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sur 683 notes
Vivian Maier est un vrai personnage de roman, photographe passionnée, sortie de son anonymat volontaire et assumé par le miracle d'une salle de ventes.

Trouver des milliers de clichés photographiques aux enchères, enquêter longuement pour en chercher l'auteur et en comprendre la valeur, faire surgir du néant un talent posthume, une simple nourrice qui vient de décéder, sans jamais avoir été reconnue pour son travail. John Maloof va mettre en lumière une artiste et des images, qu'elle n'avait elle-même jamais développées.

Il est ainsi des histoires incroyables.
Celle de Vivian Maier est en tout point remarquable et Gaëlle Josse s'est emparée du sujet pour en faire une biographie littéraire, réinventée, attachante et passionnante en remontant aux origines familiales européennes et au parcours chaotique de l'émigration.

Une femme se dévoile peu à peu, à la personnalité complexe. Enfance difficile, démission parentale, éducation dysfonctionnelle, violence et solitude.
Le vécu explique-t-il la créativité, ou peut-on comprendre la femme et son parcours derrière les clichés?
« On ne photographie rien par hasard »

J'ai lu, en parallèle des photos trouvées sur internet, fascinée par une artiste innovante et une personnalité originale. L'immense documentation artistique témoigne d'une époque (années 50, 60 et 70) par des photos de genre au plus près du réel, scènes de vie et de rues, instantanées ou posées, où s'invitent des autoportraits fragmentés dans des reflets improbables.

Fascinant parcours d'une oeuvre devenue de notoriété publique quand son auteur restera à jamais insaisissable.
Un coup de coeur.


http://www.association-vivian-maier-et-le-champsaur.fr/medias/files/french-part-1et2.pdf

Exposition actuelle du 19 janvier au 30 mars 2019 aux Douches La Galerie - Paris
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Splendide ! Qui mieux que Gaëlle Josse aurait su avec toute sa modestie, sa poésie, nous livrer une biographie de cette photographe tout aussi humble.
C'est en regardant un reportage très court relatant l'incroyable aventure de cet agent immobilier qui s'est retrouvé avec un tas de cartons contenant des kilomètres de pellicules, et tout un bric à broc que mon attention fut vite captivée pour cette nounou complètement inconnue dans le monde de la photographie. Il en est ainsi puisqu'elle-même fait en sorte de ne pas attirer l'attention.
En visionnant les clichés, moi qui adore le noir et blanc, waouhhh je fus complètement subjuguée par son talent. Rien qu'en ouvrant le site qui lui est dédié on est en admiration. Je vous laisse l'adresse, faites y un tour vous ne serez pas déçus du moins pour les amoureux de la photo http://www.vivianmaier.com/
Du coup, quelque temps passe, et que vois-je sur Babelio : un livre dédié à cette femme extraordinaire et de surcroît écrit par Gaëlle Josse, le bonheur assuré.
J'ai pénétré dans cette biographie sans faire de bruit, j'ai écouté, l'histoire qu'elle nous conte, ses racines, sa famille, son besoin d'indépendance, de liberté, son besoin d'être simplement, elle, rien que pour elle et son appareil. Ce fut sans aucun doute une Nanny bien particulière et précieuse, car ce sont les trois garçons qui l'ont retrouvée démunie et qui lui ont payé son loyer, ça si ce n'est pas la preuve par mille de l'amour réciproque.
Elle n'est pas connue ni reconnue mais jamais elle n'a tenté de l'être et je pense que là n'était pas son but. Et nous avons cette chance inouïe que ses archives soient tombées dans les mains de cet homme qui a eu le flair, la patience de nous révéler ce trésor. On ne le remerciera jamais assez.
Je me lasse pas de visionner toutes les photos, quel talent, et c'est également un patrimoine de notre passé en image.

La plume de cette auteure a su rendre à César ce qui est à César mais en toute simplicité avec juste cette dose de poésie qui nous enchante, a su démêler cette pelote de laine pour commencer cette histoire sur notre territoire car oui, elle provient des Alpes. Il y a d'ailleurs des parcours à faire j'ai vu ça en parcourant le site de l'association. C'est sans doute un brin trop touristique, je préfère de loin admirer ses photos ça me suffit.

