AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
La roue du temps - Intégrale tome 12 sur 14
EAN : 9791028118327
792 pages
Bragelonne (06/10/2021)
4.65/5   63 notes
Résumé :
La Roue du Temps tourne et les Ages naissent et meurent, laissant dans leur sillage des souvenirs destinés à devenir des légendes. Avant l'Ultime Bataille, Rand lutte encore pour unifier des royaumes séparés par d'anciennes querelles, tout en s'efforçant de négocier une trêve avec les Seanchaniens. Autour de lui, ses plus fidèles alliés s'inquiètent. S'il continue à s'endurcir, vidé de toute émotion, aura-t-il la force d'âme requise, au mont Shayol Ghul, pour livrer... >Voir plus
Que lire après La roue du temps - Intégrale, tome 12 : La tempête imminenteVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
4,65

sur 63 notes
5
10 avis
4
0 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
0 avis
Voilà, ce qui devait arriver arriva, me voilà à lire les derniers tomes en vo puisqu'ils n'ont encore jamais été traduits chez nous. J'ai longtemps repoussé par crainte d'être gênée par la langue tant j'ai l'habitude des termes français et surtout par peur de ne pas aimer le changement de voix vu que ces derniers tomes ont été écrits Brandon Sanderson d'après les notes de Jordan après sa mort. Mais je me suis complètement trompée, que ce soit la langue originale qui ne m'a pas du tout gênée et où on retrouve bien les termes qu'on connait (ce qui prouve que la traduction était bonne), ou la prise en main de Sanderson que j'ai beaucoup aimé, mes appréhensions se sont envolées. Que reste-t-il maintenant : un excellent tome où tout s'accélère !

Revenons un instant sur la touche Sanderson qui est vraiment présente ici. Grâce à lui, nous nous retrouvons d'un coup avec une écriture et un rythme bien plus dynamique. On change de siècle en quelques sortes ! Finies les longues, très longues parties centrées sur un personnage et place à une alternance bienvenue pour gérer autant de têtes. Finies les introductions et les chapitres à rallonge, on revient à un format plus court, plus vif et incisif. Finies (ou presque) les trop longues descriptions cassant le rythme, on ne garde que l'essentiel. du coup, on se retrouve avec un récit bien plus dynamique et agréable à suivre qu'avant, avec en prime un développement de la psyché des personnages plus important, enfin !

Avec Sanderson, nous passons donc à la vitesse supérieure et il était tant à 3 tomes de la fin, avec des personnages à foison éparpillés un peu partout. Pour mettre un peu d'ordre dans tout ça avant le grand final, dans ce tome, l'auteur se concentre donc sur les deux principaux : Rand et Egwene, laissant en retrait (et pour plus tard ?) d'autres comme Mat, Perrin ou bien Aviendha. J'avoue que ce choix ne m'a pas déplu loin de là, car il a permis de montrer à quel point les épreuves traversées les ont changés.

Commençons avec Rand, c'est le héros de la saga et pourtant, j'ai l'impression que c'est au final celui que l'auteur nous a le moins dévoilé et a le moins accompagné dans ses changements. Sauf qu'ici, Sanderson travaille vraiment sur sa relation avec Lews Therin, sa relation aux Aes Sedai, ses traumas, etc. C'est passionnant et tragique à la fois car nous sommes à un moment charnière, celui où il a accompli le plus gros des prophéties et où il lui reste quasiment plus que l'affrontement final. On a donc un Rand sur la corde raide. Il devrait être sûr de lui, mais c'est tout sauf le cas et ses traumas se réveillent bien sûr à ce moment-là. du coup, il se perd et que ce soit Cadsuane, Min ou Nynaeve qui sont près de lui, aucune ne parvient à trouver le chemin pour l'atteindre, ce qui est assez triste. Pourtant, il avait une belle relation de confiance avec Nynaeve et Min, mais ici la peur l'emporte sur tout, et surtout la décision finale des filles achève de leur faire perdre sa confiance, elles ont fait ce qu'il ne fallait pas après les attaques qu'il avait déjà subi des Réprouvés et des Aes sedai, ce fut la goutte de trop.


Pourtant Rand avance. Après sa dernière attaque, il prend une décision radicale, s'endurcit encore plus, devient un vrai monarque, réfléchit, négocie, se replie, etc. Il connait les prophéties. Il sait ce dont il est capable et parvient même à aller au-delà contre toute attente. Il semble découvrir un nouveau pan du pouvoir dans ce tome, que j'aimerais bien voir creuser par la suite. Mais en s'enfonçant toujours plus loin, que reste-t-il de lui ? Heureusement tout n'est pas que noirceur, dureté et tristesse et le final offre une très belle note d'espoir même s'il reste beaucoup (trop ?) de zones d'ombres autour de ce qu'il doit faire.

