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Citations sur Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte (24)

La violence qui régnait au collège, dans la cour de récré comme dans les couloirs, les incidents à répétition en classe, les bagarres incessantes, le niveau effarant des élèves après tant d'années de scolarité, les trois cent mots de vocabulaire dont ils disposaient, en comptant large, le néant culturel, l'agressivité à fleur de peau, la détresse sous-jacente, l'océan de misère dans lequel ils surnageaient, oui, c'était dur, très dur. Ce n'était pas réellement un travail de prof.
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On l'a élevé dans un nid bien trop confortable. Tiens, l'autre jour, sur je ne sais plus quelle chaîne, j'ai regardé une de ces émissions à la con, de la téléréalité... Une bande de petits merdeux, exactement comme le nôtre, figure-toi qu'ils signent une sorte de contrat moral avec une association qui les expédie au fin fond des Vosges. En pleine forêt. Ils dorment sous la tente, à la dure, ils coupent du bois, ils observent des animaux à la jumelle, mais le principal, c'est que pendant trois semaines, ils sont totalement coupés de leur milieu habituel. Plus le droit de fumer un joint, ni d'écouter leur musique de tarés, le shit et les baladeurs sont confisqués dès le premier jour. Fouille à corps, ambiance militaro. Et ça marche. Si on confiait Adrien à ces gens-là, je te parie tout ce que tu veux que ses histoires de vampires, ce serait réglé. La pédagogie du coup de pied dans le cul, parfois, c'est efficace !
(p. 122-123)
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Djamel n'osait presque plus sortir de chez lui. Il sécha le collège les derniers jours avant les vacances de la Toussaint. Son visage couvert d'ecchymoses faisait peine à voir. Ses parents ne s'en formalisèrent pas. Bien avant lui, son grand frère Bechir était souvent rentré au bercail dans un tel état. Des bagarres de gosses, rien de plus. Et d'ailleurs, c'était ainsi que Bechir s'était endurci et avait trouvé une place de videur au Sexorama de la place Pigalle, un vrai travail où il ne se salissait pas les mains et ne courbait pas l'échine sous les ordres d'un cheffaillon raciste, comme le daron, sur ses chantiers... Ceinture noire de karaté, il était, Bechir, et ça, c'était mieux que tous les diplômes pour obtenir le respect.
(p. 225)
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La confusion la plus totale régnait dans les esprits [de 3e B]. Moussa s'acharnait contre un musulman, ça, c'était pas bien, mais d'un autre côté, Djamel, il avait pas le droit d'insulter les blacks, et justement, dans la classe, il y en avait, des blacks musulmans, même si lui, Moussa, il l'était pas, musulman, alors c'était vraiment compliqué de s'y retrouver.
(p. 180)
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Chacun commentait à sa façon la première escarmouche de cette rentrée [au collège]. La confrérie des pédagogues se répartissait en deux camps bien distincts. Les durs à cuire qui, une bonne fois pour toutes, grâce à une alchimie relationnelle aux ingrédients mystérieux, véritable formule magique, étaient parvenus à s'imposer, et les autres, qui, à des degrés divers, devaient remonter au créneau à chaque début de cours.
Anna retrouva Guibert près du distributeur à café. Livide.
- Ça s'est pas bien passé du tout, chuchota-t-il. Et toi ?
- Pas trop mal... Tu as un truc, là, sur la manche...
Guibert s'empourpra. Un résidu de crachat. Anna lui tendit un Kleenex.
- Et dans le dos aussi, ajouta Anna. Attends, je vais le faire...
La veste de l'angliciste était parsemée de taches de même nature. Anna les essuya, une à une, épuisant toute sa pochette. Guibert ne savait plus où fuir. Il avait trouvé refuge dans l'angle de la machine à café et s'y renfrognait, rongé par la honte.
(p. 63)
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Chacun chez soi, et on nique tous les autres... Tiens, tu veux que je te dise ? Les keufs, en ce moment, ils se branlent à mort sur la Brèche-aux-Loups, là-bas, y a un taré qui arrose le secteur à l'héro, un gaulois qu'est sorti de zonzon y a pas longtemps, d'après ce qu'on m'a rapporté. Tant pis pour lui, il va se récolter toutes les emmerdes ! Toi et moi, Saïd, on est des sages, moi, avec mes putes, c'est vieux comme le monde, et ça cessera jamais, toi avec le shit, pareil, même si y a des députés qui veulent le vendre dans les bars-tabacs, ton chichon... Alors, qu'est-ce qu'on risque ?
(p. 139)
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En ce début du mois de septembre 2005, le seul écho du monde qui avait ému la classe, entre deux pubs, deux clips de rap, deux matchs de foot et la rencontre sur le ring de 'fight' Foster vs Kupitea, les idoles de Moussa, ce fut bien le cyclone Katrina. La Louisiane dévastée. A la fin de la maudite heure du vendredi après-midi, de dix-sept à dix-huit, Anna relâcha un peu la pression pour laisser ses élèves organiser un "débat". Bien mal lui en prit.
Djamel ouvrit le bal en affirmant qu'Allah avait puni l'Amérique à cause de la guerre que les juifs et les croisés menaient contre les frères irakiens ! Moussa sursauta, indigné. La télé, il l'avait bien regardée. C'étaient ses frères noirs à lui, les pauvres, les descendants d'esclaves, qui souffraient le plus, alors quoi, Allah, Il en voulait aux blacks ? Fallait le dire tout de suite ! A ce train-là, c'était peut-être aussi Allah qui avait foutu le feu dans les immeubles parisiens durant l'été, où des tas de familles africaines avaient crevé brûlées vives ? Partout, pas seulement en Louisiane, les blacks n'en finissaient plus de dérouiller ! Même que les crocodiles, ils avaient envahi les rues de la Nouvelle-Orléans pour s'attaquer aux survivants, Moussa l'avait bien lu dans 'Choc' avec les photos et tout ! Djamel, il allait se faire pécho dans pas longtemps s'il continuait à raconter ses conneries de baltringue ! [...] En moins d'une minute, les "apprenants" d'origine africaine, pourtant musulmans dans bien des cas, s'étaient dressés face aux Maghrébins qui, même s'ils n'étaient pas certains d'avoir raison, soutenaient Djamel.
Anna fut épouvantée d'avoir, bien malgré elle, déclenché un conflit ethnique sous prétexte de "débattre". Lakdar intervint avec calme. Il ne comprenait pas où Djamel avait entendu dire de telles choses, certainement pas à la mosquée de la Cité du Moulin. Jamais l'imam Reziane n'avait expliqué ça. Djamel s'empêtra dans une argumentation foireuse. Il finit par capituler, les bras croisés, les yeux rivés sur le bout de ses baskets.
(p. 132-133)
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Djamel le regarda avec des yeux ronds. Encore plus admiratif. Il avait l'air de rien, Lakdar, toujours sage au collège, toujours prêt à rendre ses devoirs à l'heure, à bien répondre aux questions des profs, style limite lèche-cul, et total il connaissait un keum qui faisait le Djihad ! Vas-y la ruse ! Lakdar, c'était le plus fort ! Tous les super coups de vice, il les connaissait à donf' !
(p. 310-311)
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Extrait du Poème de Victor Hugo dont l'un des vers sert de titre au roman :

