leur étaient pourtant promis. Et, de fait, le lecteur embarque dans cette aventure qui n'en est finalement pas une. Une fois encore, Serge Joncour parvient à garder le cap dans un roman haletant quoique jamais extraordinaire au sens du terme. Ce récit du banal fait mouche lorsque pointe quand nous nous y attendons peut-être le moins des éléments surprenants et dosés avec maestria.

Parce qu'il offre une littérature de tous les jours et des romans qui parlent au commun des mortels sans tomber dans les écueils de la facilité, parce qu'il ne fouille pas les tiroirs de l'Histoire à la recherche de faits bien dans l'ère du temps et au potentiel « sensibilité » (et commercial) avéré, Serge Joncour ne devrait pas habiter les listes des grands prix littéraires français autoproclamés. Surfant sur la vague de son succès populaire (au sens du terme), celui qui est aussi à l'origine, entre autres, du scénario du film à succès Elle s'appelait Sarah sorti en 2010 sur les écrans parvient à garder le cap de ses derniers succès littéraires passés. Chien-Loup voit ses pages tourner à toute vitesse, nombreux seront les lecteurs conquis et qui partiront volontiers bien loin sur ces territoires enchantés de France au côté de Lise et Franck. Une belle et agréable lecture. Monsieur Joncour, on en redemande.

Retrouvez la chronique en intégralité sur Lettres it be
Lien : https://www.lettres-it-be.fr..
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1914/2017. un village du Lot déserté par les hommes partis à la guerre, qui se débat pour survivre/Lise et Franck qui louent une maison paumée au milieu du Causse pour se ressourcer. Un dompteur et ses fauves qui trouve refuge dans cette campagne, plus ou moins bien accepté par le village/Franck qui se débat avec l'entrée d'associés dans sa société de production de films...
Rien à voir entre ces deux histoires, et pourtant ce lieu étrange et envoutant va réunir les deux récits, dévoilés en alternance chapitre après chapitre, jusqu'au final...
C'est vrai qu'il y a quelques longueurs dans le texte (cf la critique précédente), mais c'est très bien écrit, et cela participe à l'atmosphère du roman, cet endroit hors du temps, où tout parait long, répétitif, voire enfermant.
Un bon roman de la rentrée littéraire 2018.
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Je suis à la fois perplexe et ravie, ne sachant trop quoi penser du dernier livre d'un auteur que j'apprécie.
J'ai de la difficulté à cerner le fil rouge principal de cet étrange récit sur la confrontation des sauvageries animale et humaine, raconté sur deux temporalités.

Mettant en résonance une maison rurale d'un plateau perdu du Quercy (durant la guerre de 14/18 et de nos jours, louée en villégiature pour parisiens en quête de sérénité), Serge Joncour produit une fable étrange sur l'animalité du vivant (bêtes et hommes confondus), la notion de proie et prédateur, la vie et la mort, le "tuer" pour tuer ou pour se nourrir, la cruauté humaine, le tout sur fond de superstitions ancestrales.

Si la thématique peut dérouter, elle est néanmoins diablement bien racontée car l'auteur s'y entend à distiller une atmosphère d'inquiétude et de drame annoncé. C'est aussi une plongée magistrale dans la nature, tous sens en alerte et une profusion d'images de désert rural et de nature authentique, qui effraie autant qu'elle attire.

Beaucoup d'interrogations sur la chaîne alimentaire du vivant, sur le besoin de l'humain à rester carnivore, à prendre le large d'une société consumériste, à larguer les amarres pour se ressourcer en solitude.