Les mots deviennent presque inutiles pour comprendre cette nourrice qui se contente de si peu, la passion emplit sa vie, elle reste dans la marge juste un pied réaliste pour prendre ce boulot de nounou afin de survivre avoir un toit et une assiette, une petite salle de bains en guise de laboratoire.

Découvrez cet artiste par le biais de ce livre, et par le site et l'association, il y a aussi un documentaire. Elle le mérite amplement.
http://www.association-vivian-maier-et-le-champsaur.fr/
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Était-il bien nécessaire d'écrire la biographie, romancée qui plus est, d'une artiste de l'ombre sur laquelle on possède si peu d'éléments d'information ?
Pourquoi Gaëlle Josse s'est-elle lancée dans cette entreprise, sinon, peut-être parce qu'elle a retrouvé un peu d'elle-même dans la démarche supposée de Vivian Mayer.

Cette femme somme toute assez banale, dont la vie ne fut que secret, ombre, dissolution, semble avoir été fascinée par les visages et l'intensité de l'instant présent au point de souhaiter les restaurer par la photographie.

De plus, à notre époque où le "selfie" est parfois abusivement utilisé, peut-on encore s'étonner des nombreux auto-portraits en demie teinte qu'elle réalisa ?
Enfin, peut-on prétendre à une quelconque intention volontaire de l'artiste sachant qu'elle n'a jamais cherché à faire développer sa pellicule ?

Gaëlle Josse nous livre ici son approche personnelle de celle qui devint bien malgré elle "Une femme en contre-jour".
Issue d'une famille sentimentalement bancale, elle fera avec sa mère plusieurs aller-retour entre l'Amérique et la France.
Seule source sûre en ce qui concerne les témoignages, la famille Gensburg dont elle eu la charge des enfants pendant 15 ans, s'exprime maladroitement, affirmant en toute naïveté n'avoir jamais soupçonné le moindre talent caché.
Personnalité pour le moins controversée, tantôt adulée, tantôt décriée, Vivian Mayer a surgi de l'anonymat à la découverte de kilos de négatifs tapis dans des dizaines de cartons.

J'ai visité l'exposition du Bozart à Bruxelles et vu quelques-une des photos tirées de son oeuvre.
On ne peut nier un réel talent dont elle était sans doute très loin d'avoir conscience.
Ses auto-portraits sont particulièrement originaux, bien loin des poses ostentatoires que l'on adopte de nos jours.
Quand on sait en plus qu'elle ne vit aucune de ses propres photos, on est en droit de se poser des questions quant à sa véritable motivation.
Je penche personnellement pour un passe-temps tout simple hérité de sa tante et dénué de prétention.
Son oeuvre méritait d'être ainsi reconnue.

Dans ce récit, il ne faut pas chercher la plume de Gaëlle Josse, on en ressortirait déçu.e.s.
Elle parle de quelqu'un qui l'a touchée et fait part de ses émotions de bien belle façon.
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En entamant cette lecture, quelle divine surprise de retrouver celle que j'avais entrevue autrefois dans un passionnant documentaire sur Arte, Vivian Maier, et quel bonheur de l'approcher encore une fois sous la fine plume de Mme Josse qui tente ici de dénouer tous les mystères de cette vie anonyme , consacrée à la photographie.

Quelle est donc cette femme discrète, d'extraction modeste, qui laisse à sa mort tant de clichés et pellicules non développées (120000) à l'abandon dans des cartons, rachetés dans une vente aux enchères par John Maloof. Ce dernier, simple agent immobilier, intrigué par cette précieuse acquisition, va posthumément la sortir de l'ombre, après de nombreuses investigations, en France , dont elle est originaire, et aux USA où elle a principalement vécu, lui permettant ainsi de lui faire acquérir un peu de notoriété qu'elle aurait bien mérité !

