Certes, voilà qui est rare. J'ai traversé beaucoup d'ateliers. Ce qu'on y trouve en belle place, en pleine lumière, ce sont ordinairement les œuvres de l'artiste que l'on va voir. Faut-il blâmer cette coutume des peintres et des sculpteurs? Pourquoi? Que l'homme d'art se plaise dans le regard fréquent qu'il porte sur ses pensées peintes ou modelées-, cela peut lui être profitable. Si son œil est subtil et fin, si son esprit est indépendant, il devient à lui-même son critique. Qui donc jugera mieux l'oeuvre que l'ouvrier? Au reste, cet entourage de toiles ou de statues peuplant l'atelier du maître qui les a produites, est un enseignement pour le visiteur. Elles complètent l'homme. Elles attestent son activité. Elles portent témoignage de son génie.
Un jour, quelqu'un rappela que Gigoux avait autrefois conseillé à Charles Blanc d'écrire sur ses contemporains. L'auteur de l'Histoire des Peintres avait goûté le conseil de son ami, et nous savons combien de pages achevées, pleines d'imprévu, de faits intimes qui sont autant de témoignages irrécusables, attirent vers ce livre de bonne foi, l'un des derniers que le critique ait écrits, les Artistes de mon temps.