Venons-en maintenant à Egwene, certainement mon personnage préféré de ce tome avec Siuan et Gareth Bryne. J'ai juste adoré ce qu'il se passait de son côté. Avec elle, on assiste véritablement à l'ascension d'une dirigeante. Quand on se rappelle l'Egwene jeune et fofolle des débuts et qu'on voit la femme forte et décidée qu'elle est devenue, on ne peut qu'admirer cette évolution. Ici, je vous rappelle, elle avait été capturée et démise de ses fonctions par la Tour blanche. Décidée à réconcilier les deux, elle avait décidé d'y rester, quitte à subir les pires châtiments, pour pouvoir la renverser ou la reconquérir de l'intérieur. On assiste donc à son périple intérieur et c'est assez terrible. On admire sa force de caractère. On tremble devant la folie de ses adversaires. de terribles révélations nous tombent dessus. On assiste à des moments épiques et le final est grandiose. Egwene est devenue une grande monarque à la force de ses bras, de son courage et de son intelligence.

A côté de ça, j'ai beaucoup aimé l'ensemble des personnages secondaires qui l'entourent que ce soit sa relation si particulière avec Silviana, l'amitié que lui porte Siuan ou la bravoure, l'entêtement diront certains, dont fait preuve Gawyn. J'ai été agréablement surprise du retour de ce personnage un peu oublié et même si j'ai envie de lui botter les fesses, je suis curieuse de voir ce qu'il va apporter. Un peu de la même façon, je suis littéralement tombée sous le charme des quelques passages entre Siuan et Gareth Bryne qui forment un magnifique duo. Maintenant je suis très impatiente de voir ce que va apporter cette nouvelle donne !

Dans les personnages oubliés, on peut citer Elayne, qu'on ne voit pas un instant dans ce tome, et j'avoue qu'elle ne m'a pas manqué tant elle m'a insupportée tout au long de la série... On croise brièvement Tuon, mais sans Mat avec elle, je l'ai trouvée bien fade. Quant à ce dernier, on le croise aussi brièvement, mais trop pour que ce soit significatif, et en plus dans un rôle que je n'affectionne pas trop, ce qui est d'autant plus dommage que sa quête autour de Moiraine m'intéresse beaucoup beaucoup. le dernier ta'veren, Perrin est également à peine entrevu mais on entend parler de lui. Mais leurs liens avec Rand sont toujours là et il annonce bien qu'il aura besoin d'eux. le prochain tome devrait donc permettre de plus les voir. J'espère d'ailleurs qu'il en sera de même pour Aviendha, qui est enfin devenue une Sagette, mais à qui il reste bien des choses à accomplir, notamment auprès de Rand. J'aimais bien leur duo et je suis triste de ne plus les voir ensemble.

Ainsi, entre développement des personnages, ascension fulgurante des uns, déprime totale des autres, grosses révélations et batailles, guet-apens inattendu et plan longuement ourdi, ce nouveau tome où Sanderson reprend la plume ne laisse pas indifférent. L'action est omniprésente. On craint pour les personnages et on est ravi de leurs évolutions. C'est frais, dynamique et bien plus moderne qu'avant dans l'écriture. J'en redemande ! (Je vais d'ailleurs enchaîner avec les 2 tomes suivants >
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
Commenter  J’apprécie          02
Et voila. Après tant d'années, 10 ans depuis ma première lecture du tome précédent, j'avance enfin dans cette série. J'ai bien sur fait une relecture de la série entière en VO, commencée il y a quasiment un an, avec à peu près un tome par mois lu. Je dois avouer que j'avais beaucoup d'appréhension avant de commencer ce tome. Malgré tous les avis positifs j'avais peur de ne pas apprécier le changement d'auteur, de ne pas aimer certains détails qu'aurait choisi Sanderson, vu que je savais que le plan avait quand même déjà été globalement fait par Jordan. Sans parler du traitement des personnages, du rythme ou du style qui jouent quand même énormément dans l'impression qu'on a d'une série si longue. Après j'ai bien sur lu quasiment tout ce qu'a sorti Sanderson, et même si j'aime une bonne partie de ceux que j'ai lu, personne n'est parfait. Bref tout ça pour dire que j'étais à la fois impressionnée et fébrile quand je l'ai enfin ouvert et que j'ai lu les premières pages.

Heureusement, tout mon appréhension sur le livre est a très vite disparu et je me suis tout de suite immergée dans l'histoire. Je n'ai pas pu résister et je l'ai lu quasiment d'une traite, en un weekend, j'ai même fais une nuit blanche pour le finir tellement la tension était importante et que je voulais savoir ce qui allait se passer !