Cette artiste douée, au passé familial compliqué, qui se cache, s'efface ( bien que nombre autoportraits ) derrière ses photographies, a t'elle voulu chercher dans le regard de tous ces déshérités, principaux sujets d'intérêt, un peu de sa propre misère aussi, une reconnaissance émotionnelle, fraternelle qui lui a fait souvent défaut, laisser une empreinte dans une existence sans ancrage, d'une solitude immense...tout simplement exister ?
Avec pour seul bagage son appareil-photo, clé de contacts et d'ouverture sur le monde, comme une main tendue, comme une quête éperdue...
Très émouvant de la savoir enfin reconnue !
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6 biographies, au moins, lui ont été consacrées en anglais, sans compter de nombreux articles et un documentaire qui a obtenu un Oscar dans sa catégorie. Vivian Maier est sortie de l'anonymat post-mortem et son talent de photographe de la rue et des sans-grade enfin révélé au monde. Mais sa vie, au-delà des grandes lignes, semble se refuser à l'analyse et à la compréhension autour de cette passion de la photo que même ceux qui l'a côtoyèrent ne jugèrent pas davantage que comme un hobby et n'y virent aucune trace d'un tempérament d'artiste. Au moment de zoomer sur son existence, Gaëlle Josse s'est sans doute interrogée sur la manière de faire pour lui rendre hommage. Une biographie ? Pas vraiment. Un roman ? Pas complètement. Une femme en contre-jour serait plus tôt un entre-deux, un vue panoramique, une mise au point en variant la profondeur de champ, en choisissant des angles particuliers dans une composition sans filtre, dans la mesure des connaissances acquises jusqu'alors. On retrouve avec bonheur la délicatesse de ton de l'auteure, malgré tout gênée aux entournures par l'obligation de donner des repères précis dans la biographie de Vivian Maier. On se dit qu'elle aurait pu aller plus loin dans la fiction et imaginer plus avant "sa" Vivian. Cependant, devant la modestie et l'absence d'envie de l'objet de son étude à rechercher la célébrité, il est assez logique que Gaêlle Josse se contente d'un récit qui ne fait que légèrement détourer les traits de son héroïne. le livre donne fortement le désir de se plonger dans les clichés de Vivian et c'est bien là sa vertu essentielle.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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Une femme contre-jour est le portrait d'une femme qui se voulait discrète, presque invisible, qui ne va se révéler que grâce à ses travaux photos découverts un peu par hasard lors d'une vente aux enchères à Chicago en 2007 par John Maloof, ce sont dizaines de boîtes contenant des négatifs et des pellicules non développées, qui, il espère, évoquent le Chicago du passé, son thème de prédilection. Mais le récit s'attache d'abord à reconstituer la vie et les motivations de cette photographe encore inconnue. Fille aînée d'un couple de mère française et de père américain, elle subit la mésentente de ses parents et, grâce à quelques voyages en France, dans les Hautes-Alpes lieu d'origine de la famille maternelle, elle se voit offrir un Rolleiflex. Elle ne cessera, de retour à Chicago, d'explorer son entourage avec cet appareil photo, des scènes de vie ou des autoportraits sophistiqués. Un travail autodidacte qu'elle peut accomplir en sacrifiant sa vie intime ou professionnelle, devenant nounou pour enfants, une façon de s'accorder la liberté de mouvement.

Gaelle Josse avec cette biographie romancée s'inspire d'un ouvrage d'Ann Marks, ”Vivian Maier révélée : une enquête sur une femme libre” et du documentaire ”A la recherche de Vivian Maier” de John Maloof son découvreur et Charlie Siskel. le récit a l'avantage de révéler le parcours assez chaotique d'une famille dominée par des femmes fortes, une grand-mère et arriere grand-mère, toutes deux filles mères, une situation qui va façonner des personnalités qui doivent se battre contre la société. Et cette force anime également Vivian Maier, une femme solitaire qui annihile sa vie personnelle et consacre son temps à observer la vie à l'aide de son compagnon, son appareil photo. Un compagnon de chaque jour qui prévaut sur ses relations sociales et qui feront témoigner les personnes qu'elle a côtoyées, qui la décrivant pour certains comme cruelles avec les enfants qu'elle gardent ou d'autres comme une Mary Poppins qui transforment leur vision du monde.
C'est donc une personnalité très complexe qui laisse un héritage photographique immense, qui est reconnu mais qui se découvre au fur et à mesure des développements photographiques de John Maloof qui organise les expositions pour la faite reconnaître comme une photographe à l'égal de Cartier-Bresson.
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Elle a toujours de bonnes idées Gaëlle Josse.
Celle de nous raconter la vie de Vivian Maier en est une nouvelle.
Vivian Maier était une américaine d'origine française.
Enfance chaotique, parents défaillants.
Elle vivra en occupant la fonction de nurse, mais surtout, elle prendra tout au long de sa vie des milliers et des milliers de photos entassées dans des cartons.
Un homme achètera ces cartons à une vente aux enchères, découvrant ainsi la richesse de ces photos.
L'histoire n'est pas vraiment romancée et ça me gênait un peu de ne pas ressentir d'émotion particulière en lisant.
Mais, en allant sur le site de Vivian Maier et en continuant mes recherche sur internet, j'ai été sidérée, ébahie par la variété et la beauté de ces photos.
Et j'ai compris et admiré la démarche de Gaëlle Josse.
Comment cette femme à priori insignifiante, venant d'un milieu plutôt défavorisé, a-t-elle pu déployer un tel talent photographique ?
Mais aussi pourquoi ne les a-t-elle jamais présentées à personne ?
Il semble qu'elle photographiait compulsivement, comme si c'était une nécessité vitale, comme elle respirait.
Et qu'elles sont belles ses photos !
Des visages incroyables, des plans magnifiques, des effets d'optique dignes des plus grands photographes.
Merci à Gaëlle Josse de nous avoir permis de nous les avoir fait connaitre et d'avoir rendu un si bel hommage à Vivian Maier.
Cette femme en contre jour a la même passion que La femme révélée de Gaëlle Nohant.
Deux Gaëlle de grand talent.
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Vivian Maier est cette photographe américaine géniale des années 1950 et 1960, dont tout le travail avait été découvert par hasard dans des cartons oubliés au fond d'un garde-meuble de la banlieue de Chicago, alors que l'artiste venait de décéder dans le plus grand anonymat. Une oeuvre inouïe s'était alors révélée....

