(... ) L'esprit à l'instant de la création est pareil au charbon sur le point de s'éteindre. Lorsque l'on se met à composer, l'inspiration est déjà sur son déclin comme de la braise prête à s'éteindre et que, seul une influence invisible, tel un vent inconstant peut redonner un éclat éphémère.
La liberté qu'ils souhaitaient pour eux-mêmes était surtout une liberté de costume et de vocabulaire; Stephen n'arrivait pas à comprendre comment cette pauvre caricature de la liberté pouvait amener des êtres humains raisonnables à plier les genoux pour l'adorer.
« Il pensait qu’il incombait à l’homme de lettres d’enregistrer ces épiphanies avec un soin extrême, car elles représentaient les moments les plus délicats et les plus fugitifs. »
Sa vie commençait à se teinter d'une certaine extravagance. Il se rendait compte que si, nominalement, il était d'accord avec l'ordre social au sein duquel il avait vu le jour, il ne pourrait le demeurer longtemps. La vie d'un déraciné lui paraissait beaucoup moins ignoble que la vie de celui qui accepte la tyrannie du médiocre sous prétexte que le fait d'être une exception se paie trop cher.
« Par épiphanie, il entendait (Stephen) une soudaine manifestation spirituelle, se traduisant par la vulgarité de la parole ou du geste ou bien par quelque phrase mémorable de l’esprit même. Il pensait qu’il incombait à l’homme de lettre d’enregistrer ces épiphanies avec un soin extrême, car elles représentent les moments les plus délicats et les plus fugitifs. Il déclara que l’horloge du Bureau du Lest était susceptible d’épiphanie (...) : "Que de fois je passe devant, j’y fais allusion, j’en parle, j’y jette un coup d’œil. Ce n’est qu’un article dans le catalogue mobilier des rues de Dublin. Puis un jour je la regarde et je vois aussitôt ce que c’est une épiphanie... Représente-toi mes regards sur cette horloge comme des essais d’un œil spirituel cherchant à fixer sa vision sur un foyer précis. A l’instant où ce foyer est atteint, l’objet est épiphanisé." »
- N'empêche que le mariage est une coutume. Se conformer aux coutumes est le fait d'un esprit sensé .
- C'est le fait d'un esprit ordinaire. Je t'accorde que bien des gens ordinaires sont sensés, tout comme je reconnais que bien des gens ordinaires se laissent abuser. Mais la faculté de se laisser abuser par autrui ou de s'abuser soi-même ne constitue pas, que je sache, une partie essentielle de l'esprit sensé. Reste à savoir si l'homme ne favorise pas son propre état d'insanité lorsqu'il s'abuse volontairement ou se laisse abuser par autrui.
L'homme qui jure d'accomplir quelque chose qui n'est pas en son pouvoir ne saurait être pris pour un homme sensé. Je ne crois pas, pour ma part, qu'il ait jamais existé un instant de passion assez intense, assez énergique pour justifier l'homme qui déclare à l'objet adoré " Je suis capable de t'aimer pour toujours ". Mesure, s'il te plaît, l'importance de Goethe....
La vie n'est pas un bâillement. La philosophie, l'amour, l'art ne disparaîtront pas de mon univers si je cesse de croire qu'en ressentant un désir pendant un dixième de seconde je me prépare à une éternité de torture. Je suis heureux...