J'ai trouvé ce tome vraiment fantastique, et je le classerais facilement parmi les meilleurs de la série, au coté des 3, 5 et 6 qui étaient mes préférés jusqu'ici.
Il contient tout ce qu'on attend dans ce genre de livres, des révélations, des réponses à des questions, des grosses batailles, des confrontations qu'on attendait depuis longtemps et un final grandiose ....

Après est-ce qu'on ressent le changement d'auteur? Je dirais que si on ne le savais pas on remarquerais sans doute quelques changements. le plus visible étant celui du rythme, dans ce tome on a des chapitres qui semblent plus courts et surtout une alternance des personnages bien plus régulière quand dans les précédents ce qui permet de varier les intrigues sans lasser le lecteur, mais sinon la transition est très bien faite. J'ai remarqué quelques autres changements, notamment au niveau de Mat qui jure un peu trop souvent pour moi, chose dont je n'ai pas du tout souvenir dans les tomes précédents. Et aussi le fait que ses passages m'ont paru plus drôles qu'avant, je ne me souvient pas avoir vraiment éclaté de rire dans un autre tome alors qu'il a réussi à le faire une ou deux fois dans ce tome, un très bon point pour moi je dois dire.

“I don't know. They could put up a warning sign or something. Hello. Welcome to Hinderstap. We will murder you in the night and eat your bloody face if you stay past sunset. Try the pies. Martna Baily makes them fresh daily.” -Mat Cauthon


J'étais autant prise dans ce tome que dans les précédents, il n'y a pas de heurts au niveau de l'histoire, tout est très fluide. C'est définitivement un tome qui a sa place dans la série, et même une place au top.

Pour une fois ce tome est centré sur Rand et Egwene, qui sont des personnages qu'on avait mis un peu de coté dans les précédents, leurs préférant les intrigues de Mat et Perrin entre autre.
Et c'est une bonne chose, si proche de la fin il était temps qu'ils reprennent le devant. J'ai adoré l'évolution des deux personnages, Surtout Rand, même si c'est logique après tout ce qu'il a subit, j'étais vraiment triste pour lui et en stress de savoir comment il allait pouvoir gérer tout ça. Résultat je me suis vraiment super attachée à lui et j'étais frustrée. Les choix étaient bien sur très difficile pour lui, tout au long de la série, et on est a l'apothéose de ses choix dans ce tome, j'ai fini en étant presque debout et en criant tellement j'ai adoré la fin de ce tome.
Egwene prend aussi de l'ampleur, en y repensant et en replaçant le personnage quelle était au tout début, son évolution est spectaculaire. de jeune fille banale elle fini en parfaite Aes Sedai, jusqu'au bout des ongles, et pas le genre d'Aes Sedai froides et voulant tout contrôler aveuglément, non, elle garde quand même une intelligence de situation remarquable.

On clos certaines pages de l'histoire, alors que d'autres sont encore totalement en suspend. On a toujours autant de questions sur la suite qui demanderons une réponse dans les deux tomes restant. On sent la fin, d'ailleurs tout le monde commence à s'y préparer, les fils des différentes intrigues mènent toutes vers la dernière bataille, et celle si est toute proche !

19.5/20 (j'aurais pu mettre 20 mais mon coté logique me dit que rien n'est jamais totalement parfait, donc.)

Lien : http://delivreenlivres.blogs..
Commenter  J’apprécie          31
Voilà un 12ème volume longuement attendu par les fans de la saga et avec une interrogation :Brandon Sanderson serait-il à la hauteur de l'héritage de Jordan ? Ma réponse (personnelle) est positive , le récit reste passionnant et cohérent ( ce qui est une gageure avec autant de personnages) . le rythme est maintenu entre temps forts ( batailles , coups de théâtre) et temps « faibles » (dialogues , stratégies..) . Rand s'achemine vers sa destinée et expérimente la solitude et la paranoïa du pouvoir ainsi que le risque lié à la possession d'armes de destruction massive . le monde qui l'entoure balance entre l'unification indispensable à l'Ultime combat et émiettement en combats fratricides , rivalités stériles , nationalismes . Comment ne pas y voir une allégorie du monde où nous vivons ? Mais dans la fable ,en principe , les choses s'arrangent.
Commenter  J’apprécie          70
Alors premier point l'auteur a changé ... question naturelle, est ce que cela se sent?

Oui et non.

Oui car la plume de Sanderson est celle de Jordan, si elles ont leur similitudes, elles ont aussi leur dissemblance, et même sans savoir le changement on peu s'en apercevoir.

Oui aussi car le rythme est différent. On saute bien plus de personnage en personnage avec Sanderson, là ou on suivait longuement un seul sur plusieurs chapitre avec Jordan.

Mais...