L'exposition que je viens de voir récemment au musée de Quimper et son complément au musée de Pont-Aven m'a donné une grande envie de lire le livre de Gaëlle Josse consacré à cette artiste trop longtemps méconnue et qui nous donne à découvrir un autre visage de l'Amérique.

Une artiste qui va sillonner les rues et se focaliser dans des quartiers pas toujours bien famés, sur des visages et surtout sur les exclus, les pauvres, les abandonnés du rêve américain, les travailleurs harassés, les infirmes, les femmes épuisées, les sans domicile fixe, les enfants courant dans les rues.. Parfois tout de même ce sont des femmes des beaux quartiers ou des hommes d'affaires.. mais toujours ce sens du détail, de l'expression, qui frappe dans chacune de ces photos.
Une artiste non répertoriée qui photographiait et assurait en même temps son travail de nurse dans les beaux quartiers de Chicago.

Quel parcours étonnant que celui de Vivian Maier! Au départ une naissance dans une famille particulièrement dysfonctionnelle: sa mère Maria, née enfant illégitime, rejoint sa mère Eugénie (la grand-mère de Vivian donc) aux Etats-Unis. Eugénie avait quitté sa région natale des Hautes Alpes pour vivre une vie loin du scandale de cette naissance illégitime. Maria plus tard va faire un mariage malheureux avec Charles Maier, originaire de la Slovaquie actuelle. de nombreux déboires vont marquer le couple qui va se séparer au bout de plusieurs années après avoir vu le frère de Vivian placé par les services sociaux de l'époque.. Vivian va survivre tant bien que mal, aidée par sa grand-mère Eugénie, Maria étant incapable de gérer une famille.. Vivian aura l'occasion de venir plusieurs fois au cours de sa jeunesse sur la région d'origine de sa mère dans les Hautes Alpes.

A partir de 1956 elle va travailler longtemps comme nurse pour la famille Gensburg de Chicago...
Les photos qu'elle va prendre seront prises sur une période très large.. Profitant d'un héritage du côté de sa mère, Vivian va même voyager un certain temps..

Les photos qu'ont peut voir à l'exposition sont très émouvantes et reflètent le regard plein de tendresse de la photographe qui voit souvent son visage apparaître dans le reflet d'une vitrine, d'une fenêtre...

Un nouveau regard plein de finesse sur une Amérique moins connue.

