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Critique de Kirzy


Kirzy
06 septembre 2020
°°° Rentrée littéraire 14 °°°

Ce roman est un tour de force : en 400 pages, il décrypte trente années d'histoire politique et sociale française, trente années de transformations radicales à partir d'une ferme du Lot, parvenant à relier le local et le global, mêlant grands événements et destins individuels scrutés jusqu'à l'intime de façon magistrale.

1976 – 1999, de la grande sécheresse de l'été 1976 comme une annonce du dérèglement climatique à venir, à la tempête dévastatrice du dernier jour de 1999 comme une fin des temps, celle d'Alexandre, éleveur bovin quadragénaire, qui semble attendre l'arrivée des gendarmes. le premier chapitre fait peser une tension et un suspense qui planera durant tout le roman, juste par la force du mot «  détonateur ». A partir de là, c'est toute l'histoire d'Alexandre, de sa famille d'agriculteurs, qui se déroule pour comprendre les mécanismes profonds qui ont conduit Alexandre à cette radicalité annihilatrice.

Le roman dresse un panorama complet à hauteur d'homme d'une agriculture bouleversée par la mondialisation et par trente ans de mutations souvent insensées : de la mort de la polyculture familiale à l'élevage intensif, de l'exode rural à la crise de la vache folle, des paysans activistes d'extrême-gauche à la pression des grandes surfaces qui dérégulent les pratiques, de la désertification des campagnes à la dévitalisation des terres gavées d'ammonitrates. le choix de démarrer ce récit en 1976 est très pertinent car c'est aux alentours de cette période que s'accélère la mondialisation de façon irréversible jusqu'à une folie vertigineuse.

Serge Joncour est un maitre en matière de restitution de toute une époque, multipliant, en plus des thématiques évoquées précédemment, les références à l'histoire de France ( élection de François Mitterrand, nuage de Tchernobyl, marée noire d'Erika ) mais aussi à une culture d'époque ( des téléphones en bakélite en passant par les supermarchés Mammouth ). C'est extrêmement précis, ça bouillonne de vie de partout … peut-trop d'ailleurs par moment, j'aurai aimé voir certains thèmes plus approfondis, mais le projet de l'auteur est d'en faire un cadre dense à son intrigue romanesque.

Car du romanesque, il y en a. On n'est absolument pas dans le récit froid et désincarné d'une époque. Les personnages sont magnifiquement campés, à commencer par l'attachant Alexandre, un superbe personnage que l'on voit grandir, réfléchir, se remettre en question puis s'insurger, lui qui traverse les transformations d'un monde paysan qu'il croyait immuable et qu'il voit menacer de toutes parts. Et puis il y a son histoire d'amour avec Constanze, d'un romantisme fou, atypique et puissante.

En fait, cette épopée rurale est un hymne célébrant la poésie de la vie et de la nature, superbement décrite, enveloppant les personnages de sa bienveillance. Comme le titre l'indique, l'homme n'est pas un élément dissociée du décor, il est un élément du décor, il est un parmi les végétaux et les animaux. Serge Joncour donne une dimension quasi animiste à la terre, animée de forces qu'on ressent pour peu qu'on vive à son contact. Pour autant, ce roman terrien et sensible à la fibre écolo n'est jamais naïvement passéiste ou réactionnaire. Il est juste d'une grande acuité pour nous faire réfléchir sur le monde dans lequel nous souhaitons vivre, sonnant avec subtilité le réveil des consciences et de l'indignation légitime face aux travers de notre époque. Je regrette juste une écriture un peu terne qui ne m'a pas emportée autant que le sujet.
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