Non car l'univers garde sa cohérence, l'intrigue sa logique. C'est la voix qui raconte l'histoire qui change, mais avec un souffleur en arrière plan.


Bref un tome qui est très très très riches en bouleversement.

Après onze tome on a l'occasion d'avoir un regard en arrière et observer l'évolution des personnages... et personnellement, je n'aime pas trop ce que Rand est devenu encore que , en revanche Egweene qui me portait sur le système à ses début m'est devenu nettement plus sympathique avec son gain en maturité.

Donc beaucoup de chose qui se profilaient dans le tome précédent se concrétisent, mais pas tout, et on reste sur notre faim. Heureusement pour moi la suite est déjà dans la bibliothèque à attendre sagement qu'on s'intéresse à elle. ^^
Commenter  J’apprécie          30
Ce tome 12 est le premier tome écrit par Sanderson après la disparition de Jordan. Comme beaucoup, j'avais une certaine appréhension (pas pour Sanderson, que j'ai déjà lu et que j'apprécie énormément, mais pour la continuité), vite chassée.
Première surprise : fini les prologues de 100 pages passées. S'enchaînent ensuite des chapitres plus courts que dans les derniers ouvrages, qui enchaînent moins de POV différents. Et je dois avouer que pour moi, c'est pour le mieux.
Concrètement, je trouve que ce tome est survitaminé quand on le compare aux précédents, et ce n'est pas plus mal. On sent qu'on arrive véritablement à la fin.
Ce rythme est aussi ressenti dans les évènements, avec de nombreux rebondissements et actions surprenantes, pour le meilleur comme pour le pire pour nos personnages préférés. Sans compter quelques moments émouvants.
Sanderson fait du Sanderson. Peu de place ici pour de longues descriptions qui n'apportent que peu au récit, ce dont avait un poil abusé Jordan dans les tomes 8 à 10. Ce qu'on peut perdre en background (qui est suffisamment développé dans les tomes précédents) est largement compensé par l'avancée de l'intrigue. On sent chez l'auteur une immense connaissance et un grand respect de l'oeuvre.
Un sans faute donc, pour moi, voire un des tous meilleurs tomes de la saga.
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Le sens de l’orage - Début du prologue

