Mérovée

Jean arrive de la ferme de ses parents dans le Lot pour être policier à Montvermeil, un des points les plus chauds de la banlieue parisienne. A peine est-il arrivé qu'il se fait tabasser en essayant de venir au secours de sa coéquipière. Mais il trouve du réconfort en la personne de son collègue Raymond, un vieux de la vieille qui en profite pour l'enrôler dans son organisation fascisante et raciste Mérovée, du nom d'un des rois francs (cf. les Mérovingiens). Lors d'une opération du groupuscule, un témoin assiste à un assassinat mis au point par Mérovée. On confie à Jean la mission de supprimer ce témoin, Rachid, mais il tombe éperdument amoureux de lui. ● le récit tient le lecteur en haleine du début à la fin. Les événements s'enchaînent à un rythme soutenu, comme dans un engrenage implacable. C'est très bien fait. Certains rebondissements sont très inattendus. ● L'auteur, sur un sujet brûlant qui mêle racailles des cités, petits et grands caïds, et homosexualité, parvient à slalomer autour des clichés sans jamais se les prendre de plein fouet. ● Je me suis demandé pourquoi ce livre n'avait pas eu plus de succès, pourquoi l'auteur avait publié deux livres chez Gallimard en 2000 et 2002, puis plus rien jusqu'à celui-ci en 2008 chez Léo Scheer, puis à nouveau plus rien. Puis je me suis rappelé l'affaire « Rose bonbon », son livre de 2002 qui a défrayé la chronique et fait parler jusqu'à Nicolas Sarkozy : dans ce roman il se met dans la peau d'un narrateur pédophile. Il est donc apparemment devenu persona non grata chez Gallimard et en quelque sorte tricard dans toute l'édition parisienne, sauf Léo Scheer (qui recueille souvent les auteurs en rupture de ban). C'est bien dommage car il a un réel talent. J'espère qu'il pourra un jour republier. Mais peut-être préfère-t-il à l'écriture de romans son activité de scénariste à France Télévisions qui semble florissante (Cassandre, Meurtres à…, Nina,…). ● Je remercie @LicoriceWhip qui a appelé mon attention sur ce livre grâce à sa critique et à mon tour je recommande cet ouvrage remarquable.

Bienvenue à "Montvermeil", dans ce qu'on appelle une banlieue "chaude", une ville de vingt-cinq mille habitants avec ses barres de HLM, sa violence quotidienne, ses jeunes sans avenir, s'occupant à des trafics divers.
Jean est un jeune policier qui débarque dans la cité, après avoir fui un milieu familial intolérant et étouffant; il a quitté la ferme parentale du Lot et se trouve propulsé dans une autre monde.
Le choc culturel est immense, comme on peut s'en douter.
Raymond, 55 ans, prend sous son aile ce jeune policier et va vite l'introduire dans un cercle aux visées racistes, ce cercle, "Mérovée", du nom du grand-père de Clovis, a pour but d'instaurer une suprématie de la race blanche.
Pour le jeune policier, cela va être le début d'une immédiate descente aux enfers.
Il va rencontrer un jeune Arabe des cités, Rachid, qui va faire basculer son système de valeurs et son identité.
C'est un livre "fort", "dur", qui va à l'encontre de certains tabous.
Il donne un image sans complaisance de la vie dans les cités et des affrontements entre la police et les habitants concernés.
Un livre nécessaire, pour montrer la violence et le mal-être qui existent dans ces zones difficiles.

Jean est flic, débarquant de la ferme familiale perdue dans le Lot pour être parachuté dans les pires zones de non-droit de la banlieue parisienne. Dès les premiers jours, il se retrouve à l'hôpital avec deux collègues, multiples fractures et illusions qui s'envolent. Mais il y a son collègue Raymond. Paternel, bourru, le vieux de la vieille à qui on ne la fait pas. Il va protéger Jean à sa manière, en l'enrôlant dans “Mérovée”. Un groupuscule où ils sont quatre désormais à faire justice eux-mêmes envers “ces salauds d'arabes” et ces quartiers où la police ne passe plus sans manquer de prendre un cocktail molotov sur le pare-brise. Jean se dit que c'est mieux que rien, il y prendrait presque goût. Jusqu'à ce soir où lors d'une “descente” de Mérovée qui tourne mal, on l'envoie supprimer un témoin gênant. Mais Jean aime les hommes. Et face à Rachid, le témoin gênant, le coup de foudre est brutal, violent. Rien ne sera simple.

Après le scandale de Rose bonbon, livre vendu sous blister qui a valu à son auteur d'être à peine soutenu par son éditeur, et une sacrée volée de bois vert pour avoir osé endosser le rôle d'un narrateur pédophile, Nicolas Jones-Gorlin a attendu longtemps de republier un roman. Mais il est resté attaché aux sujets inflammables ; Mérovée est un roman de 200 pages, dont la densité et le tranchant sont tels qu'on ne peut que le lire lentement, petits bouts par petits bouts, c'est nécessaire pour le digérer. Nicolas Jones-Gorlin déroule son histoire avec une netteté tranquille et implacable. Une histoire casse-gueule où l'on redoute tous les clichés sur la banlieue, les racailles, les pédés, raccourcis faciles et argot de rigueur. Si la langue qui anime Mérovée est pleine de violence rampante, elle reste comme contenue, telle une menace tapie dans l'ombre, c'est elle qui tient le lecteur par les tripes comme un poing fermé. Violence des actes du groupe Mérovée. Violence du passé de Jean. Violence de ses sentiments pour Rachid. Violence de cet univers de béton et de poutrelles métalliques dont la description semble sortie d'un roman de SF post-apocalytique. Qualité très rare, il arrive à rendre tout à la fois ses personnages attachants et méprisables. Jean dont la vitalité débordante pourrait aussi bien être mue par l'énergie du désespoir, apparait profondément humain bien avant d'être flic et pédé. “Flic et pédé. T'as vraiment pas de chance.” Dialogues taillés au rasoir contre monologues plein de spleen et de rage, et une intrigue comme savent les mener les vrais romanciers.