Insolite et original, mais addictif et merveilleusement écrit!
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un belle découverte d'un auteur que je ne connaissais pas.
Serge JONCOUR sait créer des personnages approfondis, sensibles, attachants ainsi que des atmosphères pesantes, lourdes, écrasantes.
Le livres s'articule autour de deux histoires l'une en 1914 et l'autre de nos jours avec pour point commun une maison dénuée de tout confort et de toute civilisation, perchée sur le mont Orcières, un mont maudit empli de mystère et où plus rien ne pousse.
Les personnages féminins sont touchants de volonté et de détermination. Les animaux domestiqués et sauvages tiennent une grande place dans l'histoire et apportent un côté vulnérable, pour ces pauvres brebis qui paissent non loin du mont, et un côté violent, par les lions et les tigres qui vivent reclus, avec leur dompteur, dans le jardin de la maison . Les chiens aussi ne sont pas en reste, ils sont gigantesques, un peu sauvages et pratiquent "la recherche au sang" comme disent les chasseurs par là-bas.
En 1914, ce mélange entre la guerre, les femmes, les rumeurs et les animaux, toute cette tension, ces manques, ces frustrations montent petit à petit.
De nos jours et par la chaleur écrasante du mois d'août, un couple parti en vacances pour se retirer de la civilisation, de la modernité et de tout moyen de communication voit sa quiétude troublée par l'arrivée d'un chien hors du commun.
Quelques longueurs mais j'ai passé un agréable moment de lecture. A suivre.
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L'homme est un loup pour l'homme. Serge Joncour a fait de cette constatation, vérité universelle et aphorisme remontant à la Rome antique (fondée elle-même par des frangins élevés par une louve) un roman fort et dense. Deux périodes sont choisies par l'auteur de « Repose-toi sur moi »(déjà brillant, bouleversant et chroniqué sur notre page, au début de notre histoire) pour développer ce constat. Les premiers jours de la 1ère Guerre Mondiale dans le causse du Sud de la France et le même endroit mais en août 2017.
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Frank et Lise choisissent pour leur vacances d'été une propriété loin de (vraiment, mais alors vraiment) tout. Au-delà du décalage violent pour Frank entre la civilisation bruyante dans laquelle il travaille et s'épanouit (moins que l'on ne croit) et ce désert silencieux et non-connecté, Frank et Lise vont ressentir les échos de cette guerre du passé dans leur vie (qui pourrait être la nôtre) si moderne.
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Serge Joncour réalise ce que peu d'auteurs contemporains parviennent à réaliser : un roman poignant, reculant devant toute facilité, prenant son temps dans la démonstration et surtout avançant avec la résignation patiente d'un loup à l'affut. le Chien est la métaphore de ce qui en l'homme peut se domestiquer et taire ses plus vifs et viles instincts et le Loup la part de sauvagerie que le contact à la nature et à la peur peut réveiller en tout un chacun. « Chien-Loup » est à la fois une oeuvre moderne car il met audacieusement en parallèle le prédateur sauvage et Netflix (et oui !) et un roman classique, imparable, dont la force se ressent en tout temps et en tout lieu. Il est rare pour le lecteur d'aujourd'hui d'avoir ce sentiment vertigineux d'être le jouet d'un auteur au sommet de son art, se sentir sonné à la fin de sa lecture par la justesse du propos. Bravo Monsieur Joncour et merci !
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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C'est une belle histoire que nous raconte là Serge Joncour, un roman à la Giono, mêlant hommes et bêtes dans des territoires reculés, des terres quasi sauvages où la nature prolifère.
Lise, actrice parisienne sans emploi, a repéré une location de vacances sur Internet : dans le Lot, « au coeur du triangle noir du Quercy », à une demi-heure de Limogne, une maison inoccupée depuis fort longtemps sur une hauteur au milieu d'une espèce de jungle, un lieu très difficile d'accès - ils devront louer un 4X4 -, sans télé ni Wi-Fi. Et le premier village à 25 km ! Tandis que Lise trouve ce gîte idéal pour l'été, Franck, en vrai Parisien, n'imagine même pas une seule seconde un mois d'août dans ce trou perdu sans que mort s'ensuive.
Je vous laisse deviner qui aura le dernier mot…
À peine arrivée, Lise admire le paysage à couper le souffle, heureuse d'être enfin loin des mauvaises ondes et de la pollution urbaine : elle souffle, se sent immédiatement dans son élément. Rien ne l'effraie : ni le côté rustique de la maison, ni l'absence de confort, ni cette nature rude et sauvage, ni les feulements et les hurlements nocturnes, ni les yeux gris-vert qui dans l'obscurité les regardent prendre leur premier dîner sur la terrasse.