Renald Fanwar était assis sous son porche, occupant le robuste siège en chêne que lui avait fait son petit-fils deux ans auparavant. Son regard était tourné vers le nord.
Vers les nuages noirs et argent.
Il n’en avait jamais vu de semblables. Ils recouvraient tout l’horizon nord, et s'élançaient haut dans le ciel. Ils n’étaient pas gris. Ils étaient noirs et argents. Une masse sombre, grondante, vertigineuse enclume orageuse aussi sombre qu'une cave de marchand à minuit. Avec, en son sein, des éclairs projetant des lueurs argentées dans un profond silence.
L'air était épais. Avec des relents de poussière et de saleté. De feuilles séchées et de pluie qui ne voulait pas tomber. Le printemps était là. Et pourtant rien ne poussait. Aucun germe n’osait percer le sol.
Il se leva lentement, dans un grincement de bois, laissant la chaise se balancer doucement derrière lui, puis s'avança jusqu'à l'extrémité du porche. Il tira sur sa pipe, bien qu'elle soit éteinte. Il ne se souciait pas de la rallumer. Ces nuages le pétrifiaient. Ils étaient si sombres. Comme la fumée d'un feu de broussailles, bien que cela ne puisse pas s'élever aussi haut. Et que dire de ces nuages argentés ? Globes saillants dans la masse noire, comme autant d'endroits où de l'acier poli brillerait au travers d'une couche de suie.
Il se gratta le menton, baissant les yeux sur son morceau de terre. Carré d’herbe et d’arbustes qu’entourait une basse clôture blanchie. Les arbustes étaient morts maintenant, tous. N'avaient pas tenu l'hiver. Il lui faudrait les arracher prochainement. Et l'herbe... et bien, ce n’était rien d’autre que du chaume. Il n'y avait même pas trace d'une mauvaise herbe.
Un coup de tonnerre le secoua. Pur, vif, comme le fracas de deux énormes pièces métalliques s'entrechoquant. Les fenêtres de la maison vibrèrent, le plancher du porche trembla, il crut sentir la secousse jusque dans ses os.
Il recula vivement. Le coup n'était pas tombé bien loin—peut-être sur sa propriété. Il fut tenté d'aller inspecter les dégâts. Un feu d'orage pouvait tuer un homme, le brûler sur sa propre terre. Dans les Terres Frontalières—les Marches, disait-on (*selon l’ancienne traduction)—tant de choses pouvaient malencontreusement s’enflammer—vieilles herbes, graines sèches, bois mort.
Mais les nuages étaient toujours distants. La foudre n’avait pas pu tomber sur sa propriété. La masse noire et argent roulait et bouillonnait, se consumant et se nourrissant.
Il ferma les yeux, se calma, et prit une longue inspiration. Avait-il imaginé le tonnerre ? Dérapait-il, comme s’était toujours moqué Gaffin ? Il ouvrit les yeux.
Et les nuages étaient là, surplombant sa maison.
Comme s’ils s’étaient brusquement avancés pour frapper alors qu’il détournait le regard. Ils dominaient le ciel maintenant, s’étendant de loin en loin dans toutes les directions, massifs et écrasants. Il pouvait presque sentir leurs poids augmenter la pression de l’air tout autour de lui. Il aspira un air lourdement chargé de cette humidité soudaine, et son front fut piqué de sueur.
Les nuages s’agitèrent, sombres nuées noires et argentées secouées d’explosions blanches. Ils descendirent soudain en bouillonnant, telle une tornade dirigeant son vortex sur lui. Il laissa échapper un cri, levant la main, comme un homme l’aurait fait pour se protéger devant une puissante lumière. Cette noirceur. Sans fin et suffocante. Elle allait le prendre. Il le savait.
Et les nuages n’étaient plus là.
Sa pipe heurta le plancher du porche dans un cliquetis léger, répandant le tabac sur les marches de l’escalier. Il l’avait laissée glisser à son insu. Renald hésita, levant les yeux vers un ciel dégagé, réalisant qu’il ne s’inclinait devant rien.
Les nuages se trouvaient de nouveau à l’horizon, à près de deux-cents kilomètres. Il tonnait doucement.
Il ramassa sa pipe d’une main tremblante et tachetée par l’âge, halée par ces années passées au soleil. Tu te fais des idées, Renald, se dit-il. Tu dérapes, aussi sûr qu’un œuf est un œuf.
Il était sur les nerfs à cause des récoltes. Bien qu’il restât optimiste lorsqu’il s’adressait aux garçons, tout cela n’avait rien de naturel. Quelque chose aurait dû pousser maintenant. Il avait cultivé cette terre pendant quarante ans ! Barley n'avait pas mis tout ce temps pour faire pousser quelque chose. Qu’il brûle, mais ce n’était pas le cas. Que se passait-il dans le monde ces jours-ci ? Les plantes refusaient de pousser, et les nuages ne restaient pas à leur place.
Il se força à se rasseoir sur la chaise, les jambes tremblantes. Je… deviens vieux, pensa-t-il.
Il avait travaillé à la ferme toute sa vie. Cultiver la terre dans les Terres Frontalières n’était pas chose facile, mais si on travaillait dur, on pouvait obtenir de belles récoltes et s’assurer un avenir brillant. « Un homme a autant de chance qu’il a de semis dans ses champs » lui répétait son père.
