MICHEL SWING est une bande dessinée en noir, blanc et rouge et au format à l'italienne. Elle a été publiée par Treize Etrange en 2006.
Les spoilers passent à 350 km/h. Ils en deviennent invisibles.
C'est dimanche et encore une fois, Michel Swing, le sextuple champion du monde de Formule 1, remporte la course au volant de sa Ferriri F-3000. Pourtant tout n'est pas rose : un mystérieux téléspectateur semble lui vouer une haine profonde et les souvenirs de la mort de
Steve Watson, son concurrent mais néanmoins ami, le hantent plus que de raison. C'est alors que le sabotage de sa limousine ne fait rien pour le rassurer.
Comment j'ai pu tomber sur cette bd, je n'en ai aucun souvenir. Sans doute parce que je voulais lire du Brüno et que je me suis retrouvé avec plus que ça. Même si j'ai passé un temps non négligeable à regarder des courses de formule 1 avec mon oncle lorsque j'étais enfant, je n'ai jamais été fondu de sports automobiles ou motorisés, et je crois bien que je ne comprendrai jamais toutes les subtilités et tous les aspects de ces sports. Par contre j'y trouve une certaine poésie colorée et bruitiste, peut-être sont-ce là les fondements qui me font aimer d'écouter du bruit, de la noise.
Plus que ça disais-je, car MICHEL SWING, forte de ses 120 pages environ, est une aventure en elle-même. Les deux auteurs principaux la débutèrent en juin 2002, en ayant à l'esprit de créer un feuilleton sans filet : chacun dessine une planche à la suite de l'autre, sans savoir où l'autre va aller ou ce qu'il va proposer. Ils créent un site internet, un système d'abonnement gratuit par e-mail, affûtent leurs conditions de travail et après trois ans et demi d'écriture et de dessins, compilent le tout chez Treize Etrange.
Elle compte donc un prologue d'une planche, cent épisodes d'une planche chacun, un épilogue de trois planches, une aventure supplémentaire de six planches, sept planches de bonus comportant des statistiques hilarantes, des fausses pubs, des jeux inédits et des commentaires sportifs plus vrais que nature, et enfin un jeu de circuit automobile détachable type Jeu de l'Oie. le tout dans une bichromie de rouge et noir.
Au fur et à mesure de l'aventure, d'autres auteurs participent, à hauteur d'une planche chacun :
Jean-Philippe Peyraud, Alfred,
Lionel Chouin et Zanzim. L'épisode 41 est un message des créateurs : à partir de là, ils s'ajoutent la contrainte du dé. le lancer d'un dé à 12 faces (D12) donnera le nombre de cases de la planche suivante.
Michel Swing est donc le meilleur pilote de F1 de sa génération. A la suite d'une tentative d'assassinat sur sa personne, il va se voir protégé par Bright, un agent du FBI, tandis que son constructeur et directeur d'écurie, Enzo, tente de le garder au top de sa forme. Au fur et à mesure, d'autres personnages apparaissent, d'autres meilleurs sportifs de leur génération, une journaliste ambitieuse et forte, un méchant mystérieux, des ninjas, des machines infernales et même des montgolfières. de leur patronyme (Jacques Latiffe, aux longs cheveux, ou un autre coureur, Tonmoya) à leurs actions, les personnages, tout comme les décors, de falaise en tour infernale, balisent MICHEL SWING dans la parodie et la dérision, chaque détail ajoutant un peu plus de réalisme ou de rire à la trame principale. le prénom du personnage principal rappelle d'ailleurs celui d'un autre héros bien connu de la bd franco-belge, le pilote star de l'équipe VAILLANT. Et bien évidemment, la parodie n'oublie pas au passage de se moquer de tous les travers du sport et de leurs acteurs et actrices concomitants : journalistes, présentateurs télés, sponsors, propriétaires et sportifs eux-mêmes. Même le complotisme inhérent à tout drame est gentiment tourné en ridicule.
L'improvisation telle un cadavre exquis, les personnages archétypaux, les situations abracadabrantes, l'humour visuel ou écrit, la contrainte du dé, les scènes d'action venues tout droit des années 80 : tout ramène à l'enfance et au jeu. MICHEL SWING est le jouet de deux auteurs, leur récréation entre leurs boulots sérieux et la vie quotidienne. Ils écrivent des dialogues grossiers sans aucune crainte de censure, rappellent tous les fantasmes des chasses aux trésors, voient grand et démesuré, convoquent même le savant fou de L'ETOILE MYSTERIEUSE de
Hergé.
Quant à l'alternance de deux traits différents mais proches, elle n'est jamais perturbante. Chaque dessinateur est facilement reconnaissable tout en adoptant un type de dessin commun : encrage épais, registre comique et simpliste, caricatural. Pourtant les décors ne sont pas toujours oubliés, les voitures sont parfois bien détaillées, les personnages immédiatement reconnaissables quel que soit leur profil, le dessin ne servant que le propos et ne devenant jamais un frein à ces aventures trépidantes. Que ce soit dans le ton utilisé ou le dessin, la cohérence reste impressionnante : il est remarquable qu'étalée sur autant d'années, avec des changements de dessins perceptibles mais proches, la bd fonctionne toujours autant après cinq ou six lectures. Et je pense que les prochaines ne dérogeront pas, puisqu'il est impossible de se souvenir de toutes les blagues, tous les détails et toutes les références. Michel Swing, c'est vraiment un champion.
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