Le livre est court mais apporte beaucoup d'informations sur cette photographe..Quelle preuve de résilience qu'a donné Vivian Maier qui a vu ses premières années, ballotée d'une famille à l'autre, hébergée par de la famille plus ou moins charitable, et ballotée d'un continent à l'autre!!..
Bref un livre comme on les aime... qualité de l'écriture et précision psychologique d'un bout à l'autre...
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Vivian Maier… Est-ce bien utile de présenter cette nourrice qui passait son temps à photographier les gens qui se trouvaient sur son chemin tandis qu'elle marchait au hasard des rues de NewYork puis de Chicago, un oeil sur les gamins qu'elle gardait, l'autre sur le monde agité et fou de la rue ?
Plus de cent cinquante mille photos prises, la plupart non développées.
Qui était-elle ?
Je la découvre en juillet 2014 lors de la sortie du film de John Maloof et Charlie Siskel : Finding Vivian Maier. Plus exactement, je reste fascinée par l'affiche du film placée dans un panneau en verre derrière le stop à la sortie du collège où je travaille. L'affiche retient mon regard. Très vite, son histoire me fascine ; ses photos, et notamment ses autoportraits dénués d'expression, me saisissent. Je commence à rassembler tout ce que je trouve à son sujet. Pas grand-chose encore mais ce pas grand-chose me suffit. Je m'en délecte. Il est de plus en plus question d'elle dans les journaux. Ma collection s'agrandit. Lorsque je tombe sur un autoportrait, je jubile et m'en repais.
Et puis l'année dernière, avec les enfants, nous allons à New York. Je me rends compte qu'arpentant les rues, je pense à elle à chaque moment, m'amuse à me photographier « à la manière de ». Je joue à elle. Vers la fin du séjour, au pied du pont de Brooklyn, nous tombons par hasard sur une librairie. Et là, pour la première fois, je découvre des livres entiers sur elle. Je ne décolle pas. Mais ils sont chers et ne sais pas choisir. Je photographie quelques pages (oui, c'est mal) pour ajouter quelques clichés à ma collection. Et puis Paris, janvier 2019, galerie Les Douches, rue Legouvé dans le 10e, je découvre pour la première fois ses photos grandeur nature… Et là, je m'achète un premier album : ses autoportraits. A chaque page, tandis qu'elle se cache dans un reflet de miroir ou de vitre, je m'abîme dans une contemplation que peu d'oeuvres d'art ont suscitée chez moi.
Pourquoi est-ce que je vous raconte tout cela? Eh bien parce que lorsque j'ai su que Gaëlle Josse avait écrit un texte sur Vivian Maier, j'ai eu peur de l'effet produit par cette fusion, c'était pour moi comme si deux géantes s'étaient donné rendez-vous. J'aime beaucoup beaucoup les romans de Gaëlle Josse, Une longue impatience m'a touchée au coeur et je n'oublierai jamais certaines scènes de ce texte.
Bref, deux grandes allaient se rencontrer… Qu'est-ce que tout cela allait produire ? Comment Gaëlle Josse allait-elle « s'emparer » de cette femme tellement étrange qu'est Vivian Maier ? Par quel « bout » allait-elle la prendre, en parler, NOUS en parler ? Comment s'approcher d'une femme qui demeure un mystère et sur laquelle les témoignages sont extrêmement divergents et très lacunaires ?
L'auteure a choisi de raconter la vie de Vivian Maier, son enfance pas particulièrement heureuse, des parents plutôt défaillants, un long séjour en France puis un retour aux États-Unis, New-York puis Chicago. Il est indiqué en anglais au début du livre : « this is a work of fiction ».
J'avoue que cette précision m'a troublée. Est-ce que pour autant je lisais un roman ? le mot n'était écrit nulle part. Une biographie romancée ? Pourquoi ne pas choisir l'un ou l'autre ?