Étant les ignorants, ils sont les incléments
Hélas combien de temps faudra t-il vous redire
À vous tous que c’est à vous de les conduire
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité
Que votre aveuglement produit leur cécité
D’une tutelle avare, on recueille les suites
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.
Vous ne les avez pas guidés, pris par la main
Et renseignés sur l’ombre et sur le vrai chemin,
Vous les avez laissés en proie au labyrinthe
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte
C’est qu’ils n’ont pas senti votre fraternité.
Comment peut-il penser, celui qui ne peut vivre ?
Quoi ! Pour que les griefs, pour que les catastrophes,
les problèmes, les angoisses,
et les convulsions s’en aillent, suffit-il que nous les expulsions ?
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Département du 9-3, septembre 2005. Anna Doblinsky, une jeune diplômée d'un IUFM, rejoint son premier poste au collège Pierre-de-Ronsard à Certigny. HLM, zone industrielle, trafics de drogue, bagarres entre bandes rivales et influence grandissante des salafistes, le décor n'est pas joyeux.

Dès le premier jour, Anna est brutalement rappelée à sa judéité par des élèves mus par un antisémitisme banal et ordinaire. Lakdar Abdane, un jeune beur particulièrement doué, ne demanderait, lui, pas mieux que d'étudier, mais n'y arrive pas depuis qu'il a perdu l'usage d'une main.

Tout serait-il écrit ? Certes non, mais une fois enclenchées, il est des dynamiques qui ne s'arrêtent pas aisément. Et la mort est au bout.

Commencé bien avant les émeutes des banlieues et le meurtre d'Ilan Halimi, ce roman dit des territoires que la République se doit de reprendre au plus vite à la barbarie.
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