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Critique de colka


"Entrer dans une vie, c'est brasser les ténèbres, déranger des ombres, convoquer des fantômes".
Si j'ai mis en exergue cette citation de Gaëlle Josse c'est qu'elle résume assez bien la problématique de l'auteure lorsqu'elle écrivit cette biographie de la photographe de rue VIvian Maier dont le talent fut miraculeusement découvert par John Maloof au début des années 2000. C'est grâce à la curiosité et l'acharnement de ce dernier que fut portée à la connaissance du grand public les milliers de clichés qui étaient jusque là entassés dans des cartons...
Destinée hors du commun que celle de cette femme : sous les feux de la rampe à titre posthume, elle mena par ailleurs, dans "l'effacement" le plus complet, une existence anonyme et douloureuse.
La scène inaugurale de l'essai résume bien à elle seule ce que fut la vie de Vivian Maier. Gaëlle Josse nous donne à voir dans ce passage très visuel, une vieille femme, seule, assise sur un banc devant le lac Michigan à Chicago. Un beau cliché en noir et blanc... Nous tenons là les deux clés de l'existence de Vivian Maier : solitude et passion pour la photographie.
Avec un talent de conteuse qui ne se dément pas tout au long du récit, l'auteure nous emmène sur les chemins de vie de celle qui fut "un regard sur le monde". Mais avant de trouver sa voie et ce qui donna un sens à sa vie , que d'errances, d'absences et de manques de liens a-t-elle dû affronter. Une enfance dévastée, aux côtés d'un père violent et d'une mère complètement instable, tous deux enfants d'immigrants aux Etats-Unis. Une adolescence livrée à elle-même auprès de sa mère et de son frère schizophrène, elle ne trouvera de réconfort qu'auprès de ses deux grands-mères et devra très vite gagner sa vie.
C'est là que vont commencer ses déambulations photographiques dans New-York avec un modeste Kodack. Bientôt "sa vie avance entre deux pôles le plus souvent emmêlés, son métier de gouvernante de jeunes enfants à domicile et ses déambulations photographiques". Cette "carrière" de photographe de rue connaîtra son apogée lorsqu'elle devra quitter le foyer des Gensburg au service desquels elle resta dix-sept ans. Sans doute la période la plus stable de sa vie et celle où elle tissa des liens suffisamment forts pour que les trois fils Gensburg prennent soin d'elle lorsqu'elle tombera dans l'extrême pauvreté.
La suite de son existence ressemble un peu à une descente aux enfers et Gaëlle Josse aborde cette période avec tact en nous renvoyant à une séries de questionnement relatifs à l'équilibre mental de Vivian Maier, peut-être rattrapée, à cette époque par la lourde hérédité familiale sur le plan psychologique... Ce qui demeure et ce que défend l'auteure avec beaucoup d'empathie et de chaleur c'est le talent de Vivian Maier fait d'une ouverture sur le monde, d'un sens aigu de la rencontre et du moment à saisir, ainsi que d'une poignante humanité, celle qui montre sans voyeurisme l'abandon et la pauvreté.
Les dernières pages de l'essai sont très belles et émouvantes car l'auteure élargissant son propos, rend aussi un vibrant hommage à toutes celles et tous ceux qui vécurent leur art jusqu'à la mort et parfois la folie, dans le dénuement et l'abandon le plus complet...
PS Si vous êtes touché(e) par la destinée hors pair de cette femme et par son talent, allez faire un tour sur le site créé par John Maloof www.vivianmaier.com
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