Et bien, Renald comptait parmi les meilleurs fermiers de la région. Il avait prospéré au point de racheter deux fermes à proximité de la sienne, et à chaque printemps il n’était pas rare de le voir préparer une trentaine de chariots pour le commerce. Il avait maintenant six bons hommes à son service, labourant la terre, dressant des clôtures. Non qu’il n’avait plus à marcher dans la boue chaque jour pour montrer de quoi il en retournait. Il ne fallait pas laisser un petit succès vous ruiner.
Certes, il avait travaillé la terre, l’avait vécue, comme disait son père. Il avait autant que possible saisi les rouages du temps. Il n’y avait rien de naturel dans ces nuages. Ils grondaient doucement, comme un animal tapi dans l’obscurité nocturne des bois environnants.
Il sursauta au retentissement d’un nouveau coup de tonnerre qui semblait trop proche. Deux-cents, avait-il dit ? En y regardant mieux, ces nuages étaient plutôt à une cinquantaine de kilomètres.
« Ne sois pas comme ça », grommela-t-il. Entendre sa propre voix lui fit du bien. Elle était réelle. Elle lui changea du grondement lointain et des volets grinçants au vent. N’aurait-il pas dû entendre Auaine l’appeler de l’intérieur pour le souper ?
« Tu es fatigué. C’est ça. » Il fouilla dans la poche de sa veste et en sortit sa blague à tabac.
Un grondement plus faible vint de sa droite. D’abord il prit cela pour l’orage. Mais c'était un grincement trop régulier. Comme des roues qui tournent.
Effectivement, à l’est, tiré par des bœufs, un grand chariot passait au sommet de la colline de Mallard, comme il l’avait lui-même nommée. Toute bonne colline a besoin d’un nom. La route s’appelait bien la Route de Mallard. Alors pourquoi pas la colline ?
Il se pencha en avant sur son siège, ignorant ostensiblement les nuages alors qu’il plissait les yeux pour tenter de distinguer le visage du conducteur. Thulin ? Le forgeron ? Que faisait-il, là-haut, sur un chariot chargé ? Il était censé travailler sur sa nouvelle charrue !
Il aurait pu passer pour maigre auprès de ses pairs, n’empêche qu’il était deux fois plus musclé que la plupart des ouvriers agricoles. Il avait les cheveux noirs et la peau bronzée d’un Shienaran, respectait à peu près leur façon de se raser, mais ne portait pas de chignon. Sa famille avait peut-être des liens avec les guerriers Frontaliers, mais il n’était qu’un homme de la campagne, comme tous les autres. Sa forge se trouvait à Oak Water, quelque huit kilomètres à l’est. Ensemble ils avaient joué au jeu des pierres durant les soirées d’hiver.
Thulin avait de l’expérience—Il n’avait pas autant vécu que Renald, mais on l’avait entendu parler retraite au cours des derniers hivers. La forge n’était pas un lieu pour un vieil homme. Bien entendu, le travail à la ferme non plus. Quel travail était fait pour un vieil homme ?
Le chariot de Thulin s’avançait le long de la route de terre tassée, s’approchant de la clôture de Renald. Ça c’est bizarre, pensa-t-il. Cinq chèvres et deux vaches suivaient le chariot. Des caisses de poulets aux plumes noires étaient attachées sur les côtés, et sur le dessus s’empilaient sacs et tonneaux. La plus jeune fille de Thulin, Mirala, était assise à ses côtés, ainsi que son épouse aux cheveux d’or, originaire du sud. Même après vingt-cinq ans de mariage, Renald la considérait toujours comme « cette fille du sud ».
Toute la famille était dans le chariot, emportant leur meilleur bétail. Manifestement pour un long voyage. Mais vers où ? En visite dans la famille ? Lui et Thulin n’avait pas joué au jeu des pierres depuis… oh, au moins trois semaines. Pas beaucoup de temps pour les visites, avec l’arrivée du printemps et le besoin pressant de semer. Quelqu’un devrait réparer les charrues et aiguiser les faux. Qui le ferait en l’absence de Thulin ?
Renald tassa une pincée de tabac dans sa pipe pendant que Thulin longeait les terres de Renald. Le noueux forgeron aux cheveux gris passa les rênes à sa fille, puis descendit du chariot, soulevant une gerbe de poussière en touchant le sol. Au loin derrière lui, l’orage continuait de gronder.
Thulin poussa la porte de la clôture, puis enjamba les terres jusqu’au porche. Il avait l’air distrait. Renald ouvrit la bouche pour le saluer, mais Thulin le devança.
« J’ai enterré ma meilleure enclume sur l'ancien carré de fraises de Gallanha, Renald, » dit le grand forgeron. « Tu te souviens de où ça se trouve, n’est-ce pas ? J’y ai aussi mis mes meilleurs outils. Lubrifiés comme il faut et dans mon meilleur coffre, bien au sec. Cela devrait leur éviter de rouiller. Du moins pour quelques temps. »
Commenter  J’apprécie          20
Extrait du prologue