Si je connaissais certains pans de la vie de la photographe, son séjour en France demeurait pour moi un peu flou.
Certes, je comblais mes manques mais étrangement, au lieu de m'approcher de Vivian Maier, j'avais la pénible impression de m'éloigner d'elle, comme si toutes ces histoires de famille ne me parlaient pas vraiment de cette femme ; comme si elles étaient là pour remplir un vide, une incapacité fondamentale dans laquelle nous nous trouvons de dire qui Vivian Maier est vraiment.
J'avais envie de la retrouver adulte telle qu'elle est sur ses autoportraits, partir, pour aller vers elle, non de sa famille mais de son oeuvre, de ses photos. Recentrer sur l'essentiel : son obsession, son travail. Or, il m'a semblé que le texte passait peut-être trop rapidement là-dessus : « elle travaille sa technique photographique » p 100, oui mais comment ?, que fait-elle précisément ?, note-t-on un changement important, une évolution particulière concernant son travail à ce moment précis ? Et si oui, lequel ? J'aurais eu envie que l'on explore davantage son art de photographe. Cela me manque. Sa vie, on commence à la connaître ; en revanche, j'aurais préféré que le regard de Gaëlle Josse s'attarde sur les photos de Vivian Maier, sur sa façon de voir le monde, les gens, les lieux, sur ses cadrages, ses autoportraits fragmentés (Comment Gaëlle Josse comprend-elle cette femme à l'aune de ce qu'elle a produit ? Quel sens l'auteure donne-t-elle à ces incroyables autoportraits tout en tension?) J'ai finalement eu le sentiment que le texte tournait autour de Vivian Maier sans jamais l'atteindre vraiment. Peut-être aurait-il fallu l'attaquer « de face » et non la contourner : les photos sont citées parfois, trop peu souvent. C'est là que j'attendais Gaëlle Josse, dans une espèce de face à face, yeux dans les yeux : je vais dire ce que je vois quand je TE vois. Je vais dire comment je t'imagine derrière ton Rolleiflex quand tu prends telle ou telle photo. Je vais dire comment je te devine sur les trottoirs, seule ou avec les mômes que tu gardes, avec ce monde autour de toi.
Peut-être même un « je » aurait-il été envisageable, l'auteure se plaçant dans le corps et l'esprit de cette femme. Un roman ? Oui, je crois que c'est ce que j'aurais aimé dans le fond et je pense aussi que c'est de cette façon que le talent de l'auteure se serait vraiment révélé. Parce que c'est vrai, si je n'ai pas trouvé Vivian Maier, j'ai un peu perdu Gaëlle Josse. Je ne la retrouve pas dans ce texte qui m'a semblé parfois un peu « scolaire ». L'auteure est comme bridée par ce récit biographique dans lequel elle n'est pas, qui la tient en dehors de ce qu'elle écrit. Et j'aurais voulu qu'elle soit dedans, que la collusion ait lieu entre l'auteure et son « personnage ». Tant pis si on est dans la fiction, tant pis si on se plante et qu'on passe un peu à côté d'une vérité à laquelle, de toute façon, on n'accédera jamais. Gaëlle Josse redonnant vie à Vivian. La langue de Gaëlle Josse incarnant le mystère Vivian Maier. Oui, finalement c'est ce que j'attendais… et sans doute cela m'a-t-il rendue moins réceptive au projet effectif de l'auteure. Promis, la prochaine fois, j'essaierai de ne pas écrire l'oeuvre à l'avance...
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Fixer des mots sur le papier pour reconstituer la vie d'une femme comme on fixe un visage sur la pellicule n'est pas chose facile. A la différence d'un clic-clac, l'écriture demande un long travail de recherches puis d'écriture et quand celle-ci n'a laissé d'elle que des milliers de photos, il faut se glisser dans la peau de cette femme photographe, avoir son regard, imaginer ce que fut sa vie et tenter de comprendre qui elle était afin de comprendre son travail.

