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Citations sur Que la paix soit avec vous (24)

Chacun est l'enfant du vocabulaire qui l'a inventé. Dans mes premiers âges, mes parents ne me parlaient pas. La journée ils travaillaient, et le soir ils finissaient tard. Mais ils sont toujours restés. Plus d'une fois j'ai chialé, de peur qu'ils ne rentrent pas, de devenir fils unique à ce point là. Et pourtant, quand on se retrouvait à table, les week-ends surtout, on se taisait, c'était peut-être notre façon de s'aimer. Mon père souvent parlait alsacien, ma mère répondait en français, en général, elle ne répondait pas.
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Le plus émouvant dans le journal de 20 heures, c'est de savoir que tout le monde le regarde en même temps. Tous les soirs je suis de la belle fraternité, j'y participe, un peu en retrait, en spectateur. Le journal télévisé c'est comme les accidents au bord de la route, les gens s'arrêtent pour voir, même pas vraiment par compassion, d'avance ils savent qu'ils n'y peuvent rien. Chaque soir on est là par millions, à voir enfler le spectacle tout en se remplissant soi-même, de bière, de chips ou d'un vrai repas, pour la plupart ils sont à table comme moi, ils avalent à mesure que les sujets passent, ils s'enfoncent comme des pieux dans un désarroi total. Au même moment, tous les regards se portent sur les mêmes images, de la bicoque au fin fond de la Corrèze aux immeubles de la Cité d'Evry, des banlieues pavillonnaires au quartier du Mirail, des cellules de Fleury aux fermettes perdues sur le Causse, tout le monde joue à se faire peur, et c'est fatal, à force de regarder vient le goût de la surenchère, cette nécessité que chaque effet surclasse le précédent.
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Je ne serai jamais de ces époques où il y avait un choix définitif à faire, qui demandaient de s'en remettre à des valeur suprêmes, des époques où l'on se révélait héros d'avoir osé parler ou de s'être tu. Toute certitude sur ma bravoure relève de la seule projection. Faut-il en avoir dans le ventre pour aller se battre, ou plus encore en n'y allant pas ? Est-i plus louable de mourir pour une idée plutôt que de vivre tout simplement pour soi ? En m'épargnant ces questions, l'histoire aura fait de moi une ombre perdue dans sa propre paix, en quête de sa propre paix. Un partisan de l'espoir personnel, mais certainement pas un homme en paix.
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Quand l'insomnie me traque aux premières lueurs de l'aube, je soirs comme un homme qui aurait à faire, un homme qui se lèverait tôt. Rue Saint-Antoine, je m'installe sur une chaise en terrasse, commande un café serré que je laisse refroidir, je regarde les matinaux. Tout un monde me passe devant, des gens hypnotisés par l'idée d'un devoir. Les uns filent à scooter vers des postes conquis, les autres partent à pied, les moins audacieux hoquettent leur parcours dans des crédits à quatre roues, tout contents d'enchaîner trois feux verts, il y a ceux qui méritent leur bus après avoir couru, des cyclistes qui risquent leur peau au moindre croisement, des mômes sous les cartables qui vont coloniser le savoir, des petits vieux qui jouent la montre en faisant leurs courses avant tout le monde, des commerçants qui se croient libres le temps d'un express au bar, des postiers décuplés par l'envie d'en finir, je suis perdu au milieu de ça, j'aurais presque le sentiment de gêner, c'est la marée des certitudes qui tiendra le pavé jusqu'à ce soir. Le monde va droit vers son petit miracle d'organisation, c'est le moment où ça semble encore fonctionner, où ça a l'air cohérent. Les errants viendront plus tard, les chômeurs présument de leur désolation dans des salles de bains froides, les SDF commencent à peine de piétiner leur journée.
Quand le monde se remet en route, ça fait un bruit pas possible. Faudrait arriver à parler fort pour participer à ça, mais dans la vie en vrai on ne prend jamais les trains en marche.
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C'est magique le téléphone portable, ça permet de ne même plus se voir, on s'appelle, on se dit qu'on se verra, mais d'abord il faudra qu'on se rappelle pour mettre tout ça au point, alors on se rappelle pour se dire quand, quand on va se voir, mais d'abord on se repassera un coup de fil pour confirmer tout ça, hein, à quelle heure, de quel jour ? Oui c'est ça, de toute façon on se rappelle pour mettre ça au point. Le portable c'est la télépathie sur forfait, la forme la plus extrapolée de présence, même les plus cyniques sont jouables.
La classe vraiment c'est quand le portable sonne tout le temps, ça donne une importance, cette nécessité d'être joignable à tout moment, ça confine à la dignité. Rien n'est plus dévalorisant qu'un portable qui ne sonne pas, moi parfois au café je le mets sur la table, pour être sûr de bien entendre au cas où, et en fait non, je peux parfois me lire le journal entier et me commander trois cafés, sans que ça ait sonné une fois, de la journée il ne sonnera pas.Alors je le regarde, je l'empoigne, je vérifie, voir si ça capte bien, si le réseau est là, au pire je me réécoute un vieux message que j'ai archivé depuis une semaine, une voix d'hôtesse électronique m'annonce que mon message ne sera plus sauvegardé que pour une journée seulement, autant dire que demain ma messagerie sera vierge. C'est pas grave. Je me relaisserai un message, un de ceux que je me fais parfois pour être sûr que mon téléphone marche, rien n'est plus humiliant que de se faire suspendre le forfait, c'est bien là ce qui s'appelle être coupé du monde.
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Mars c'est le mois de l'hiver insoluble, celui où l'on en vient à se dire que ça ne finira jamais, qu'on n'en sortira pas.


Une vie peut se jouer sur une rencontre.
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à la télé on n'hésite plus, on montre des bouts de corps, pourtant il n'y a pas pire impudeur que ces morts affalés dans leur déveine, alors que quand il s'agit de soi, on ne supporterait même pas l'idée d'être surpris dans son sommeil
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Je suis bien la personne au monde avec laquelle j’aurai passé le plus de temps, il n’y a pas de quoi sourire ou s’apitoyer, on en est tous là, à s’accompagner du mieux qu’on peut, à se suffire, il y en a même que ça éblouit.

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Les morts se taisent, les vivants ne veulent pas entendre et les survivants ne peuvent pas parler.

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C’est encombrant d’en apprendre sur les autres, c’est prendre le risque de s’en rapprocher.

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