Franck, lui, est perdu : il est clairement hors de sa zone de confort, court partout pour tenter de choper une barre, une toute petite barre qui lui permettrait de communiquer avec ses contacts. « Sans plus le moindre sang-froid il se mit à marcher de long en large pour essayer d'attraper du réseau quelque part, il tenait le téléphone tendu devant lui, comme une télécommande pour rallumer le monde. » Son métier de producteur le contraint à rester joignable n'importe quand, d'autant que ses nouveaux collaborateurs sont prêts à pactiser avec le diable, en l'occurrence Netflix et Amazone, ce que Franck, adepte du cinéma en salle, refuse catégoriquement. Loin de tout, il a le sentiment de ne plus rien maîtriser et de se faire manger par ses deux collègues formatés par les jeux vidéo, deux jeunes loups qui veulent livrer son catalogue de films au plus offrant.
Pour lui, c'est clair, il ne restera pas trois semaines dans ce lieu.
En attendant, ils sont seuls comme des naufragés sur une île déserte. S'il leur arrivait le moindre problème, personne ne pourrait leur venir en aide.
Personne.
Que feront-ils lorsqu'un chien-loup viendra tourner autour de la maison ?
Parallèlement à l'histoire de Lise et de Franck, Serge Joncour nous en raconte une seconde, une plus ancienne qui commence en juillet 1914. Dans ces mêmes lieux, un siècle plus tôt, dans un village appelé Orcières-le Bas, hommes et animaux sont réquisitionnés : c'est la guerre. Ils doivent partir. Fernand le maire a l'idée géniale de cacher sur le mont, dans des prairies, deux cents moutons. Parce qu'il faut bien que les gens mangent. Mais ce qu'il doit cacher ne s'arrête pas à cela : dans des carrioles bariolées estampillées Pinder viennent de débarquer huit grands fauves, cinq lions et trois tigres, accompagnés de leur maître, un dompteur musclé à l'accent allemand : Wolfgang Hollzenmaier.
Or le tocsin vient rapidement mettre fin à cette ambiance de fête : le chapiteau est démonté au plus vite, les clowns, jongleurs et acrobates sont réquisitionnés. Il reste juste un dompteur qui veut protéger ses bêtes. Que fait-on d'un dompteur allemand en temps de guerre et de surcroît sur un territoire ennemi ? le livre-t-on aux autorités ? Et puis, ces fauves, il faut qu'ils mangent ! Les animaux vont-ils passer avant la population qui a faim ? Ne risquent-ils pas de s'échapper à la moindre occasion et de se jeter sur les enfants du village ? le maire et l'instituteur insistent pour qu'on les cache et c'est ainsi que l'homme et ses fauves trouvent refuge dans une maison en hauteur… celle-là même que loueront Lise et Franck un siècle plus tard sans imaginer une seule seconde tout ce qui a pu se passer dans cet espace où ils comptent se reposer !
Les lieux gardent-ils la mémoire des événements passés ? Les fauves de Wolfgang hantent-ils les lieux un siècle plus tard ? Rôdent-ils encore le soir aux abords de la maison, prêts à dévorer les petits Parisiens vegan à la chair tendre ?
Comment Franck va-t-il supporter cet isolement qui, paraît-il, peut rendre fou ? Va-t-il vaincre sa peur, accepter d'être observé le soir par on ne sait quelle bête féroce ?
Oui, il y a du suspense dans ce roman et beaucoup de tension. On sent que quelque chose va craquer comme ces violents orages qui déchirent le ciel au coeur d'un été étouffant.
Mais surtout, c'est une histoire magnifique, de celles qu'on n'écrit plus vraiment, une histoire d'hommes et de bêtes, de violence et d'amour, de haine et de complicité, de peur et de tendresse. Oui, une bien belle histoire, permettant aussi d'explorer la part de « sauvage » présente dans tout être civilisé et qui ne demande qu'à refaire surface si l'occasion s'en présente.
Allez, pour apporter un bémol à cette avalanche de compliments, il me semble que ce texte fabuleux aurait peut-être mérité une écriture avec plus de relief, plus d'éclat, une écriture qui aurait eu quelque chose à voir avec celle de Giono... (Mais sans doute, est-ce ma passion pour l'auteur d'Un Roi sans divertissement qui m'égare ?)
Et puis, je me demandais s'il n'était pas possible d'échapper à l'alternance par trop mécanique de courts chapitres renvoyant aux deux époques du livre, procédé tellement répandu actuellement...
Peut-être suis-je bien sévère pour finir… Car je le répète : j'ai pris un immense plaisir à lire ce scénario captivant, cette folle histoire d'hommes et de bêtes dont je ne peux que vous conseiller la lecture !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Ce roman m'a beaucoup intrigué tout le long de sa lecture. Que d'imagination.
Le parallele entre 1914 et 2017 est très intéressant.
Nous apprenons beaucoup sur la période de la vie de ce village pendant la guerre.
Quelle austérité la même que l'on retrouve en 2017 quand la maison est abandonné à la sauvagerie de la nature.
Le retour à l'état sauvage est-il possible ?
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