Il ne reste de Vivian Maier que des milliers de photos et de pellicules, entassées dans des cartons dans un garde-meubles, vendues aux enchères en 2007 et acquises pour 400 $ par John Maloof, agent immobilier. Elle n'a connu de son vivant que le travail de gouvernante chez de riches américains et profitait de l'anonymat offert par les sorties avec les enfants pour photographier les visages d' inconnus dans les rues de New York ou Chicago ou son propre visage en reflet comme pour se convaincre de son existence.

Gaëlle Josse aime à partir d'un tableau dont un des personnages la touche, se glisser et  imaginer, comme dans L'ombre de nos nuitsLes heures silencieuses,  leurs vies, entrer dans leurs pensées et construire une histoire où l'imaginaire et la sensibilité de l'auteure fait merveille. Elle devient leur ombre, une sorte de témoin, confidente de leurs états d'âme, de leur vie.

Les visages. Je suis, comme Vivian Maier, fascinée, obsédée par les visages. Par ce qui s'y lit, ce qui s'y dérobe. Approcher un parcours de vie, un chemin, une histoire. Approcher le grain de peau, le battement du coeur, du sang, le souffle, la sincérité d'une expression, le surgissement d'une émotion, suivre le tracé d'une ride, d'un frémissement des lèvres, d'un battement de paupières. Saisir les conflits intérieurs qui s'y jouent, les passions qui y brûlent, les douleurs qui affleurent, entendre les mots qui ne seront pas dits. Accompagner quelques êtres qui courent vers leur destin et nous interrogent sur le nôtre. (p90)

Gaëlle Josse, comme vous et moi, à la vue d'un tableau, une photo, à l'écoute d'une musique, imagine la vie de ceux qui y figurent, qui l'ont créé.

Je la vois, passant ses journées sur le pont, curieuse de tout, soucieuse de fuir la cabine..... (page 46)

Née à New-York en 1926 mais ayant des racines maternelles dans les Hautes Alpes, Vivian Maier rejoint à 17 ans sa mère à New York puis, après quelques allers-retours entre la France et les Etats-Unis, elle s'installera à Chicago. Comme souvent, une rencontre sera déterminante dans sa vie : celle d'une amie de sa mère Jeanne Bertrand, photographe, qui lui offre son premier appareil.

Cette gouvernante/photographe possède tous les ingrédients pour construire un roman : une enfance sûrement marquée par le divorce de ses parents, son éloignement pendant son enfance puisqu'elle vivait en France et sa mère à New-York,  sa séparation avec son frère Charles (Karl), un rapport aux hommes très distant peut-être dû à son père, un américain dévoyé, un sentiment d'insécurité, une vie de femme solitaire, démunie, mettant toute son énergie à fixer ses journées à travers les photos de son quotidien dans les rues des villes américaines sans autre but, semble-t-il, que de photographier, de saisir l'instant.

Son travail photographique accorde une large place aux femmes âgées. On ne photographie rien par hasard. Un artiste poursuite ce qui le hante, l'obsède, le traverse, le déchire. Rien d'autre. Vivian Maier est avant tout une artiste, même si elle n'en revendique rien. (p68)

Pourquoi telle oeuvre plutôt qu'une autre, tel visage plutôt qu'un autre, impossible de le dire, cela se passe entre l'oeuvre et vous,  mais dans le cas de Vivian Maier, ce visage hermétique, inexpressif, laisse un champ des possibles immense.

Même si j'ai retrouvé avec plaisir l'écriture de Gaëlle Josse, sa sensibilité,  je suis restée à distance de ce récit. Est-ce dû au fait qu'il ne reste de Vivian Maier que ses photos et pratiquement aucune information sur sa vie, mais la répétition des interrogations, des questions le plus souvent sans réponse donnait à l'ensemble un goût d'inachevé. J'ai eu le sentiment que l'auteure oscillait entre réalité et suppositions sans vraiment prendre un chemin définitif.

Pourquoi ne pas en faire un roman d'imagination totale, une fiction basée sur le peu de faits connus, sur les photos et imaginer ce que fut sa vie de cette nounou ou bien s'attarder sur une photo et en construire une divagation comme c'est si bien le faire l'auteure, plutôt qu'une énumération des événements connus de sa vie et de suppositions.

Par contre les dernières pages dans lesquelles Gaëlle Josse fait le parallèle entre son travail et celui de la photographe, sont sublimes et j'y retrouve toute la sensibilité de l'auteure :

Les visages. Je suis, comme Vivian Maier, fascinée, obsédée par les visages. Par ce qui s'y lit, ce qui s'y dérobe. Approcher un parcours de vie, un chemin, une histoire. Approcher le grain de peau, le battement du coeur, du sang, le souffle, la sincérité d'une expression, le surgissement d'une émotion, suivre le tracé d'une ride, d'un frémissement des lèvres, d'un battement de paupières. Saisir les conflits intérieurs qui s'y jouent, les passions qui y brûlent, les douleurs qui affleurent, entendre les mots qui ne seront pas dits. Accompagner quelques êtres qui courent vers leur destin et nous interrogent sur le nôtre. (p90)

Avant la sortie du livre, j'avais vu un documentaire sur l'exposition se déroulant jusqu'à la fin du mois de mars 2019 à la galerie Les Douches à Paris, qui m'avait interpellée sur la personnalité de cette femme qui n'avait pas pris, le plus souvent, la peine de développer ses pellicules, une manière peut-être, de vouloir rester dans l'ombre et pour qui comptait seulement l'instant fixé...
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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