Tylee Khirgan, Lieutenant-Général de l’armée toujours victorieuse, était en selle au sommet d’une colline boisée, regardant au nord. Ce pays était si différent. Sa terre natale, Maram Kashor, était une île aride à la pointe sud-est du continent Seanchan. Les arbres lumma y étaient droits, monstrueuses tours, avec des feuilles pennées naissant à leur sommet telle la crête de cheveux d’un membre du Haut-Sang.
Les choses qui passaient pour des arbres dans ce pays étaient noueux en comparaison, tordus, se ramifiant en arbustes. Leurs branches étaient comme les doigts d’un vieux soldat atteints d’arthrite après des années à tenir l’épée. Comment les gens du pays appelaient ces plantes ? Des arbres de broussailles ? Tellement bizarre. À y penser certains de ses ancêtres pourraient avoir été originaires de cet endroit, voyageant avec Luthair Paendrag vers le territoire Seanchan.
En contrebas, son armée descendait la route en soulevant de la poussière. Des milliers et des milliers d’hommes. Moins qu’elle n’en avait déjà commandé, mais pas de tant que ça. Deux semaines s’étaient écoulées depuis son combat avec les Aiels, où le plan de Perrin avait fonctionné à merveille. Combattre aux côtés d’un homme comme lui était toujours une expérience douce-amère. Douce pour le génie pur qu’il en ressortait. Amère pour l’inquiétude qu’un jour, ils se feraient face sur le champ de bataille. Tylee n’était pas du genre à apprécier un défi au combat. Elle avait toujours préféré la victoire directe.
Certains généraux ont dit que ne jamais se retrouver en difficulté signifiait ne jamais être forcé de s’améliorer. Tylee se disait qu’elle et ses hommes travailleraient à leur amélioration sur le champ d’entraînement, laissant leurs ennemis surmonter les difficultés.
Elle n’aimerait pas faire face à Perrin. Pas du tout. Et pas seulement parce qu’elle l’aimait.
Un pas lent de sabots résonna sur la terre. Jetant un regard de côté, elle vit Mishima monté sur un hongre pâle, s’approchant du sien. Son casque était suspendu à la selle, et son visage balafré était pensif. Ils formaient la paire, à eux deux. Le visage de Tylee portait sa propre part de cicatrices.
Mishima la salua, plus respectueux maintenant que Tylee avait été élévée au Sang. Ce message particulier, délivré par raken, avait été inattendu. C’était un honneur, auquel elle ne s’était pas encore habituée.
« Encore à ruminer la bataille ? » demanda Mishima.
« Oui, » Répondit-elle. Deux semaines, et ça occupait encore toutes ses pensées. « Qu’en pensez-vous ? »
« De Aybara, vous voulez dire ? » demanda Mishima. Il continuait de lui parler comme à un ami, même s’il évitait de rencontrer ses yeux. « C’est un bon soldat. Peut-être trop concentré, trop entraîné. Mais solide. »
« Oui, » déclara Tylee, puis elle secoua la tête. « Le monde est en train de changer, Mishima. D’une manière que nous ne pouvons pas anticiper. D’abord Aybara, et puis les bizarreries. »
Mishima hocha pensivement la tête. « Les hommes ne veulent pas aborder le sujet. »
« Ce qui se passe est trop récurrent pour que l’on puisse parler d’illusions, » dit Tylee. « Les éclaireurs voient quelque chose. »
« Les hommes ne disparaissent pas, » dit Mishima. « Vous pensez que c’est le Pouvoir Unique ? »
« Je ne sais pas ce que c’est, » dit-elle. Elle regarda les arbres autour d’elle. Un peu plus tôt, elle en avait vu plusieurs qui donnaient des signes de croissance printanière, mais aucun de ceux-là. Ils étaient squelettiques, bien que l’air fût assez chaud pour que ce soit déjà la saison des semis. « Est-ce qu’ils ont de tels arbres à Halamak ? »
« Pas exactement comme eux, » dit Mishima. « Mais j’en ai déjà vu de semblables. »
« Auraient-ils dû bourgeonner maintenant ? »
Il haussa les épaules. « Je suis un soldat, General Tylee. »
« Je n’avais pas remarqué, » dit-elle sèchement.
Il grogna. « Je veux dire que je ne porte pas d’attention aux arbres. Les arbres ne saignent pas. Peut-être qu’ils auraient dû bourgeonner, peut-être pas. Peu de choses semblent logiques de ce côté de l’océan. Les arbres qui ne bourgeonnent pas au printemps, c’est juste une autre bizarrerie. Mieux vaut ça que plus de marath’damanes agissant comme si elles étaient du Sang, avec tout le monde leur faisant des courbettes. » Il haussa visiblement les épaules.
Tylee hocha la tête, mais elle ne partageait pas sa révulsion. Pas vraiment. Elle n’était pas certaine quoi penser de Perrin Aybara et de ses Aes Sedai, sans parler de ses Asha’man. Et elle n’en savait pas plus que Mishima sur les arbres. Mais elle pressentait qu’ils auraient dû commencer à germer. Et ces hommes que les éclaireurs continuaient de voir dans les champs, comment pouvaient-ils disparaitre si rapidement, même avec le Pouvoir Unique ?
Aujourd’hui le quartier-maître avait ouvert un de leurs paquets contenant les rations de voyage et n’avait trouvé que de la poussière. Tylee aurait fait rechercher un voleur ou un farceur si le quartier-maître n’avait pas insisté sur le fait qu’il avait ouvert le paquet peu de temps auparavant. Karm était un homme solide ; son quartier-maître depuis des années. Il ne faisait pas d’erreur.
