AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Darkhorse


Pour qui aime se plonger dans les recoins macabres des littératures de l'imaginaire, le nom de Lovecraft finit toujours par ressurgir.
Héritier d'Edgar Allan Poe à qui il voue une passion sans borne, le maître de providence s'inspire fortement de son mentor dans ses écrits, mais aussi dans sa manière d'envisager son existence ; se réclamant toujours d'une ère plus "romantique" que la sienne, une ère profondément inscrite dans son esprit.

Sunand Tryambak Joshi livre une oeuvre colossale éditée en France aux Éditions ActuSF puis ici dans une version poche révisée de la collection Hélios des Indés de l'imaginaire (ActuSF, Mnémos et Les moutons électriques).


Voici donc le premier volume de cette biographie consacrée à Howard Phillips Lovecraft et je remercie grandement Babelio et le collectif des Indés de l'imaginaire pour m'avoir permis de découvrir ce livre.
l'univers de Lovecraft me fascine depuis déjà longtemps et voici l'occasion d'en savoir plus (beaucoup plus) sur un auteur qui m'émerveille autant qu'il m'inspire.

S.T. Joshi se sert de la prolifique correspondance de Lovecraft avec sa famille et ses amis pour retracer sa vie.
Une grande partie de celle-ci est complètement dédiée au journalisme amateur, et de nombreux extraits concernant cette période viennent enrichir l'oeuvre.

Il faut passer une longue et fastidieuse (mais nécessaire) première partie traitant de la généalogie de l'écrivain pour embarquer dans sa jeunesse captivante où l'on découvre un enfant précoce, avide de connaissance dans les domaines scientifiques.
Sa personnalité forte et fière d'une aristocratie pourtant fanée l'amène très tôt à afficher une hauteur suffisante. Mais il faut dire que l'enfant a de nombreuses capacités intellectuelles qui le conduisent à écrire de la poésie en s'inspirant de nombreux auteurs du XVIII ème siècle.
Et c'est plus son abnégation que son talent (même s'il montre d'évidentes capacités) qui le maintient à écrire pendant sa jeunesse puis à fonder et collaborer à différents journaux amateurs.

De cette jeunesse, il gardera des amis fidèles et se fera aussi des ennemis.
Adoptant une position très critique envers les oeuvres publiées dans les journaux auxquels il participe, Lovecraft s'affirme et se fait une place de plus en plus importante dans le petit monde du journalisme amateur.
Les extraits à propos des critiques et leurs réponses sont de véritables batailles entre lettrés défendant leur point de vue. Assez croustillants à suivre, les échanges en deviennent parfois pénibles devant l'exigence et l'entêtement de Lovecraft, allant souvent jusqu'à la provocation...

Mais son attachement pour une certaine vision de la poésie et de la prose, aussi obstiné soit-il, nous prouve aussi son amour indéfectible pour une époque qu'il souhaite à tout prix maintenir, ou plutôt ramener, alors que le monde qui l'entoure évolue à une vitesse sidérante.
À ce titre, sa découverte de l'auteur irlandais Lord Dunsany, le conforte dans cette idée que d'autres que lui nourrissent autant de nostalgie dans des époques fabuleuses aux croyances plus oniriques.

Sur fond de première guerre mondiale et devant son incapacité à défendre ses valeurs de manière active, en participant au conflit, le jeune Lovecraft a du mal à se placer dans la vie sociale autrement que par ses écrits.
Ayant perdu tôt son père, c'est sa mère et ses tantes qui l'entourent, et subviennent réellement à ses besoins. Sa relation particulière avec sa mère, pour cet enfant doué mais d'une certaine manière incapable, est relatée dans le livre par des interventions aussi touchantes que saugrenues dans lesquelles on se rend compte de la position d'enfant gâté de H. P. Lovecraft.


Il est assez perturbant de rentrer ainsi dans la vie d'une personnalité que l'on ne connaît que finalement très peu.
Le travail de S.T. Joshi permet une analyse profonde et contextuelle mais manquant parfois de matière (correspondances manquantes). Néanmoins, les détails sont légion et garnissent cette biographie de nombreux événements et anecdotes. Moi qui pensais survoler une bonne partie de cet ouvrage, j'ai la plupart du temps été captivé par ce qui y était relaté.
Et pas seulement par l'analyse des poésies ou des nouvelles mais aussi par la personnalité souvent détestable de cet homme. Son racisme démesuré, pour un homme aussi instruit, est assez hallucinant ; même avec le contexte de l'époque, c'est absolument abjecte et risible.

Vivant dans sa bulle constituée des épopées mythiques, de la grande époque de la Rome antique, de la prose de ses auteurs préférés, mais aussi de sa conception philosophique entretenue par ses croyances cosmiques, Lovecraft vit à jamais dans l'abîme d'un autre temps.
Ce qui ne l'empêchera pas de trouver l'amour, un seul amour. Bravo à Sonia H. Davis d'avoir su capter ce coeur si fermé malgré les difficultés que le couple a connu et le comportement solitaire de son mari.


Ce livre se ferme sur la période New-yorkaise de Lovecraft où l'on ressent un changement profond dans sa conception de la vie. Providence ne l'a jamais quitté, tels sa dévotion pour l'art, les Lettres et le cosmicisme ; mais quelque part, une certaine maturité longtemps refoulée semble poindre et s'emparer de son être à la dérive.

Parfois difficile à suivre, cette biographie n'en demeure pas moins exceptionnelle pour qui cherche à cerner un homme à la personnalité singulière et un auteur inévitable des lectures de l'imaginaire.
Félicitations à S.T. Joshi d'avoir compilé autant d'informations et de les avoir mises en forme pour nous présenter l'intimité d'un auteur indispensable.
Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}