La nourriture qui se décompose était si habituel ici. Karm blâma la chaleur de cet étrange pays. Mais les rations de voyage ne pouvaient pas pourrir ou se gâter, du moins pas de manière si imprévisible. Les signes étaient tous mauvais, ces jours-ci. Un peu plus tôt aujourd’hui elle avait vu deux rats morts sur le dos, avec la queue de l’un dans la bouche de l’autre. C’était le plus mauvais présage qu’elle avait vu de sa vie, et elle frissonnait rien qu’à y penser.
Quelque chose se passait. Perrin n’avait pas voulu beaucoup en parler, mais elle a vu que cela pesait sur ses épaules. Il en savait plus que ce qu’il n’avait dit.
On ne peut pas se permettre de se battre contre eux, pensa-t-elle. C’était une pensée séditieuse, qu’elle ne partagerait pas avec Mishima. Elle n’osait pas pousser la réflexion. L’impératrice, puisse-t-elle vivre à jamais, avait ordonné que ce pays soit récupéré. Suroth et Galgan étaient les dirigeants élus dans cette entreprise, jusqu’à ce que la Fille des Neuf Lunes se révèle. Bien que Tylee ne puisse pas connaître les pensées de la Haute Dame Tuon, Suroth et Galgan étaient unis dans leur désir de voir ce pays conquis. C’était pratiquement la seule chose sur laquelle ils s’accordaient.
Aucun d’eux ne se laisserait suggérer de rechercher des alliés parmi les peuples de ce pays, plutôt que des ennemis. Y penser était proche de la trahison. De l’insubordination, au minimum. Elle soupira et se tourna vers Mishima, prête à envoyer des éclaireurs à la recherche d’un endroit où passer la nuit.
Elle se figea. Mishima avait une flèche en travers du cou, quelque chose de méchant et d’acéré. Elle n’avait pas entendu l’impact. Il rencontra ses yeux, sidéré, essayant de parler mais seul du sang s’échappait de sa bouche. Il glissa de sa selle et s’effondra comme une masse lorsque quelque chose d’énorme chargea à travers les broussailles à proximité de Tylee, brisant les branches noueuses, se jetant sur elle. Elle eut à peine le temps de dégainer et de crier avant que Duster—un bon et solide cheval de guerre qui ne lui avait jamais fait défaut au combat—ne se cabre dans la panique, la projetant au sol.
Ce qui lui sauva probablement la vie, car son attaquant balança son épée à la lame épaisse, entaillant la selle où Tylee s’était trouvée. Elle sauta sur ses pieds, son armure cliquetant, et cria l’alerte. « Aux armes ! Une attaque ! »
Sa voix se joignit à des centaines d’autres qui faisaient virtuellement l’appel au même moment. Les chevaux hennissaient.
Une embuscade, pensa-t-elle, levant sa lame. Et nous sommes entrés en plein dedans ! Où sont les éclaireurs ? Que s’est-il passé ? Elle se lança sur l’homme qui avait tenté de la tuer. Il se retourna, reniflant.
C’est seulement alors qu’elle vit ce qu’il était. Pas tout à fait un homme—mais à la place, une créature aux traits déformés, la tête couverte de cheveux bruns drus, la peau épaisse qui plissait sur un front trop large. Ces yeux trop humains étaient troublants, mais au dessous le nez était aplati comme celui d’un sanglier et de la bouche proéminente saillaient deux défenses. La créature rugit, ses lèvres presque humaines projetant de la bave.
Sang de mes Pères Oubliés, pensa-t-elle. Dans quoi sommes-nous tombés ? Le monstre était un cauchemar fait chair, abandonné à l’errance dans le seul but de tuer. C’était une chose qu’elle avait toujours reléguée au rang des superstitions.
Elle chargea la créature, repoussant le coup qu’il essaya de porter de sa large épée. Elle se retourna, se fendant en Battre-les-Arbustes, et sépara le bras de l’épaule de la bête. Elle frappa encore, et libéra sa tête qui suivit le bras au sol. Cela tituba, fit quelque chose comme trois pas, puis s’effondra.
Les arbres bruissaient, davantage de branches craquaient. Juste au bas du versant où elle se trouvait, Tylee vit des centaines de ces créatures qui émergeaient des sous-bois, attaquant ses lignes pratiquement au milieu, provoquant le chaos. De plus en plus de monstres affluaient entre les arbres.
Comment était-ce arrivé ? Comment ces choses s’étaient-elles autant rapprochées d’Ebou Dar ! Elles se trouvaient profondément à l’intérieur du périmètre défensif Seanchan, à seulement un jour de marche de la capitale.
Tylee dévala le flanc de colline en chargeant, hurlant au ralliement de sa garde d’honneur alors que d’autres bêtes rugissaient en sortant des arbres derrière elle.
Commenter  J’apprécie          10
Les rois ne pleurnichent pas , ils méditent sombrement.
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Robert Jordan (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Robert Jordan
La Roue du Temps - Bande-annonce officielle | Prime Video
autres livres classés : fantasyVoir plus
Les plus populaires : Imaginaire Voir plus


Lecteurs (202) Voir plus



Quiz Voir plus

La fantasy pour les nuls

Tolkien, le seigneur des ....

anneaux
agneaux
mouches

9 questions
2487 lecteurs ont répondu
Thèmes : fantasy , sfff , heroic fantasyCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..